Du blanc, partout. Le froid qui s’insinue jusque dans vos os. La nature qui dicte ses lois, qu’on admire autant qu’on craint. Ces sensations sont omniprésentes dans Norferville de Franck Thilliez, attendez-vous à les ressentir au détour de chaque page. Vous y découvrirez sans doute même des phénomènes surprenants, comme les fumées de mer arctique.
Pour ce one shot, direction tout au nord du Canada, loin dans les terres, au sein d’une petite ville minière qui n’est accessible pas aucune route. Les seuls moyens de s’y rendre, ce sont l’avion privé ou plus sûrement le train, comptez environ 13 heures depuis Sept-Îles. Un endroit qui est en grande partie une immense mine de fer à ciel ouvert. Le décor est planté.
Ambiance
Norferville est une ville fictive, mais presque tout ce qui est décrit existe bel et bien. Vu le nombre d’ordures de la pire espèce qui vont traverser ce récit, l’auteur a préféré respecter les vrais gens qui vivent dans la ville qui a servi à imaginer cet enfer du Nord, Schefferville.
L’endroit idéal pour construire un thriller qui fait froid dans le dos. Mais pas seulement, loin de là. Parce que ce roman démontre avec brio que ce genre littéraire peut aussi faire passer des messages et faire comprendre des situations intolérables.
Le goût des aventures inédites
L’écrivain met en scène deux personnages cabossés, une sorte de profiler français et une flic canadienne qui est une « Pomme » (comprenez une métis, rouge dehors et blanche dedans).
Le roman débute par deux scènes chocs, qui vont dessiner le profil des deux personnages, leurs lourds bagages à porter. L’une de ces situations vous parlera de « punition », d’une manière qui vous laissera des traces à l’esprit.
Franck Thilliez n’est pas pour rien l’auteur de thrillers le plus vendu en France. Le Maître sait y faire mieux que quiconque, je n’ai besoin d’en convaincre personne. Sa volonté de proposer régulièrement une histoire isolée est une de ses qualités, qui montre bien son envie et son goût pour les aventures inédites, pour les expériences originales.
Supplément d’âme
Dépaysement garanti avec ce Norferville, qui mettra en scène la violence des hommes autant que les croyances ancestrales. « La vie était un combat. Son instinct de chasseur avait permis à l’homme de s’adapter aux environnements les plus rudes, de traverser les années de disette. L’instinct de prédation le plus primitif était replié au fond de chacun, mémoire des ancêtres qui avaient survécu. Chez la plupart des êtres humains, elle restait doucement endormie par l’éducation, la pression sociale, et ne se réveillait que dans les rêves et les fantasmes. Mais pas ici, dans les lointaines et sauvages contrées du Grand Nord canadien ». Voilà qui donne le ton.
De la belle ouvrage donc, en matière de suspense et de tension. Mais ce que je retiens avant tout de ce roman, son immense supplément d’âme, c’est ce qu’il raconte sur le sort des autochtones, des femmes tout particulièrement.
Liberté ? Quelle liberté ?
Comme partout sur le continent, les Amérindiens ont été parqués dans des réserves, mais quand on creuse le sujet, les situations sont encore plus révoltantes que dans les pires cauchemars.
Les Innus, peuple autochtone du Québec et du Labrador, sont au centre de cette histoire, encerclés par les blancs venus déchirer ces terres pour en extraire le fer. Imaginez-vous que le mot « liberté » n’existe pas en langage innu, parce que leur habitat naturel n’avait pas de frontière. Un mot qui s’est transformé en affront lorsqu’on les a enfermés en voulant gommer ce qu’ils sont.
« Parce que c’est ça, la colonisation. Cette espèce de serpent pernicieux qui vous fait douter de votre propre identité. Elle vous fait douter de vous-même ».
Maudite sauvagesse
Des suprémacistes blancs, il n’y en a pas qu’autour du Capitole. Léonie, la métisse devenue flic est encore vue par beaucoup comme une « Maudite sauvagesse », c’est en tout cas l’un des personnages les plus marquants des derniers romans de l’auteur.
Ce sont clairement ces considérations et ces développements autour des Amérindiens, et des femmes principalement, qui rendent ce roman prégnant. Je n’en dis pas plus, la cruauté et la violence des Hommes n’ont aucune limite. Vous découvrirez par exemple le concept de cure géographique…
Avec Norferville, Franck Thilliez va vous faire frissonner, frémir, vibrer. Et bouillir intérieurement aussi, ce que vous découvrirez sur le sort des Amérindiens de ces terres isolées ne peut laisser indifférent. Le bon mix entre divertissement et enrichissement.
Lien vers l’interview de Franck Thilliez au sujet de « Norferville »
Yvan Fauth
Sortie : 02 mai 2024
Éditeur : Fleuve
Genre : Thriller
Prix : 22,90 €
4ème de couverture
Dans l’univers hostile du Grand Nord, personne ne vous entend crier.
Détective et criminologue à Lyon, Teddy Schaffran apprend que le corps de sa fille a été découvert dans une ville minière très isolée du Grand Nord québécois, Norferville. Morgane a été sauvagement mutilée, abandonnée dans la neige non loin d’une réserve autochtone. Sans réfléchir, Teddy plaque tout pour se rendre sur place, bien décidé à comprendre ce qui s’est passé.
Là-bas, Léonie Rock, une flic métisse, est mise sur l’affaire. Elle est alors contrainte de renouer avec cet endroit coupé de tout où elle est née et où, adolescente, trois inconnus l’ont violée. Un retour vers son enfer, alors que les températures frôlent les -20°C.
Ensemble, ces deux êtres éprouvés par la vie vont se démener pour trouver des réponses malgré l’inhospitalité de la nature et des hommes.
Catégories :Littérature
Il faut que je le lise, il vient d’arriver dans ma PAL !
tu as raison de donner sa chance à ce jeune auteur 😉
Je viens de relire Giebel… Une nouvelle plume aussi ;-P
Bonjour. Je passe le prendre à la librairie pendant ma pause déjeuner 🙂…. Avec 4 autres sorties 😁
Bonnes futures lectures alors !
Hâte de le lire !
Pom pom pom pom. J’ai pas écrit Pomme. J’en baverais presque. Je n’ai aucune tenue. Merci à toi pour la chronique 🙏 😘
Il faut se lâcher pour Thilliez 😉
Un vrai roman d’ambiance comme je les aime !
Bon, merci d’insister cher Yvan, oui je vais le lire ! 😉 Quand tu as commencé à décrire Norferville, j’ai tout de suite pensé à cet autre roman incroyable de R. J. Ellory « Une saison pour les ombres ». Il s’est inspiré de la même ville minière au bout du monde, Schefferville… Moi qui adore le Québec, je n’irai pas y passer mes vacances…. ! Merci pour la chronique 🙂
Oui c’est surprenant que deux auteurs écrivent en même temps sur un même endroit si éloigné, le hasard est parfois étonnant
J’ai hâte de m’y plonger 😍
Je ne lirais aucune chronique avant de l’avoir entre les mains 😄
Faudra enfiler une doudoune pour aller dans cet enfer du Nôôrd ! 🙂
Prends en deux ! 😉
Ok, j’ajouterai des plaids aussi :p