Je trouve qu’il souffle un vent de liberté dans la littérature anglo-saxonne post crise sanitaire de 2020. Comme une recherche d’un nouveau souffle, une envie d’ailleurs. Et la situation écologique ne fait que renforcer ce sentiment.
Prenez l’exemple frappant, marquant, du premier roman d’Erin Swan paru chez Gallmeister, en la suivant Parcourir la terre disparue. Un texte inclassable, atypique, ouvert sur le monde, l’univers, le passé, le futur. Pas un chemin simplement tracé.
Plusieurs générations, passées et futures
D’une ambition folle, sans jamais perdre l’essence même du récit, son humanité. Il fallait oser imaginer une histoire se déroulant sur plusieurs siècles, débutant en 1873 dans l’Ouest américain pour pousser jusqu’en 2073 sur la planète Mars. Utilisant des chemins de traverse, avec les liens du sang comme ciment. Même s’il s’effrite souvent dangereusement.
L’auteure aurait pu rester dans la ligne du réel, elle y est presque. Elle choisit pourtant l’option dystopique, comme une légère discordance de la trace actuelle, à peine perceptible.
Ce récit suit une lignée multigénérationnelle loin d’être ordinaire, où chaque génération se pose des questions sur sa filiation. Ce n’est pourtant pas une histoire de famille comme on en lit beaucoup, mais bien des individualités qui vont de l’avant, avec ou malgré leur passé.
Intemporel
Ce n’est pas un hasard de voir débuter l’histoire dans les grands espaces américains, à une époque où ils restaient encore tout à défricher. Pour la voir ensuite se développer sur d’autres terres en friche, plus étonnantes les unes que les autres. L’histoire de la colonisation par les américains est là aussi, en filigrane.
Quel roman, aussi étrange que fascinant ! Où la créativité, l’inventivité, sont mises au service d’une lignée de personnages très marqués. Par la vie et leurs épreuves, autant que par leurs caractères forts. Des portraits inoubliables, même quand ils ne traversent le livre que durant quelques dizaines de pages.
Les époques s’enchaînent comme autant de novellas presque indépendantes, mais toutes liées par des fils plus ou moins visibles. La lecture devient intemporelle, mais pas moins ancrée dans des sujets bien terre à terre.
Comme des traits poétiques agrippés aux réflexions climatiques ou familiales. Avec l’héritage qui façonne le rêve, consciemment ou non, même à travers le traumatisme.
Destinées étonnantes
Des histoires de femmes surtout (mais pas que), qui questionnent le sort des mères et de leurs enfants, dans une quête vers un autre part. A la fois roman de l’intime et récit universel, questionnant ce que nous créons. Et aussi porteur d’espoir, même dans les conditions les plus extrêmes.
Oui, ce livre peut être qualifié de science-fiction, et alors ? Ce n’est qu’un moyen et non une fin qui mérite que tous les lecteurs tentent de s’échapper de leur zone de confort. Pour en ressortir enrichi.
L’écrivaine a une capacité exceptionnelle à nous faire entrer immédiatement dans l’action et l’environnement de chaque partie du livre. Avec une élégance de tous les instants. C’est un plaisir inouï de se laisser porter sans jamais réussir à anticiper ce qu’il adviendra.
Et Erin Swan est apparue pour Parcourir la terre disparue. Avec un roman qui marque, autant spéculatif que vibrant et vivant, par la grâce de personnages forts, aux destinées étonnantes. Un roman palpitant d’humanité, d’une belle inventivité. Un vrai lâcher prise littéraire, sombre mais porteur d’espoir.
Yvan Fauth
Sortie : 04 mai 2023
Éditeur : Gallmeister
Genre : Science-fiction (mais pas que)
Prix : 25,80 €
4ème de couverture
En 1873, Samson, chasseur de bisons fraîchement immigré, parcourt les Grandes Plaines, plein d’optimisme devant son nouveau pays. En 1975, Bea, adolescente enceinte et mutique, arpente le même paysage, et finit par atterrir dans une institution où un psychiatre s’efforce de déchiffrer ses dessins. En 2027, après une série de tornades dévastatrices, un ingénieur abandonne son existence routinière pour concevoir une ville flottante sur le site de ce qui fut La Nouvelle-Orléans, où il fonde avec sa fille poétesse une communauté de rêveurs et de vagabonds. En 2073, la Terre est entièrement noyée, et la jeune Moon n’a entendu à son propos que des histoires. Vivant sur Mars, elle s’interroge sur l’avenir de son espèce.
Parcourir la Terre disparue est l’histoire d’une famille, de celles et ceux qui, génération après génération, héritent d’un même rêve. Avec la même pugnacité et le même espoir, ils tentent de survivre sur une Terre qui se couvre lentement d’eau. Une aventure pleine de résilience et d’espérance.
Catégories :Littérature
Je savais que ça te plairait ;-). Ce roman est fascinant même si le début laisse un peu circonspect, voire perdu. Il faut laisser le temps … et après c’est juste un vrai bonheur de lecture.
Ok, je vais garder à l’esprit, si je le lis, qu’il faut lui laisser le temps, à ce roman 🙂
Celui-ci je l’avais déjà noté, je ne sais plus où je l’avais déjà vu. Peut-être chez Aude ou chez Lilou
Tu pense qu’il peut me plaire ?
oui chez Aude, je pense ;-). Oui ça te plaira, c’est ce que tu aimes, bien écrit, original, féministe, émouvant
j’ai bien noté, tu sais 😉