Ecotopia – Ernest Callenbach

Le fond de ce roman est tout aussi étonnant que son contexte.

Imaginez une sorte d’antithèse de 1984, un livre qui met en lumière une utopie, alors que nous vivons actuellement dans un monde qui voit tout en sombre, à coups de récits post-apocalyptiques ou dystopiques.

Ecotopia est bien aussi une réécriture de l’histoire, un monde parallèle au notre. Et qui aurait pu être le notre, si nous avions été plus proactifs et avions ouverts les yeux quand il le fallait. Est-il trop tard ?

Utopie

Ce texte est une réédition. Il est sorti en 1975, il y a près de 50 ans… Bravo au passage à Folio qui démontre avec brio qu’un éditeur de livres de poche peut faire un vrai travail éditorial et ressortir des limbes des textes qui prennent encore plus de sens aujourd’hui.

Trois grands états de l’ouest américain, parmi les plus prospères, ont fait sécession et coupé totalement les ponts avec le reste des États-Unis. Pour construire une autre société, respectueuse de la planète et de ses habitants, freinant la course folle à la consommation de masse.

Vingt ans se sont passés, dans la douleur au début, dans une harmonie ensuite. Pour une première fois, un journaliste américain est autorisé à entrer dans Ecotopia. Avec tout son bagage sociétal et ses a priori.

A coup d’articles de presse (que le narrateur écrit au fur et à mesure), et de passages de son journal intime, le lecteur découvre ce monde chimérique (et pourtant loin d’être irréaliste).

Ernest Callenbach était un visionnaire. Il est mort en 2012, et toute sa vie il a dû constater combien il avait raison en voyant le gâchis au quotidien qui détruit la planète et les relations humaines.

Visionnaire

Notre monde actuel est fait de scepticisme. Difficile encore de croire en l’avenir quand tout se délite, la planète en premier.

Oui, ce livre est clairement un cri écologiste. Mais sa forme le rend unique. Il se lit comme une fiction autant que comme un essai détourné sur ce qu’il est possible de faire si on change de mentalité, au niveau collectif comme individuel.

En 1975, Callenbach avait déjà tout vu, tout anticipé, tout compris et tout analysé. C’en est aussi bluffant qu’effrayant. Sa société utopique, il l’a réfléchie et dessinée dans les moindres détails, et ce livre est une manière ludique de la dépeindre sous toutes les coutures. Écologiquement, économiquement, humainement. Naturellement…

L’écrivain ne se contente pas de fabuler sur un monde chimérique, sa capacité d’imaginer l’avenir, les conséquences et les actes pouvant être menés est stupéfiante. Je suis né en 1968, et durant de longues années, je ne me suis jamais posé de telles questions, ni n’ai entendu la société les poser aussi clairement sur la place publique.

Alors oui, certaines descriptions prêtent à sourire parce que clairement datées (dans les années 70, difficile d’imaginer l’essor de l’informatique et d’internet), mais pour une grande partie des sujets, l’analyse est admirable.

Crédible

Ce journaliste qui découvre Ecotopia, bourré de préjugés, est touchant dans son cheminement intellectuel et émotionnel. A travers ses écrits, il est passionnant de découvrir ce monde au plus près des citoyens.

N’imaginez pas lire une grande intrigue, ce n’est pas ce genre de texte, mais cette fiction sait mélanger passages analytiques et moments plus intimes.

Si vous voulez comprendre comment il est possible d’imaginer un monde sain, où l’on travaille 20 heures par semaine, où chacun est maître de ses décisions tout en œuvrant pour le collectif, lisez Ecotopia.

Quand l’Utopie nous fait prendre la réalité de notre société en pleine face, avec force arguments et humanisme, cela donne une lecture totalement atypique. Ernest Callenbach était un visionnaire autant qu’un profond croyant en l’Homme. Loin d’être illuminée, sa vision mérite qu’on s’y attarde, près de cinquante ans après. Avant qu’il ne soit trop tard.

Yvan Fauth

Date de sortie : 06 janvier 2021

Éditeur : Folio (poche)

Genre : Utopie / SF

4° de couverture

Trois États de la côte ouest des États-Unis — la Californie, l’Oregon et l’État de Washington — décident de faire sécession et de construire, dans un isolement total, une société écologique radicale, baptisée Écotopia. Vingt ans après, l’heure est à la reprise des liaisons diplomatiques entre les deux pays. Pour la première fois, Écotopia ouvre ses frontières à un journaliste américain, William Weston.
Au fil des articles envoyés au Times-Post, il décrit tous les aspects de la société écotopienne : les femmes au pouvoir, l’autogestion, la décentralisation, les vingt heures de travail hebdomadaire et le recyclage systématique. D’abord sceptique, voire cynique, William Weston vit une profonde transformation intérieure. Son histoire d’amour intense avec une Écotopienne va le placer devant un dilemme crucial : choisir entre deux mondes.



Catégories :Littérature

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11 réponses

  1. j’ai envie de lire maintenant 🙂

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      ça vaut vraiment la peine ! Bonne future lecture alors

  2. Aude Bouquine – « Lire c’est pouvoir se glisser sous différentes peaux et vivre plusieurs vies. » Ici, je lis, je rêve, je parle de mes émotions de lectures, avec des mots. Le plus objectivement possible. Honnêtement, avec respect. Poussez la porte. Soyez les bienvenus dans mon univers littéraire.

    Je trouve l’idée de base très intéressante, surtout basée aux US, temple de la consommation par excellence. Ta chronique met le cerveau en mode « curiosité » 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Surtout que ça concerne une région que tu connais bien !

      • Aude Bouquine – « Lire c’est pouvoir se glisser sous différentes peaux et vivre plusieurs vies. » Ici, je lis, je rêve, je parle de mes émotions de lectures, avec des mots. Le plus objectivement possible. Honnêtement, avec respect. Poussez la porte. Soyez les bienvenus dans mon univers littéraire.

        Les californiens n’ont jamais fait les choses comme tout le monde 😉

  3. J’aime beaucoup votre formulation disant que ce livre est à la fois une fiction et un essai détourné. C’est totalement ce que j’ai ressenti durant ma lecture qui avait ce double but. Je l’ai lu pour un projet universitaire autour de l’écologie du livre aussi bien que pour ma propre curiosité et mon propre plaisir. La forme journal intime / articles de journal répond bien à ce double usage de l’ouvrage.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Merci Charlène pour ce commentaire. Ça fait plaisir de lire qu’on a été clair dans ses explications et ressentis 😉

  4. belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

    Désolée, mais 1975 + 50 = 2025 ! Nous sommes au début de 2021… Recalé !!! 😆

    Comme j’aime bien lire des auteurs qui avaient raison avant tout le monde, je le note ! En plus, la couverture est magnifique !!!

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      J’ai arrondi, j’aime bien les chiffres ronds 😉.
      Je suis d’accord, la couverture est top !
      Lui, il avait raison looooontemps avac beaucoup de monde

  5. Rhoooo ça donne envie 😊😊
    Merci beaucoup pour ta chronique alléchante.

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