Interview Benjamin Fogel – L’absence selon Camille

1 livre et 5 questions pour permettre à son auteur de présenter son œuvre

5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger

Sortie : 13 mars 2024

Editeur : Rivages

Lien vers ma chronique du roman

Dans le futur que tu imagines, en 2060, nous sommes bien loin des habituelles visions apocalyptiques. Ce temps-là est celui de la transparence…

Oui, dès la conception du projet, j’avais pour objectif de décrire un futur qui ne soit ni une dystopie ni une utopie, mais un monde à l’image du nôtre avec ses forces et ses faiblesses. L’Absence selon Camille est le troisième tome d’une trilogie consacrée à la transparence comme système politique et alternative au capitalisme. Le Silence selon Manon traite de la naissance du système, La Transparence selon Irina de son fonctionnement nominal, et L’Absence selon Camille de sa radicalisation et sa bascule vers les extrêmes. La transparence ne découle pas d’une vision apocalyptique. C’est un modèle politique efficient, porté par de réels succès – tels que la lutte contre le réchauffement climatique et la disparition de nombreuses discriminations –, mais qui engendre des effets de bord et des changements sociétaux importants. Chaque personnage, selon son orientation politique, va embrasser ou s’opposer à ces changements. Voire s’en désintéresser. Il s’agit de transposer le monde actuel dans un système différent, pas d’imaginer un avenir sombre, ou à l’inverse brillant. L’idée, c’est d’identifier des pistes pour le futur : des chemins à explorer et d’autres dont il faudrait se détourner. Mais c’est à chaque lecteur ou lectrice de déterminer lesquels.

 » Je crois qu’on peut s’inscrire dans des genres, les respecter et leur rendre hommage, sans pour autant s’imposer de barrière « 

Tu mélanges les genres avec brio. À la fois anticipation, polar, roman noir social et politique, thriller, récit choral…

J’aime tous les genres littéraires à niveau égal : la littérature blanche, la SF, le roman noir, l’autofiction, les explorations psychologiques, les récits politiques… Je crois qu’on peut s’inscrire dans des genres, les respecter et leur rendre hommage, sans pour autant s’imposer de barrière.

En musique, la créativité provient énormément du mélange des genres, des colorations données par d’autres instruments, par l’apport de nouvelles influences ou le recours au sampling et aux remix. C’est quelque chose que je garde toujours en tête. Multiplier les rencontres inédites, superposer des couches.

Il s’agit du troisième tome d’une série, mais tu as veillé à ce qu’ils puissent se lire individuellement…

Tout à fait. Cela aussi constituait un parti pris initial : il fallait que ce soit une véritable trilogie, satisfaisante pour celles et ceux qui liraient les trois tomes, et en même temps que tout puisse fonctionner indépendamment. Pour les deux premiers tomes, c’était assez facile, car ils se déroulent à 33 ans d’écart : Le Silence selon Manon se passe en 2025 et La Transparence selon Irina en 2058, tous deux se focalisant sur des personnages différents. L’Absence selon Camille, en revanche, reprend l’histoire en 2060, 4 heures après la fin d’Irina. On y retrouve tous les personnages du premier tome (Yvan, Manon et Sébastien Mille) et ceux du second (Camille, Russel Jim Devoto, les Obscuranets, Holly Mille). Il fallait à la fois fusionner les ambiances, et en même temps trouver un ton nouveau, assurant à ce dernier tome de trouver sa voix. Ne pas être une simple suite des deux premiers, mais un roman avec sa propre identité. C’est marrant parce que cette question est aussi celle que se posent les personnages : comment se réinventer tout en conservant son identité originelle ?

Le somme de recherches pour construire ta vision du futur est considérable, mais toujours en veillant à l’intégrer dans le récit…

Cela fait partie de mon processus. Pour les trois tomes, l’ébauche du roman a toujours été un essai. Je travaille comme si je voulais véritablement écrire un essai de prospective : je lis énormément de texte sur le sujet, j’échange avec les personnes concernées, je structure un plan et des idées. Puis je distingue mes convictions de mes doutes. Les convictions vont servir de trame à l’univers du roman, tandis que mes doutes, et les différentes manières de percevoir les choses vont être incarnées par les personnages. Chez moi, la réflexion sur le futur précède l’histoire des personnages. Je ne fais pas partie de ces auteurs, qui créent des personnages et ensuite les étoffent avec une vision du monde. Je pars de la vision du monde pour écrire des personnages.

 » J’ai besoin de changer de focale à chaque chapitre. Un peu comme dans une série « 

Le choix d’en faire un roman choral permet de suivre différents points de vue sur la situation, au plus près des ressentis des personnages…

À vrai dire, je ne sais pas si je saurais écrire un roman autrement. Je suis toujours hyper impressionné par les auteurs et autrices qui arrivent à rester 400 pages collés au même personnage. Moi, j’ai besoin de changer de focale à chaque chapitre. Un peu comme dans une série. Voir ce qu’il se passe du côté de chaque protagoniste, afin de constituer un panorama complet des enjeux. Si je ne présente pas les ressentis de chacun, je n’ai pas un spectre émotionnel et politique complet. Pour amener les lecteurs et les lectrices à se positionner, à se ranger du côté de tel ou tel personnage, je dois leur fournir une cartographie complète des forces en présence. C’est une technique qui me paraît naturelle et qu’on pourrait imaginer retrouver dans de nombreux romans. Mais quand je réfléchis à ma principale source d’inspiration pour cette approche, c’est Game Of Thrones de George R. R. Martin qui me vient à l’esprit.

Crédit photo : Alexis Fogel



Catégories :Interviews littéraires

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7 réponses

  1. Merci à vous deux pour ce bel échange 🙏 😘

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      merci pour ta présence !

  2. Lilou – passionnée d’égyptologie, amoureuse du Québec, adore les arts et la culture, lectrice compulsive, chroniqueuse...

    Toujours intéressant de voir comment fonctionne le cerveau des auteurs/autrices… Merci à toi de nous le faire découvrir ! 🙂

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      surtout quand on a affaire à quelqu’un d’aussi passionnant !

Rétroliens

  1. L'absence selon Camille - Benjamin Fogel - EmOtionS, blog littéraire
  2. La transparence selon Irina, Benjamin Fogel, Aude Bouquine

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