Le titre n’est pas trompeur, il est bien question de colère face au sort de certaines femmes. Mais le roman de Mathieu Menegaux est bien davantage qu’une œuvre ne surfant que sur l’actualité.
Bon dosage
Oui, le récit est totalement ancré dans la société actuelle en mouvement, avec la parole qui se libère. #metoo. Mais il va bien au-delà.
Ce court roman, 190 pages, se lit en apnée. Vous avez toujours voulu savoir comment se déroule une délibération d’un procès de cour d’assises ? Vous allez être servis.
Ce récit, tout en finesse et en intelligence, laisse à la fois place à la réflexion et à l’émotion. Il est parfois difficile de trouver le bon équilibre entre les deux, c’est très réussi ici. Surtout lorsque l’affaire concernée dépasse les limites de l’entendable et qu’elle en devient un cadre exceptionnel, autant médiatique que sociétal.
Menegaux reste dans ses thèmes de prédilection, d’une autre manière. L’auteur se pose en observateur averti, à la fois des institutions et des réactions humaines. Et le mélange donne à réfléchir et à ressentir, vraiment.
Emotions et réflexions
D’un certain coté, le récit est parfois journalistique, précis et documenté sur le fonctionnement de la voix du peuple et des juges, pour arbitrer de la culpabilité ou non d’une personne et du degré d’une condamnation. Passionnant, parce qu’expliqué sans affect, avec recul.
Et c’est là où je trouve le récit très bien mené : je me répète, il arrive à mêler réflexions et émotions. Avec sa construction bien pensée, l’alternance des narrations, l’écrivain construit une histoire qui prend rapidement aux tripes et qui déstabilise. Que vaut le système judiciaire face aux bouleversements émotionnels ? Vaste débat.
En immersion, j’en ai carrément physiquement transpiré tellement j’ai eu l’impression d’être avec les jurés. Des protagonistes certes aux caractères tranchés, presque caricaturaux, mais c’est un choix que j’ai compris et apprécié.
Cette peinture d’avis différents, mais qui parfois vacillent, permet justement de développer son propre cheminement de pensées. Et, pour ma part, j’ai eu le cerveau en ébullition tout au long de la lecture, et également après avoir posé le livre.
Des clés
Une délibération peut devenir une lutte de pouvoir, comme si les jurés étaient eux-même attaqués dans leurs fondements d’hommes et de femmes. Avec au centre du jeu, la place et les droits des Femmes.
L’auteur nous donnes des clés, des institutions mais aussi de l’intime, du contexte mais aussi de l’éthique. Chaque lecteur se retrouvera donc lui aussi juge. Et la position n’est pas aisée avec une affaire aussi douloureuse et qui va au-delà du cas d’une seule personne.
Comment faire preuve de compassion tout en tenant compte des lois et de la morale, sans être trop influencé par le contexte extérieur ? Vaste sujet, alimenté sans lourdeur ni longueur par un Menegaux qui a cherché à pointer tous les angles d’attaque.
Qu’on soit clair, on est loin d’une thèse ! A l’image de la fin, véritable claque qui rend cette fiction du réel encore plus marquante. Frisson…
Les femmes en colère, les Hommes qui jugent. Mathieu Menegaux qui réfléchit et réagit, ressent et explique, dans une fiction au plus près de notre monde réel, avec une intelligence narrative qui rend ce roman aussi poignant que poussant à l’analyse.
Des clés pour ouvrir certains verrous encore bien cadenassés dans nos sociétés, sans tomber dans le manichéisme, sur un sujet essentiel. Pour ma part, je suis ressorti grandi et rempli de cette lecture.
PS : Avis tout personnel, autant j’ai goûté cette lecture avec un immense intérêt, autant je ne comprends pas le choix de l’éditeur avec cette couverture que je trouve malheureusement assez repoussante pour les lecteurs potentiels… Ne vous arrêtez surtout pas au contenant.
Lien vers l’interview de Mathieu Menegaux au sujet de “Femmes en colère”
Yvan Fauth
Date de sortie : 03 mars 2021
Éditeur : Grasset
Genre : Roman
4° de couverture
Cour d’Assises de Rennes, juin 2020, fin des débats (auxquels le lecteur n’a pas assisté) : le président invite les jurés à se retirer pour rejoindre la salle des délibérations. Ils tiennent entre leurs mains le sort d’une femme, Mathilde Collignon. Qu’a-t-elle fait ? Doit-on se fier à ce que nous apprennent les délibérations à huit-clos, ou à ce que révèle le journal que rédige la prévenue qui attend le prononcé du jugement ?
Accusée de s’être vengée de manière barbare de deux hommes ayant abusé d’elle dans des circonstances très particulières, Mathilde Collignon ne clame pas son innocence, mais réclame justice. Son acte a été commenté dans le monde entier et son procès est au cœur de toutes les polémiques et de toutes les passions. Trois magistrats et six jurés populaires sont appelés à trancher. Doivent-ils faire preuve de clémence ou de sévérité ? Vont-ils privilégier la punition, au nom des principes, ou le pardon, au nom de l’humanité ? Avoir été victime justifie-t-il de devenir bourreau ?
Nous plongeons en apnée dans cette salle des délibérations d’un jury de cour d’assises. Neuf hommes et femmes en colère qui projettent sciemment ou inconsciemment sur l’écran de cette affaire le film intérieur de leur propre existence…
Catégories :Littérature
Le mécanisme de la justice est passionnant sous la plume de Menegaux, car ceux qui jugent ne sont pas dépourvus d’âmes… ni d’émotions…ni de leur propre idée de ce qu’est la justice. Je suis d’accord, il y a un très bel équilibre dans ce roman et jusqu’au bout, le cœur palpite et les mains sont moites ❤️
on a vécu la même expérience de lecture 🙂
Je n’ai pas trop apprécié ma dernière lecture de l’auteur mais ce sujet m’intéresse particulièrement.
il mérite que tu persévères 😉
Énorme coup de ❤ pour moi !
C’est vrai qu’on transpire …. et d’accord avec le choix de la couverture et la 4eme avec Huit-clis pour Huis-clos, ça pique !
Et allez. Je bave partout encore une fois. Merci Yvan. 🙏😘
Interessant sans aucun doute, c’est vrai q’avec cette couverture on s’attend à un tout autre sujet ! Merci
on attendrait plutôt une histoire de cannibale ? 😉
Effectivement la couverture n’est pas attractive et la 4eme de couverture ne m’avait pas emballée non plus. Mais à la lecture de ta chronique, je pense que je vais me raviser et l’ajouter à ma wish list, un de plus…