Qu’est-ce qu’un roman, si ce n’est une carte mentale d’une histoire qui se déplie, se déploie à travers routes et impasses, vallées et buttes, que le lecteur parcourt à son rythme.
Certaines cartes ne sont pas faciles à déchiffrer, d’autres tracent la voie au plus grand nombre. Les Cartographes de Peng Shepherd tient de cette seconde catégorie, tant cette formidable aventure littéraire plaira autant aux amateurs d’Imaginaire qu’à ceux qui n’en lisent habituellement pas ou peu.
Fantastique, subtil
L’autrice américaine avait marqué les esprits avec son incroyable premier roman post apocalyptique, Le livre de M. Changement total d’univers, de ton, de mode de narration, d’ambiance avec ce deuxième livre, la preuve d’un formidable talent qui ne se laisse pas enfermer dans des cases.
Oui, c’est un roman fantastique, mais où celui-ci est distillé avec finesse, à tel point qu’on l’oublie presque. Shepherd maîtrise l’art de raconter une histoire, de nous faire croire ce qu’on lit, de nous faire vibrer aux côtés de personnages forts. Bref, c’est une formidable conteuse qui a trouvé ici un terrain de jeu idéal.
Ce récit est une grande aventure, pleine d’événements imprévus, d’émotions, et de rencontres qui marquent. Une véritable chasse au trésor à lire les yeux grands ouverts. En gardant à la fois la fraîcheur de son âme d’enfant, ouverte à la curiosité, et son esprit d’adulte, à la recherche d’évasion et d’expériences trépidantes.
Les vraies cartes ne contrôlent pas les territoires, elles racontent leurs histoires
Car Les Cartographes est avant tout un thriller, qui arrive à concilier rythme, mystère et enrichissement. Sans jamais tomber dans trop d’érudition, toujours accessible.
L’autrice nous plonge dans le pouvoir des cartes, de manière un brin nostalgique. Une porte ouverte vers l’imagination, qu’on a malheureusement perdue avec nos GPS qui empêchent nos esprits de figurer, inventer, construire.
Quoi de mieux qu’une carte, qui est bien plus qu’un bout de papier. Comme le disent les personnages du roman, c’est autant un outil qu’une manière de rassembler les individus. Voire davantage, comme un point commun entre art et science.
Ou encore : « Les cartes, songea-t-elle, sont les lettres d’amour aux terres et aux temps que l’on a explorés. Les vraies cartes ne contrôlent pas les territoires, elles racontent leurs histoires ». Tout est dit dans ce passage !
Lieux fantômes
Tout part d’un banale ancienne carte routière. Qui semble pourtant faire l’objet d’une attention irrationnelle de personnes capables de payer des fortunes sur le dark web pour en obtenir un exemplaire. Tous semblent avoir disparu. Sauf un, retrouvé dans les affaires d’un cartographe célèbre mort brutalement, par sa fille Nell avec qui il était brouillé.
Cette fille qui a vu son avenir très prometteur, dans le même domaine que son père, brisé par cette fâcherie. Cette mort, qui ressemble à un accident, ne sera pourtant pas la dernière…
Durant une bonne partie, l’histoire reste terre à terre, au plus proche de la réalité et de l’enquête que va mener Nell pour comprendre ce qui se cache derrière cette carte. Qui va révéler, une « erreur », un lieu fantôme qui n’existe pas sur le terrain. Vraiment ?
Aventure littéraire
La bascule vers le fantastique se fait de manière subtile, presque naturellement. Un modèle de construction, divertissant au possible, titillant la curiosité, sans jamais en rajouter. On comprend assez vite ce qui suivra, mais pourtant les émotions ressenties restent intactes, par la grâce de personnages épatants et un récit en immersion dans l’histoire familiale de Nell.
L’histoire est tellement limpide et la narration si soutenue qu’on pourrait imaginer sans difficulté que cette histoire devienne un film.
Les Cartographes est une aventure littéraire aussi mystérieuse que ludique. Peng Shepherd a réussi un petit miracle qui pousse à la rêverie autant qu’aux questionnements par le divertissement. Un thriller fantastique épatant à conseiller à tous les lecteurs, tant il saura ravir et combler toutes les attentes.
Vous ne regardez plus jamais une carte de la même manière.
Yvan Fauth
Sortie : 29 mars 2023
Éditeur : Albin Michel
Genre : thriller fantastique
Traduction : Anne-Sylvie Homassel
Prix : 23,90 €
4ème de couverture
La carte est le territoire. Si vous falsifiez la carte, vous modifiez le territoire.
Cela fait trente ans que Nell a perdu sa mère. Et voilà maintenant que son père, le Dr Young, un célèbre cartographe de la New York Public Library, est retrouvé mort dans son bureau.
Elle l’adorait et voulait prendre sa suite, mais la famille, c’est parfois très compliqué. En fouillant dans les affaires du défunt, elle trouve, bien cachée, une carte routière. Nell se souvient parfaitement de cette maudite carte. Elle lui a valu une engueulade homérique et lui a coûté sa carrière auprès de son père.
En reconstituant cet événement avec un regard neuf, elle ne tarde pas à se rendre compte que le document comporte une erreur singulière, une signature pour ceux qui sont initiés à l’art de la cartographie. Pour percer ce mystère, la jeune femme contacte certains amis de ses parents. Trente ans plus tôt, ils formaient un groupe de sept personnes, très soudé : les Cartographes.
Qu’ont-ils découvert ?
Quels crimes ont-ils commis contre la réalité ?
Catégories :Littérature
Superbe chronique, je ne l’ai pas prévu maintenant et pourtant tu risque de bouleverser mon rythme de lecture.
Et d’ajouter aussi le livrecde M que je n’ai pas lu.
Si j’ai réussi à te bouleverser, c’est formidable 😉.
Ça devrait vraiment te plaire !
Oh, il me le faut !! Il a l’air de sortir des sentiers battus… Merci pour cette chronique.
clairement hors des sentiers battus oui, un comble pour un livre qui parle de cartes ! 🙂
C’était l’idée, j’imagine. En baliser de nouveaux…
J’avais adoré son précédent.
Celui-ci je devrais le lire, enfin j’espère 😉
Oui il faut embarquer dans cette belle aventure !
Vil “tentatuer” que tu es !