Interview Elisa Beiram – Le Premier Jour de paix

1 livre et 5 questions pour permettre à son auteur de présenter son œuvre

5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger

Editeur : L’Atalante

Sortie : 24 août 2023

Lien vers ma chronique du roman

Dans le futur que vous décrivez, le monde va mal, les dérèglements climatiques ont mis la terre à genoux. Et pourtant, le ton de votre roman est résolument, étonnement optimiste…

L’optimisme dans Le premier jour de paix n’est pas un optimisme candide, car j’ai besoin d’imaginer un monde auquel je puisse croire. Je suis incapable d’écrire en faisant abstraction de ce qu’est notre réalité aujourd’hui. Cela dit, je suis intimement convaincue que l’humain est un être profondément optimiste. L’histoire a montré que notre espèce était capable de traverser les plus dures épreuves et de s’en relever la tête haute. Après tout, ça n’est peut-être que l’instinct de survie, mais alors, c’est une énergie folle qui, dans le prisme de la conscience, est capable de nous mener loin.

” Comme la médecine ne peut guérir toutes les maladies, la paix n’entend pas éradiquer toute violence, mais cherche à en atténuer les effets dévastateurs “

Vous imaginez la paix non pas comme l’objectif, mais comme la solution. Et la voir se propager comme une épidémie…

Avant de commencer à écrire Le premier jour de paix, je ne connaissais pas grand-chose au sujet de la résolution de conflits. Je percevais la paix seulement comme l’absence de guerre, ce qui est une définition réductrice, et je voyais cette paix comme un joli idéal inatteignable. À force de lire sur le sujet, j’ai compris que la paix est un processus : non pas l’absence de conflit, mais la capacité à résoudre ces conflits de manière pacifique, constructive. C’est une idée très forte, et quand on l’a saisie, la paix paraît beaucoup plus accessible. On se sent plus solide, et même enthousiaste à l’idée d’expérimenter, d’approcher les conflits d’une manière nouvelle.

Quant à l’idée d’une “épidémie” de paix… Cela me fait penser à autre chose, un peu à l’opposé : Johan Galtung, qui est considéré comme un des fondateurs de l’irénologie (la science de la paix), compare la violence à une maladie, dont les symptômes seraient la violence physique. Prendre un Doliprane (par exemple, signer un cessez-le-feu) peut calmer la douleur, mais ne soigne pas le mal. Pour guérir, il faut aller chercher les causes profondes, dans d’autres violences : culturelles, institutionnelles… Comme la médecine ne peut guérir toutes les maladies, la paix n’entend pas éradiquer toute violence, mais cherche à en atténuer les effets dévastateurs.

Vous avez fait le choix du roman choral, écrit au plus près des personnages…

La structure du roman est conçue comme un dézoom : on commence par une vision intime du conflit, à travers l’histoire d’un vieillard qui fuit son passé de violence. On va ensuite vers le local, avec une émissaire qui voyage de communauté en communauté pour résoudre les disputes et les problèmes. Puis on découvre l’échelle globale, la paix sous la forme des négociations diplomatiques. J’ai le sentiment qu’il aurait été difficile de traiter toutes les échelles du conflit en ne suivant qu’un personnage. Mais le roman choral est aussi une forme que j’avais adoptée dans mon premier roman, Rêveur zéro, alors j’ai sûrement une certaine affinité avec elle ! Dans le roman que je suis en train d’écrire, cela va même “empirer”, puisque le récit partira du Premier jour de paix, en 2098, pour revenir à nos jours, en adoptant à chaque chapitre un point de vue et une forme différente.

Les sujets sont graves, mais vous surprenez en utilisant un ton atypique dans ce genre de livre, parfois clairement ludique…

Sans doute parce que je ne peux pas m’en empêcher ! On ne peut pas rester sérieux trop longtemps, surtout quand on aborde des sujets graves.

” Je ne crois pas à l’apocalypse, à l’effondrement, ni à un réveil soudain des consciences. Le changement est un processus long “

Le roman peut sembler court, mais il se révèle dense et très documenté…

J’ai lu beaucoup d’essais et d’articles, d’abord parce que je voulais écrire un monde plausible. Le choix de la fin du siècle comme théâtre de l’histoire peut paraître lointain, mais c’est en vérité demain. Le premier personnage du roman est d’ailleurs né en 2023.

J’ai voulu écrire un monde réaliste, mais aussi un monde accessible, dès maintenant. Je ne crois pas à l’apocalypse, à l’effondrement, ni à un réveil soudain des consciences. Le changement est un processus long. Il a déjà commencé, et il doit continuer. Notre défi, aujourd’hui, c’est de ne pas nous laisser paralyser par l’urgence climatique.

À la fin du roman, il y a une courte bibliographie, qui recense les ouvrages qui m’ont le plus impactée durant mon travail d’écriture. C’est une invitation à poursuivre la réflexion sur la résolution des conflits, sur les violences et leurs origines, et plus largement sur la manière de bâtir un avenir guidé par d’autres valeurs, plus respectueuses de l’humain et de la Terre. Si ce roman peut être une porte d’entrée vers une recherche plus approfondie sur ces sujets, alors j’aurai atteint mon objectif.



Catégories :Interviews littéraires

Tags:, , , , ,

8 réponses

  1. Merci à vous deux pour ce bel échange. 🙏 😘

  2. Merci pour cet échange : j’ai lu et aimé (à une ou deux réserves près) ce roman et les réponses de l’autrice le complètent.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      oui un bel échange, j’aime sa vision des choses

  3. Nath - Mes Lectures du Dimanche – Livres, ongles & Rock 'n Roll

    Voilà des réflexions bien pertinentes qui donnent à réfléchir…

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      n’est-ce pas !

  4. Collectif Polar : chronique de nuit – Simple bibliothécaire férue de toutes les littératures policières et de l'imaginaire.

    Je viens de le finir….
    Je vous lis après avoir fait ma chronique ! 😊

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      On a vraiment beaucoup de lectures communes en ce moment !

Rétroliens

  1. Le Premier Jour de paix - Elisa Beiram - EmOtionS, blog littéraire

Laisser un commentaireAnnuler la réponse.

%%footer%%