Immense ! Par sa taille et par son contenu, au sens propre comme au figuré.
Enorme ! Par sa profondeur et sa dimension, de son épaisseur à sa substance.
Les somnambules n’est pas un livre commun, et se lancer dans un tel projet tient autant de l’inconscience que du génie. Surtout du génie pour un Chuck Wendig qui tient la barre de la première à la dernière ligne, sans jamais la lâcher, sans jamais que son récit ne dérive.
Déchirement
1164 pages. Mille cent soixante-quatre. Et pas une de trop, pas l’ombre d’un sentiment de remplissage, pas la moindre pointe d’ennui. Vous penserez peut-être que j’en rajoute, mais franchement j’en aurais bien pris pour quelques centaines de pages de plus.
Devoir sortir de ce livre, dire adieu aux personnages, c’est comme avec les longues et formidables séries qui s’achèvent au bout de quelques saisons. Un déchirement.
Dans ce roman fleuve, il y a tout. L’écrivain a su y imprimer et alterner tout ce qui fait un exceptionnel divertissement intelligent. Sans jamais aucune impression de redite. Action et réflexion, sentiments et émotions, surprises et imagination, violence et bonnes ondes, évasion et analyse.
Visionnaire
Impossible de ne pas penser aux pavés de Stephen King, Le fléau en tête (d’ailleurs, Wendig le fait citer dans la bouche d’un de ses personnages). Si la filiation doit se faire, il faut alors parler d’une sorte de Fléau 2.0, totalement ancré dans son époque et dans la société américain actuelle.
Mais le voir comme une copie serait totalement réducteur, et une injure à l’incroyable travail et à la dimension inouïe de cette histoire.
Des femmes et des hommes se mettent à marcher, le regard vide, sans qu’aucun stimulus ne vienne les perturber. De plus en plus nombreux. Sans qu’on puisse trouver l’origine de ce « mal ». En parallèle, se déclenche une pandémie.
N’imaginez pas que l’auteur cherche à surfer sur un sujet sanitaire d’actualité, le livre a été écrit en 2019, avant la COVID. Et pourtant… Par bien des égards, il est visionnaire, et pas seulement à ce sujet-là.
Le monde prend une direction terminale. C’est le contexte pesant de cette intrigue. Mais les effets de cette pandémie, pourtant omniprésents, ne sont cependant pas au centre. Même si le travail de recherches de l’auteur force le respect et est passionnant (et, oui, ludique aussi).
Humanité
Le cœur palpitant du roman, ce sont les personnages. Ses neurones tissent leur toile à travers cette intrigue gigantesque. Ses tripes nouées sont le vrai mal qui ronge les Hommes. Pas un virus, ou alors il est mental. Celui qui se propage dans nos sociétés, où la violence prend de plus en plus de place, à nouveau…
Face à l’inconnu, les êtres humains réagissent différemment, et se révèlent. Peur, rejet, haine. Ou curiosité, entraide, respect. La scission se fait, on le voit tous les jours.
Chuck Wendig dépeint un futur très proche qui amène à méditer sur de nombreux derniers événements (qu’il a anticipé…). La Présidente des Etats-Unis est démocrate. Son adversaire républicain est une sorte de clone de Donald, vilain petit canard terrifiant qui joue avec le feu. Flammes qui deviennent vite incontrôlables, face à un monde qui s’effondre, et aux suprémacistes blancs qui émergent de l’ombre et prennent les armes. Ça ne vous rappelle rien ? L’auteur, visionnaire, pousse le bouchon plus loin, mais la ligne est déjà à l’eau.
Inventivité et réflexions
Ce livre pourrait n’être qu’un récit à grand spectacle. Il l’est, mais pas à la manière des blockbusters hollywoodiens. Ici, l’humain est au centre de tout, dans ses pires comme ses meilleurs traits. Cette « marche » est avant tout l’occasion de développer des relations humaines fortes (ou au contraire de les réduire à néant, selon les protagonistes). Les émotions sont omniprésentes, complexes, puissantes.
Et quelle inventivité, toujours au service de ces personnages ! Une imagination débordante, mais jamais gratuite. L’écrivain a pensé son récit et ses ingrédients dans les moindres détails. En réalisant l’exploit de ne jamais perdre le fil ni le rythme. Sincèrement, je n’ai, je crois, jamais lu un livre aussi gros sans n’y déceler la moindre longueur. Ça rend cette lecture totalement immersive, au point de ne pas supporter qu’elle s’achève.
Une telle combinaison de thématiques aussi fortes, des scènes aussi incroyables qu’inattendues, c’est presque sans pareil. Jusqu’au final, admirable de subtilité et d’intelligence.
L’immense roman de Chuck Wendig ne marquera pas que par son poids. Ce divertissement qui pèse sur nos épaules et nous pousse à réfléchir sur notre monde en déliquescence, marquera les esprits ouverts.
Pour moi, Les somnambules n’est pas qu’un des livres de l’année, mais bien un des meilleurs de la décennie, rien que ça. Admiration et remerciements éternels.
Yvan Fauth
Date de sortie : 04 mars 2021
Éditeur : Sonatine
Genre : Thriller fantastique / Post-apocalyptique
4° de couverture
Un nouveau monde, le nôtre ?
