Interview Denis Lépée – Rester le chasseur

1 livre et 5 questions pour permettre à son auteur de présenter son œuvre

5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger

Sortie : 20 septembre 2023

Editeur : Fayard

Lien vers ma chronique du roman

Avec ce polar, on est loin de l’image populaire des côtes bretonnes…

Oui, je voulais justement avec ce roman emmener le lecteur derrière le décor que connaissent tous ceux qui sont venus en vacances sur les plages bretonnes pour profiter de la douceur de vie de ce pays magnifique. Je voulais leur montrer aussi ce que l’on ne voit pas, la part d’ombre d’un pays aux prises avec les mêmes difficultés que les autres régions françaises, toutes ces villes moyennes gangrenées par la violence et au premier chef par le trafic de drogue. Les policiers des stups de Saint-Brieuc ont le même quotidien que beaucoup de leurs collègues. La vie quotidienne de nombreux habitants en subit les conséquences.

C’est vrai que c’est un contraste frappant avec la beauté des paysages, la puissance de l’atmosphère maritime, que mon personnage le commandant Alex Dumas adore. Shakespeare disait que l’enfer est désert parce que les démons vivent à nos côtés. Il avait parfaitement raison : et ils vivent même dans les paradis au bord de l’eau.

Alors que ton précédent roman noir se déroulait sur les terres lointaines finlandaises, qu’est-ce qui t’a poussé à revenir en France pour ce nouveau roman ?

J’avais envie d’ancrer mon récit romanesque dans un quotidien proche de moi et qui évoquerait quelque chose à chacun d’entre nous. En France, tout le monde a une idée de la Bretagne, plus ou moins forte et plus ou moins cliché, mais tout le monde en a une. L’alternance de pluie et de soleil, les crêpes et les galettes, les clochers et les menhirs, l’omniprésence de la mer… J’ai voulu jouer avec ces stéréotypes en y insérant un polar tendu et un personnage de flic qu’on voit rarement me semble-t-il dans ce genre de paysage.

Un flic élevé dans un monde urbain, qui vient chercher la chance d’un nouveau départ. Un flic passionné par ses semblables, généreux et solitaire, radical dans sa manière de défendre ce qu’il croit juste. Sans concession mais sans arrogance. Et puis j’ai une affection particulière pour la Bretagne et sa côte nord. C’est une façon de rendre hommage à cette région qui est pour moi un véritable port d’attache.

Le roman démarre par une scène forte, autour de la plongée, un thème et une ambiance qui te tiennent à cœur…

J’ai découvert la plongée en Bretagne il y a dix ans, et c’est devenu une passion, j’ai d’ailleurs fêté ma 200e plongée à la fin de l’été ! C’est une expérience qui bouleverse toutes les règles, qui allie intensité, maîtrise et émerveillement. Sous l’eau tous les sens sont déformés. Et le danger est permanent.

Ce roman est né un jour d’automne sur un semi-rigide, alors que nous étions en route vers notre lieu de plongée, quand m’est venue à l’esprit cette interrogation : que se passe-t-il si un plongeur remonte après sa plongée et que le bateau qui l’attend est vide, si celui qu’on appelle le « pilote », chargé de rester à la surface pour assurer la sécurité a disparu ? Les graines de l’intrigue étaient plantées…

Nous sommes dans un polar pur et dur, carré et bien mené. Comment as-tu travaillé ton intrigue pour qu’elle tienne si bien la route ?

J’ai pris le temps de me renseigner auprès de professionnels, policiers, gendarmes, magistrats, qui ont accepté avec beaucoup de simplicité de me faire entrer dans leur quotidien et de m’en dévoiler les coulisses. Ils m’ont montré les lieux où ils travaillent, parlé de leurs pratiques, j’ai entendu leurs questions, leur détermination et parfois leur lassitude. Ils font un travail souvent invisible d’une ténacité et d’une qualité que peu de gens peuvent vraiment imaginer.

Avec ce matériau j’ai essayé de bâtir une intrigue qui suit au plus près ce que vit Alex Dumas, commandant des stups. En entraînant le lecteur avec lui, dans l’ombre où il se débat.

Le roman est ancré dans son époque, par son thème principal, mais également lorsque tu parles des éoliennes maritimes, par exemple. Le polar sert-il aussi à mettre des sujets de société sur la table ?

C’est dans les gênes même du polar que de parler d’une époque, de ses failles et de ses questionnements en même temps qu’il raconte une histoire. Un polar, c’est une fiction glissée dans une description de la réalité du temps présent. La drogue, la violence font hélas partie plus que jamais de notre quotidien au même titre que les questions énergétiques et la protection de l’environnement.

Je peux en témoigner : les éoliennes en construction sont là-bas un sujet permanent de discussion et de débat en famille ou entre amis. C’est une partie du paysage auquel le lecteur a accès à travers les yeux du héros.

C’est quelque chose que j’aime aussi dans les goûts éclectiques qui sont les miens en tant que lecteur de polar, de Simenon à Manchette en passant par chez James Lee Burke lorsqu’il évoque en toile de fond les forages pétroliers dans le sud des États-Unis.

Ces sujets de société colorent la toile de fond du roman. Mais il n’en font pas une œuvre politique ou militante. Le cœur de ce livre c’est la lutte d’un homme pour défendre et protéger les siens : sa famille et aussi ceux qui ne peuvent se défendre eux-mêmes.

Photo copyright : Arnaud Meyer / Leextra / Editions Fayard



Catégories :Interviews littéraires

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