Sophie Loubière a l’immense qualité et le grand talent de ne jamais proposer le même roman. Autres ambiances, autres rythmes, autres thématiques, mais avec comme point commun une plume soignée au plus près des émotions.
De cendres et de larmes est un roman noir, bien sûr, mais j’aurais vraiment tendance à insister sur le « pas que ». Voilà surtout l’histoire d’une famille, dans laquelle on s’immerge, qui a de quoi attirer un large panel de lecteurs.
Tout en nuances
Une famille un peu comme les autres. A une différence près, les parents ont des métiers atypiques qui ont une réelle influence sur leur environnement direct. A la différence aussi de l’endroit où ils vivent (et ce n’est pas rien…).
A lire le résumé de la quatrième de couverture, on pourrait croire à un livre d’horreur. On en est bien loin, c’est au contraire un récit tout en nuances d’émotions. La tension en fait partie, l’autrice travaillant particulièrement son ambiance dans la deuxième partie. Cette atmosphère est l’ADN du livre, qui n’est pas du genre à proposer des rebondissements continuels.
Je dois avouer avoir trouvé la première moitié du livre un peu longue à se mettre en place. Un choix dont je ne doute pas qu’il soit clairement assumé par l’écrivaine, qui a pris l’option de raconter le quotidien de cette famille. Durant cette partie du livre, point de suspense, les éléments s’organisent autour du quotidien familial.
Mais, je ne me suis ennuyé à aucun moment, preuve que ce démarrage fonctionne. Et la seconde moitié donne tout son sens au roman, avec davantage d’intensité. Un livre se juge dans son entièreté.
Métiers singuliers
Sophie Loubière montre combien un boulot peut être dévorant et a une influence directe sur le couple. On ne gère pas un rôle de caporale cheffe sapeur-pompier sans enflammer son quotidien (sans mauvais jeu de mot).
Et on ne devient pas gardien de cimetière, en y faisant loger sa famille, sans que ça ne déteigne sur ses proches. Voilà le fait qui va tout chambouler.
Non, nous ne sommes pas chez Stephen King, (même si l’une des thématiques sur les affres de la création artistique n’est pas sans rappeler le Maître). Mais au fil des chapitres, on sent l’angoisse sourdre, imprégner les lieux comme les âmes. Mais toujours au plus près du réalisme et des émotions familiales.
Outre que le livre met en valeur deux métiers singuliers, avec force détails, cette intrigue marque aussi le travail fait sur le deuil.
Terre meuble
L’autrice joue de cette ambivalence entre vie et mort, dans un couple où l’un sauve les vies et l’autre veille les morts. Dans ce contexte, la terre est meuble, certains trébuchent au risque d’emporter les autres avec.
Après le prologue très noir, il fallait s’attendre à ce que le récit dérive vers davantage de noirceur à un moment. Rien de surjoué, juste une tension qui devient prégnante. Avant un final réussi, surprenant, bien joué, bien mené.
Sophie Loubière sait développer des personnages qui sonnent vrai, leur insuffler vie, creuser leur psychologie et créer une ambiance. De cendres et de larmes est un roman tout en nuances, humain, jusqu’au bout.
Lien vers mon interview de Sophie Loubière au sujet de ce roman
Yvan Fauth
Date de sortie : 03 juin 2021
Éditeur : Fleuve
Genre : Roman noir
4° de couverture
Madeline, Christian et leurs enfants rêvent depuis longtemps d’un appartement plus grand où chacun aurait son espace. Un rêve rendu impossible par la réalité du marché parisien. Quand l’occasion se présente pour Christian d’obtenir le poste de conservateur au cimetière de Bercy, avec un pavillon de fonction de 180 m2, la famille Mara n’hésite pas et s’y installe au début de l’été 2019. Peu à peu, les enfants se font au panorama. Tandis que Madeline, caporale cheffe sapeur-pompier, sauve les vivants, Christian veille les morts. L’âpreté de son métier réveille bientôt en lui le besoin d’extérioriser ses émotions par la peinture. Au cœur de ce fragile équilibre où les métiers de l’un et de l’autre pèsent lourds, la maison révèle ses fêlures. Lentement. Insidieusement.
Quelque chose menace cette famille recluse au milieu des tombes.
Une menace dont personne ne mesure encore l’ampleur.
Catégories :Littérature
Voilà une auteure que j’ai envie de découvrir un jour, j’ai déjà noté d’elle « Cinq cartes brûlées » et du coup je note également celui-ci.
Bonne journée !
Ta chronique me rassure… merci ☺️
Bonjour Yvan,
Je dois dire que j’ai aimé le premier livre de l’auteure, l’enfant aux cailloux, ainsi que cinq cartes brûlées. Dans celui-ci je suis à la moitié et je me doute quelque peu ce qui va être découvert concernant le père, la mère. Il me semble avoir lu des indices ? 😎
J’aime son écriture, bien entendu, ses descriptions parfois inquiétantes et parfois si poétiques. Oui, oui, il y a moyen et elle y arrive avec brio. Si je continue à lire ce roman noir, c’est parce que j’aimerais savoir ce qu’elle va écrire alors que tout est posé, la maison inclue.
J’attends la chute avec impatience 😉🍀
Merci pour ton avis. J’ai lu « Changer l’eau des fleurs » qui traite du même sujet, gardienne d’un cimetière. Dans ce livre à l’opposé de celui-ci, l’écriture est davantage tourné vers les autres, dans un esprit positif et dans l’empathie. Ici un autre point de vue de la part de l’auteure qui en fait un livre bien noir. Je suis d’accord avec toi quant à la description psychologique des personnages et surtout de la maman faisant un métier d’hommes où une femme doit y faire sa place. En tant que femme pour revenir au livre, j’aurais tout de même déjà été voir ce que mon mari ou compagnon fabrique dans cet atelier.
Je reviendrai peut-être lorsque j’aurai fini le livre pour te donner mon avis, ma surprise 😧, je m’y attends. Bon lundi Yvan. Geneviève
J’ai adoré cinq cartes brûlées. Il me semble que celui-ci divise. Merci à toi Yvan. 🙏😘
Je suis moins enthousiaste que toi, j’ai trouvé que les personnages manquaient de profondeurs étaient traités de manière trop superficielle.
Ton enthousiasme semble rejoindre le mien 😉
J’avais beaucoup aimé cinq cartes brûlées, je pense que celui-ci va me plaire aussi !
Il est très différent, tu verras
J’ai hésité devant sa couverture (ça me fait toujours peur de voir des peluches d’enfants sur une couverture de roman, comme abandonnées, comme si elles attendaient le retour des enfants)… Bref, ça me fout les chocottes (mais tu le dis à personne, hein !).
Donc, malgré ta chronique, je vais rester sur ma réserve, et puis, ce n’est pas comme si je n’avais plus rien à lire… Il me reste encore des nouveautés de l’année 65 à découvrir 😆
Bonjour à tou.te.s, Je viens de terminer ce livre et comme belette 2911, ça m’a foutu les chocottes. J’apprécie l’ambiance que Sophie Loubiere met dans ces livres où elle surprend là où on ne s’y attend pas. Et c’est le cas dans ce dernier livre. Je trouve les dialogues justes comme les pensées intimes des personnages. Bien documenté aussi et avec une utilisation ( de cette documentation) judicieuse. A emporter sans faute pour les vacances.
Voilà un cri du cœur qui convaincra les derniers réticents !