Dans un petit village de Pennsylvanie, Shana surprend sa soeur, Nessie, quittant d’un pas résolu leur maison. Lorsqu’elle tente de l’intercepter, la petite fille ne réagit pas à sa présence. Mutique, absente, le regard vide, elle avance… Croyant à une crise de somnambulisme, Shana commence à la suivre. Rapidement, elles sont rejointes par un deuxième errant, frappé des mêmes symptômes que Nessie. Puis un autre. Bientôt, ils sont des centaines à converger vers la même destination inconnue, tandis que leurs proches, impuissants, leur emboîtent le pas. Très vite, cette mystérieuse épidémie enflamme le pays.
Catégories :Littérature, Livre : les incontournables
Quelle chronique et quel enthousiasme qui fait si plaisir à lire !!! Contente d’avoir la confirmation qu’il existe bien un second degré de lecture dans ce roman, ce dont je ne doutais pas, connaissant un peu tes goûts. Mon exemplaire est pré-commandé et je l’attends donc aujourd’hui, avec encore plus d’enthousiasme !! Merci ❤️
il est de plus en plus difficile de m’enthousiasmer totalement, mais quand ça arrive c’est juste magique.
Ha oui, de la décennie ! Vil tentateur… mais j’attends car j’ai quelques grosses briques au programme !
trouve le bon moment, même plus tard, mais trouve-le 😉
C’est noté, chef ! 😁
C’est bien, soldat (du livre) 😉
😀
Si cet avis ne donne envie à personne de lire ce roman, je mange mes mains !
Je compte bien me lancer dans les traces de ces somnambules dans quelques jours et j’espère y prendre autant de plaisir que toi 🙂
Vu le poids du bouquin, tu vas avoir du mal à le lire sans mains 😉.
Merci ! Et bonne future découverte
Whaouh! Quelle critique, elle en devient presque un hommage à l’auteur ! Bravo, je n’ai plus qu’une hâte, le lire.
Je vais d’abord terminé ceux que j’avais prévu de lire. Même ces 1164 pages ne me font pas peur, en même temps ce n’est pas par la taille que l’on juge un livre.
Merci pour cette découverte 👍
merci pour tes mots et bonne future lecture alors !
Oui mais là c’est non. Franchement, ces 1164 pages, là maintenant, je ne peux pas. J’ai déjà trop de retard dans mes lectures (dont, parmi tes recommandations de choc, “L’Ami imaginaire”, commencé mais pas encore terminé alors que j’aime beaucoup, et “La Mer sans étoiles”), ça ne va pas être possible.
Ca a l’air génial, cela dit. En tout cas, ton enthousiasme est fulgurant 😉
Quitte à jouer le petit jeu (souvent stérile) des comparaisons, certains passages de ta chronique me font penser à “L’Année du Lion” de Deon Meyer, dans la manière d’utiliser un phénomène hors normes et mondial pour aller fouiller au plus profond de l’humain. Tu valides ou j’extrapole ?
Merci pour cet éclairage sur ce monstre, qui mérite sans doute de s’épuiser les bras sous son poids !
ben tu te démerdes ! Limite s’il ne doit en rester qu’un (on se croirait dans Highlander) c’est celui-là !
T’es hyper fort quand même, j’ai failli craquer hier en passant dans la librairie de mes copines… j’ai renoncé, mais vraiment pour des raisons de budget uniquement (j’en avais déjà pour 100€, et les 25 en plus du pavé, ça ne passait pas). Je verrai le mois prochain 😉
quand même pas assez fort, tu n’as pas craqué, damned ! 😉
Le manque d’humour de ma banquière, et le souci que je me fais du confort de mes filles ont été un peu plus forts que toi, je l’avoue. Mais c’était difficile de lutter (surtout contre le deuxième argument) 😉
Le manque d’humour n’est jamais une excuse, mais j’accepte la seconde 😉
C’te chronique, Yvan. Tu m’en as donné des frissons. Merci à toi 🙏. Il est sur ma wishlist depuis ton post sur facebook. Te lire est exquis.
merci à toi pour ta sensibilité et tes gentils mots
🙏😘
Houa !!
bon résumé, ahah !
Euh… Comment veux-tu que je fasse pour ne pas lire ce livre ???? Ta chronique donne tellement envie. 😊😊😊
trop tard, tu es contaminée ! 😉
Comment fais-tu pour tenir ce rythme de lecture frénétique ? Tu ne dors jamais? Moi je vois avec désespoir ma PAL grandir démesurément, et tu trouves encore moyen de me tenter avec un pavé de 1164 pages !
Je l’ai lu durant une semaine de vacances, ça aide 😉
Salut mon ami, vue sa taille, je me le réserve pour mes prochaines vacances. Superbe article, félicitations ! nul doute que le livre le mérite. Amitiés
J’ai fait pareil, lu durant ma semaine de vacances
Je viens de la proposer à la bibliothèque. Ta chronique hyper enthousiaste m’a convaincue 😆
voilà une bonne idée ! Merci
Il est sur ma PAL de mars et il écrase tout le monde par son poids… mdr
Mais faut arrêter de te vanter parce que des “Immense ! Par sa taille… Enorme ! Par sa profondeur et sa dimension, de son épaisseur à sa substance”… Non mais ho, t’as pas honte pour les autres ??? 😆
Oh purée, indiquez-moi la sortie, je suis intenable, je suis insortable et infréquentable ! 😀
J’ai écrit ces passages tout spécialement pour toi 😁
Celui là …..on verra ! 😉