1 livre et 5 questions à son auteur, pour lui permettre de présenter son œuvre.
5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger.
PIERRE BORDAGE
Titre : Rive gauche
Éditeur : L’Atalante
Date de sortie : 28 mai 2020
Lien vers ma chronique du roman
Voilà un défi assez inédit, vous plonger dans un concept existant, pour vous l’approprier, loin d’une réécriture du roman d’origine…
Je n’y avais pas pensé jusqu’à ce Dmitri Glukowski m’en parle à St Malo. Je n’avais pas été emballé par l’idée avant de lire le premier tome de la trilogie Métro. Les images et les envies ont déferlé en torrents pendant ma lecture, et je me suis dit qu’il fallait absolument que j’écrive la version parisienne, d’autant que Dmitri me donnait carte blanche. Ma seule obligation était de respecter le principe : une infime partie de la population s’est réfugiée dans le métro après une catastrophe nucléaire ? Comment les survivants se sont-ils organisés sous terre ?
Vous avez formidablement trouvé moyen de jouer avec le réseau de métro parisien, pour en créer un véritable univers…
L’univers du métro est paradoxal. Il n’y a rien qui ressemble plus à une galerie qu’une autre galerie, à une station qu’un autre station. Il n’y a ni jour ni nuit, aucune saison, la diversité des décors est pratiquement inexistante. C’est l’obscurité, omniprésente, qui lui donne une dimension fantasmagorique. Ou, plus exactement les éclats de lumières, bougies lampes etc, qui tissent des fragments de décors, des petits détails qu’on ne remarquerait pas autrement. Comme la vue est limitée, d’autres sens prennent de plus en plus d’importance, l’ouïe, l’odorat, le toucher, donnant d’ailleurs naissance à des mutations (les nycts, les vibs, les taups et les dvinns…)
Cet univers souterrain est décidément idéal pour développer vos préoccupations, vos aspirations, vos craintes et votre humanisme…
L’univers souterrain, qui n’offre que très peu de perspectives, est un lieu privilégié pour étudier l’être humain sous toutes ses facettes. On pourrait dire la même chose d’un vaisseau spatial et des mondes clos en général (cf Huis Clos, de Sartre). L’enfermement, l’absence de perspectives, la peur font ressortir le meilleur et le pire de l’être humain, ses faiblesses mais aussi ses grandeurs. Le personnage ne peut pas s’échapper, puisque que notre regard, qui n’est distrait par rien d’autre, reste sans cesse posé sur lui. Il n’a plus d’endroit où se cacher. Ce cadre agit comme un formidable microscope pour un auteur avide d’explorer l’être humain dans tous ses paradoxes, dans toutes ses dimensions.
“Rive gauche” est un roman choral, avec des personnages forts, et des rôles essentiels tenus par les femmes…
Ce n’est pas volontaire de ma part. Je n’écris pas dans le but de défendre un point de vue, ni une thèse. Ce sont les personnages qui se présentent à moi et j’essaie de les suivre sur tous leurs chemins. Il se trouve ici qu’il y a beaucoup de personnages féminins forts, peut-être parce que, comme Madone, elles incarnent les sursauts d’une humanité qui refuse de perdre conscience d’elle-même tandis que le patriarcat, par ses méthodes brutales, concourt à transformer les hommes en créatures inconscientes ou inertes.
Le concept, et surtout la manière dont vous l’avez développé, laisse une place immense à l’imaginaire et mérite bien trois tomes…
L’obscurité permet à l’imaginaire de se déployer, et, vous avez raison, il faudra bien trois tomes pour le laisser s’épanouir en toute liberté.
Crédit photo : Philippe Matsas
Catégories :Interviews littéraires
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