Les abysses – Rivers Solomon

Je n’ai sans doute jamais lu un roman aussi riche, en si peu de pages.

Les abysses est un roman fantastique, dans toutes les acceptations du terme, à tel point qu’il en devient une histoire universelle, une mythologie en peu de mots, créée par un écrivain qui maîtrise la métaphore comme personne.

Métaphorique

Imaginez et laissez vous transporter par la parole de Yetu, historienne torturée. Elle fait partie des Wajinrus, peuple marin qu’on peut assimiler aux sirènes (moins éloigné des hommes qu’il n’y paraît), et qui descend des femmes noires enceintes jetées par-dessus bord des navires esclavagistes. Elle raconte son histoire, tout comme celle de sa tribu.

200 pages, ça paraît court, et pourtant ce récit est incroyablement immersif (sans mauvais jeu de mots), prenant, poignant. Intellectuellement et émotionnellement enrichissant au possible.

Pas étonnant qu’il ait été remarqué par plusieurs prix prestigieux (finaliste des Hugo Awards, finaliste des Nebula Awards, finaliste des Locus Awards, lauréat des Lammy Awards).

C’est une histoire tout en nuances que nous propose Rivers Solomon, à lire entre les lignes. Métaphorique, mais toujours d’une étonnante clarté et distillant un nombre incroyable de thématiques. Au point d’en rester souvent bouche bée devant tant de clairvoyance, avec l’envie de surligner nombre de passages du texte, encore et encore.

Devoir de mémoire et poids du passé

Ce livre est d’une telle force émotionnelle, poétique et d’évocation qu’il est à conseiller au plus grand nombre. L’aspect fantastique n’est qu’un prétexte pour faire réfléchir sur des sujets profonds et ressentir des troubles face à ceux du personnage principal (et par ricochet ceux de son peuple).

Il y est question (entre autre) du devoir de mémoire. Une idée poussée dans ses retranchements, parce que le poids du passé peut être la source d’une douleur indicible. Les conséquences des actes des générations antérieures ont toujours des répercutions.

La vie peut être fardeau, par son passé, par sa manière d’être soi. Rivers Solomon raconte aussi la différence, prône la tolérance. L’auteur/trice est une personne transgenre qui sait sans doute parfaitement ce qu’impliquent ces notions. Et arrive à en nourrir son héroïne de manière déchirante.

Court mais dense

Malgré les apparences, Les abysses est un roman dense, évocateur d’un folklore, empli de réflexions pertinentes et d’une grande sensibilité.

Rivers Solomon nous fait nous pencher sur notre monde, ses racines. Mais aussi sur l’amour possible malgré l’impossible, sur le respect, sur l’appartenance… Et tant d’autres choses qui rendent cette fiction à la narration originale aussi unique, et intimement universelle.

Tous les lecteurs pourront y trouver leur compte, ce n’est pas le moindre des exploits de ce roman étonnant.

Yvan Fauth

Date de sortie : 11 septembre 2020

Éditeur : Aux forges de Vulcain

Genre : fantastique et métaphorique

Traduction : Francis Guévremont

4° de couverture

Lors du commerce triangulaire des esclaves, quand une femme tombait enceinte sur un vaisseau négrier, elle était jetée à la mer. Mais en fait, toutes ces femmes ne mourraient pas. Certaines ont survécu, se sont transformées en sirènes et ont oublié cette histoire traumatique. Un jour, l’une d’entre elles, Yetu, va leur rappeler, dans ce roman d’émancipation, magique et réflexif, sur la condition noire et sur l’impossibilité d’une justice, en l’absence de vérité.



Catégories :Littérature

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7 réponses

  1. Aude Bouquine – « Lire c’est pouvoir se glisser sous différentes peaux et vivre plusieurs vies. » Ici, je lis, je rêve, je parle de mes émotions de lectures, avec des mots. Le plus objectivement possible. Honnêtement, avec respect. Poussez la porte. Soyez les bienvenus dans mon univers littéraire.

    Tu en parles tellement bien… je suis convaincue ❤️

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      ce livre te touchera. Il est particulier, mais il te touchera. Il t’attend 😉

  2. Light And Smell – Amoureuse des mots et des livres, je lis beaucoup et à peu près de tout. C'est donc tout naturellement que j'ai ouvert un blog littéraire pour partager cette belle et dévorante passion.

    Déjà dans ma wish list, ton avis me donne encore plus envie de lire ce roman !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Alors il faut se laisser tenter 😉

  3. belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

    Comme quoi, c’est bien vrai, ce n’est pas la taille d’un roman qui est importante… 😆

    Tu es un vilain tentateur, j’essaie de passer outre de certains romans et toi, boum, tu me fais regretter de les avoir mis sur le côté. Je devrais te boycotter, tiens 😀

    Sinon, dans ta phrase d’intro tu dis “Je n’ai sans doute jamais lu un roman aussi riche, en si peu de pages” et pourtant, il est déclaration fiscales qui vont peu de pages mais qui sont riches… Ok, je sors, ce n’est pas le cas des nôtres 😀

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      hihi, ce que j’adore dans tes commentaire, c’esty la chute 😉

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