La mesure est l’exemple typique de la manière dont une idée de science-fiction peut servir de simple socle pour développer une histoire, sans que le roman n’en devienne une lecture de genre. Nikki Erlick s’en est servie pour raconter des destins chamboulés à travers les regards de plusieurs personnages.
Une sorte de dystopie qui changerait pour eux la manière d’appréhender leurs existences, la manière dont ils la perçoivent et tentent de la mener.
Ouvrir ou non
L’idée est simple et n’est pas neuve : et si vous connaissiez la date de votre mort, que feriez-vous ? La manière d’amener le sujet est, par contre, beaucoup plus étonnante.
Partout dans le monde, durant la nuit, chaque être humain voit apparaître une étrange boite à son nom. Quelle que soit sa condition sociale ou sa manière de vivre, chacun se retrouve face à cette boite avec comme seul mot d’accompagnement « À l’intérieur se trouve la mesure de votre vie ».
Dans l’écrin, un étrange bout de corde, et rien d’autre. Dont la mesure semble définir la durée de vie de son propriétaire. A chacun de décider. D’ouvrir la boite ou non. De croire ce qu’elle présage ou non.
L’intime ultime
C’est ce concept étonnant, cette idée folle, qui va servir à explorer la vie, la mort, de manière simple, en laissant parler les émotions. Tout en développant de nombreuses questions éthiques, juridiques, morales, ou encore économiques. Toujours à travers le regard des protagonistes. A hauteur des femmes et des hommes, en somme.
Ce bout de corde n’est en fait que le prétexte pour parler de ressentis, de sentiments, à un moment où chacun vient de perdre ses marques.
Sujet tabou, la mort est mise sur le devant de la scène. L’intime à la vue de tous, pour ceux qui décident d’ouvrir le coffret divinatoire. Car rapidement, le monde entier se rend compte que ces milliards de prédictions ne se trompent jamais.
Qui a pu envoyer ces boites ? Comment ? Pour quelle raison ? Des interrogations qui ne sont pas l’objet du livre. La raison d’être du récit est bien ce que chacun va faire d’une telle information.
Une nouvelle lutte de classes
Les premières réactions sont assez similaires à la situation post-covid que nous avons vécue. Mais la ressemblance s’arrête assez vite, pour déboucher sur des sociétés proches des nôtres, mais avec un décalage de vue qui en modifie complètement la perception.
Voilà un roman choral, qui permet au lecteur de s’appuyer sur des personnages du quotidien, qui vont prendre des décisions (ou non) quant à leurs manières de vivre.
Avec très vite de fortes divisions qui se dessinent, deux classes qui se forment entre les courts segments et les longs, ceux qui vont mourir rapidement et les autres.
L’autrice a sacrément bien réfléchi son affaire, bien pensé les impacts et les interactions d’un tel événement planétaire. Dans le quotidien des protagonistes mais sans oublier les effets sur le monde entier. Oui, l’action du livre se déroule aux États-Unis, mais ça n’empêche pas l’écrivaine d’élargir parfois son horizon.
Terrain de jeu pour réfléchir
Sincèrement, j’avais quelques doutes par rapport à cette idée, formidable mais vraiment casse-gueule. Au final, j’ai trouvé que l’autrice avait trouvé la bon ton, la bonne manière de présenter les choses. Avec beaucoup de sensibilité.
Avant d’être une dystopie, le roman est avant tout un foisonnement de leçons de vie, jamais magistrales, toujours dans le ressenti.
Un formidable terrain de jeu pour réfléchir à son existence, à l’importance qu’on lui accorde. Mais aussi à la manière dont on accepte celles des autres. Un enseignement pour comprendre et se comprendre qui en fait un texte qui inspire, réellement à destination du plus grand nombre, quels que soient les goûts de lecture.
Il y a une certaine logique à voir ce livre relier les personnes venant d’univers différents. C’est en partie sa force.
La mesure est une dystopie qui est avant tout une métaphore sur la manière dont on gère son existence, la façon dont on la prend en main. Nikki Erlick propose un excellent récit, utilisant son idée forte pour proposer une histoire prenante et touchante.
Yvan Fauth
Sortie : 12 octobre 2023
Éditeur : Fleuve
Genre : dystopie
Traduction : Catherine Richard
Prix : 21,90 €
4ème de couverture
” Il est désormais difficile d’imaginer un avant, un monde dans lequel elles n’étaient pas encore là. Quand elles firent leur apparition, personne n’avait la moindre idée de ce qu’il fallait faire de ces étranges petites boîtes. Elles étaient arrivées pendant la nuit, par millions, dans toutes les régions et tous les pays. Sur chacune, était inscrit un message simple, quoique énigmatique, rédigé dans la langue maternelle de son destinataire :
À l’intérieur se trouve la mesure de votre vie.
Chaque boîte contenait une cordelette, dissimulée sous un fin tissu d’un blanc argenté, si bien que celui qui soulevait le couvercle réfléchissait à deux fois avant de regarder ce qu’il y avait dessous. Car il ne pourrait plus jamais revenir sur ce geste-là. “
Nikki Erlik propose un roman d’un genre nouveau sur une question universelle et philosophique par excellence :
Si vous pouviez connaître la date de votre mort, choisiriez-vous la révélation ou l’ignorance ? Et que feriez-vous du temps qui vous reste ?
Catégories :Littérature
Merci pour ton retour ; je ne connaissais pas ce livre et je pense qu’il pourrait me plaire !
content de pouvoir faire découvrir des romans 😉
Voilà un titre qui m’intrigue et m’attire.
Je le note pour le coup sans savoir si je le lirai !
Merci Sire Yvan 🤩, ou pas ! ahaha 😁🤣
mais si, tu aimes ça ! 😉
mouais n! 😀