Lame de fond
Ce n’est clairement pas un roman comme les autres. Sa couverture pourrait laisser imaginer une histoire moins ambitieuse qu’elle ne l’est. La lame comme une métaphore.
Cette lame est effectivement au centre de l’intrigue, par toutes ses définitions. A commencer par celle qui s’abat sur des milliers de nigérians, et qui va engendrer un effet domino encore plus dévastateur. Mais qu’on ne mettre pas tout sur le dos de dame Nature, elle est loin d’être la responsable principale de la catastrophe humanitaire racontée dans ces 500 pages.
Voilà le genre de roman d’anticipation qui parle directement de nous aujourd’hui. 12 ans, c’est peu à l’échelle d’une vie, c’est à peine un petit pas à l’échelle de notre société.
La lame est un thriller, violent parce que la société l’est de plus en plus, et prenant. L’amateur du genre y trouvera son compte. Mais ce récit est tellement plus que ça, parce que le pouvoir de la fiction est immense…
Constat et prospective
Voilà bien le genre de livre qui pourrait s‘apparenter à un brûlot. Sauf que Frédéric Mars a fait un travail extraordinaire de documentation et d’analyse pour se baser sur des faits et non uniquement des conjectures fantaisistes. Il évite les pièges qui pourraient faire penser que c’est un livre uniquement militant. S’il l’est, c’est à charge contre ceux qui manipulent les populations et qui profitent de leurs congénères.
L’écrivain a une capacité étonnante à nous plonger au cœur de l’action tout en nous faisant prendre conscience de la dérive de notre monde. Un constat, étayé, qui fait flipper, mais devrait nous amener à mieux réfléchir sur l’égarement moral, économique, écologique d’une humanité qui se perd et court à sa perte.
Thriller géopolitique de haut vol, La lame développe un concept jusqu’au-boutiste effrayant. Mais ce n’est qu’un outil pour mettre en perspective les ravages que vont engendrer des mouvements migratoires incontrôlables, si tous les acteurs ne prennent pas le problème à bras le corps.
Thriller géopolitique
C’est le deuxième thriller particulièrement saillant en 2019, et qui nous met le nez dedans, comme l’ont également fait Jérôme Camut et Nathalie Hug avec Et le mal viendra. Autre angle d’attaque, mais même talent et manière similaire de pousser le bouchon pour mieux faire prendre conscience.
L’intrigue est dense, condensée sur 8 jours de temps, avec un nombre impressionnant d’événements qui montrent que le château de carte peut vite s’effondrer. Avec les acteurs tenant les cartes en main qui ne les utilisent qu’à leur fin. L’homme ne peut s’en sortir qu’en tirant dans le même sens. Cruelle utopie…
Le roman marque également les esprits par sa galerie de personnages forts, attachants ou repoussants, sans manichéisme, mais avec de vraies émotions qui viennent contrebalancer l’immense noirceur du propos.
Talent hors norme
Et puis, il y a le talent hors norme de Frédéric Mars. A l’aise dans tous les genres, à l’imagination débordante, au travail de recherches impressionnant, aux qualités de conteur étonnantes. Et à l’écriture formidable, ciselée, travaillée. L’auteur la soigne pour qu’elle soit ultra efficace sans jamais tomber dans la facilité. Oui, c’est extrêmement bien écrit.
La lame est un roman d’anticipation au plus près de notre actualité. D’une dimension folle et d’un réalisme cru. Frédéric Mars propose un thriller comme on n’en rencontre peu, qui prend aux tripes et qui nous fait réfléchir. Parce qu’il parle de nous, demain. Le sujet était casse-gueule, mais son traitement est une réussite du début à la fin.
La catastrophe humanitaire est déjà en marche, et ses répercutions seront sans limites si l’Homme ne change pas radicalement d’attitude. Au plus vite… Parce qu’il reste de l’espoir.
Yvan Fauth
Lien vers l’interview de Frédéric Mars au sujet de “La lame”
Date de sortie : 29 mai 2019
Éditeur : Metropolis
Genre : Thriller
4° de couverture
Dans une France proche et obscure à la cité de La Solidarité, quartiers nord de Marseille : l’officier de PJ Simon Mardikian découvre le cadavre ravagé d’une jeune prostituée noire, Joy, alias Queen, sans identité définie. Son enquête sur les réseaux mêlant drogues, migrants et traite d’êtres humains ne fait que commencer.
Le lendemain, à Lagos, capitale du Nigéria, dans le bidonville flottant de Makoko, l’instituteur Sékou Williams tient tête au dealer Kaza qui cherche à recruter des revendeurs parmi ses élèves. Mais soudain s’abat une immense vague-submersion, dispersant des milliers de réfugiés à travers le continent africain.
Au même moment, à l’Élysée, le président de la République Bako Jackson annonce sa candidature à sa propre réélection. Il en profite pour dévoiler le renforcement du dispositif Frontex. C’est sa fermeté sur les questions migratoires qui a valu à ce fils de pasteur nigérian de ravir le pouvoir à l’extrême droite en 2027. À peine a-t-il achevé son allocution qu’on lui annonce la catastrophe climatique de Lagos.
Ces trois histoires ne vont pas tarder à se rencontrer, d’une manière qui pourrait bien changer le monde.
Ce qui va les réunir ?Une lame, rien qu’une lame, qui déjà déferle et emporte tout sur son passage…
Basé sur les prospectives des plus éminents spécialistes des mouvements migratoires, La Lame vous propulse dans un thriller politique haletant où les lignes entre le réel et la fiction se brouillent jusqu’à devenir une seule et même piste.
Catégories :Littérature
Très très belle chronique. Les émotions reviennent, d’un coup !
Oui, un Mars et ça repart ! 😉
Je vois que tu connais tes classiques aussi ! 😆 Bon, je sens que je vais l’ajouter, ce Mars et le dévorer, même si je préfère les Mars glacés aux normaux. Tu penses que si je le mets au freezer avant de le lire ça ira mieux ?? 😀
Va vraiment falloir que je le lise ! Merci pour cette belle chronique !!
Ah oui ça en vaut vraiment le coup. Et tous les autres Mars après aussi 😉
Je voulais le prendre en vacances mais vu le poids des livres et son absence de publication numérique, il devra attendre son tour dans ma PAL !
Excellente critique d’un ouvrage que je ne manquerais pas de lire. Merci Yvan 😉
Il me le faut! Ça fait longtemps que je veux découvrir les romans de cet auteur en plus…Depuis que tu en parles sur ton blog, avec d’aussi convaincantes chroniques.
Ce mec est un génie, il faut le faire savoir 😉
C’est noté !☺️