Traiter le deuil comme une maladie, une pilule dure à avaler ?
C’est l’idée maîtresse du deuxième roman traduit de l’écrivaine danoise Anne Cathrine Bomann, En dehors de la gamme, après le succès international de son premier livre, Agathe.
Cette trame est fameuse, un formidable concept pour une histoire qui plonge dans la psyché de ceux qui ont la douleur de perdre un proche. Avec la question existentielle de savoir si un deuil prolongé peut être qualifié de maladie chronique au sens médical du terme, et donc être traité à coup de cachets.
Psychologie et souffrance mentale
L’autrice invente un traitement révolutionnaire qui va lui donner l’occasion de poser de passionnantes questions éthiques et psychologiques.
Plutôt que de se placer directement du côté des personnes touchées, le roman s’appuie sur ceux qui gravitent autour des tests de ce médicament expérimental. Un psychologue renommé, deux étudiantes qui rédigent leur thèse en commun, et l’inventrice de la molécule.
Pour ceux qui, comme moi, sont intéressés par la psychologie autant que par les questions sur la souffrance mentale, voilà un sujet qui s’annonçait aussi original que passionnant.
Et le récit l’est, à la limite du roman noir (surtout dans sa dernière partie qui flirte avec le thriller). 400 pages qui se lisent rapidement, à coups de chapitres courts, et dont la densité du propos happe le lecteur.
Thématique puissante
Le récit est avant tout un drame, le roman servant aussi à développer des personnages forts. Des protagonistes qui luttent pour trouver leurs places dans le monde, à l’image des deux étudiantes aux profils antagonistes.
Voilà une histoire à la thématique puissante, traitée autant pour rendre le roman prenant que pour pousser le lecteur à la réflexion.
L’autrice est psychologue de métier et ses investigations pour ce livre sont à la pointe des dernières recherches sur le sujet.
Le deuil, maladie et non ressenti, qui peut être traité comme un cancer ? Les portées éthiques, morales, scientifiques sont nombreuses, surtout quand Big Pharma dépasse la ligne jaune.
Effacer la tristesse ?
Peut-on effacer la tristesse par la chimie ? Le traitement novateur dans le livre pose bien des questions, surtout quand un important effet secondaire apparaît, modifiant le comportement même des personnes.
Perte de contrôle ou changement de personnalité ? La question se pose depuis des décennies avec les psychotropes. Le sujet est ici poussé bien plus loin et se révèle l’intérêt premier du livre. Rajouté à la complexité intérieure des personnages, le roman se lit avec engouement.
A vouloir gommer l’affliction du deuil, peut-on perdre son âme ? La pharmacologie comme l’avidité des grandes sociétés sont questionnées avec brio par Anne Cathrine Bomann dans cette fiction originale et questionnante qu’est En dehors de la gamme.
Yvan Fauth
Sortie : 07 septembre 2023
Éditeur : La peuplade
Traduction : Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen
Genre : drame
Prix : 23 €
4ème de couverture
Shadi et Anna sont très différentes. L’une tente au jour le jour de maîtriser son anxiété, et l’autre multiplie les fêtes et les conquêtes dans l’espoir d’oublier le décès de sa mère. Pourtant, ces deux étudiantes en psychologie doivent rédiger ensemble un mémoire posant cette question : peut-on traiter le deuil comme une maladie ? Leurs recherches les conduiront malgré elles à affronter Danish Pharma. Cette société pharmaceutique manipule des données statistiques afin d’accélérer la commercialisation de la Callocaïne. Annoncé comme révolutionnaire, ce médicament réduirait la tristesse spécifiquement ressentie lors d’un deuil, mais il se pourrait aussi qu’il ait de graves effets secondaires sur les mécanismes d’empathie. Devant l’aveugle- ment complice de la communauté universitaire, Shadi, Anna et leur professeur vont enfreindre les règles et jouer en dehors de la gamme. Un jeu qui va s’avérer très risqué.
Après un premier roman autour de la psychanalyse, Anne Cathrine Bomann revient avec un habile thriller médical sur le deuil, la science et l’amour.
Catégories :Littérature
Voilà une thématique qui m’intéresse ! Aux US, l’armée utilisait des pilules qui effaçait les souvenirs traumatiques de la guerre. Je crois avoir entendu parler du même genre de « traitement » pour des victimes de viols ou d’agressions violentes… Je me le note.
c’est assez terrifiant…
Merci à toi pour la chronique écrite avec engouement. 🙏😘
Arrête s’il te plait de me présenté des romans que je ne connais pas, et qui me tente en plus !
J’ai déjà une PAL trop grande…
j’adore encore trouver des livres que tu ne connais pas ! c’est un challenge ahah
Oh ben il est réussi ton défi….😁😂