Interview Jérémy Fel – Malgré toute ma rage

1 livre et 5 questions pour permettre à son auteur de présenter son œuvre

5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger

Jérémy Fel

Titre : Malgré toute ma rage

Editeur : Rivages

Sortie : 16 août 2023

Lien vers ma chronique du roman

Ton nouveau roman est très différent du précédent, plus linéaire, plus contemporain…

J’ai commencé à écrire Malgré toute ma rage en réaction à Nous sommes les chasseurs, aussitôt après avoir relu et envoyé les dernières épreuves. Pour oublier qu’un livre ne vous appartient plus, autant vite commencer le suivant (d’ailleurs je suis déjà dans le prochain). J’avais cette fois envie de me lancer dans un roman plus simple sur le plan narratif, plus contemporain, qui avançait en ligne droite et où la tension augmentait constamment jusqu’à un final (je l’espère) qui laisse le lecteur groggy. Contrairement aux précédents, la majorité de l’intrigue principale s’est imposée à moi en quelques jours. Les personnages se sont dessinés très rapidement. Leur rôle dans l’histoire, la place de leur chapitre dans le roman, la dernière scène, etc… C’était la première fois que je me lançais dans l’écriture en sachant à peu près où j’allais. Même si bien sûr je me suis laissé surprendre par mes personnages. Il me faut garder cette liberté-là.

C’est à nouveau un roman à plusieurs voix qui se complètent. Et un joli jeu d’écriture qui s’adapte à chaque personnalité…

Je pense que tous mes romans seront construits selon un principe de points de vue multiples. C’est la forme qui me convient le mieux. Ici le défi était de faire se succéder des voix à la première personne, facilement identifiables sans que cela devienne trop superficiel (pour les adolescentes, en particulier). Écrire au « je » impose une plus grande proximité entre le lecteur et le personnage, le lecteur partage ses pensées, ici jusqu’à l’insoutenable ! Pour moi Malgré toute ma rage est, encore plus que les trois autres, un vrai roman de personnages. Tout repose sur eux.

” Que le pire advienne souvent dans le cercle familial n’est un secret pour personne “

Sans trop en dire, au-delà de la mort d’une jeune fille, c’est aussi l’histoire d’une famille, dont certains membres ont un comportement plutôt dévoyé…

J’ai toujours aimé les histoires de familles monstrueuses. Les Atrides, les Borgia, les Corleone, les Lannister… Il y en a dans tous mes romans, mais cette fois c’est un thème central. Que le pire advienne souvent dans le cercle familial n’est un secret pour personne. Je voulais ici parler d’une lente dégénérescence, d’une multiplicité de vices que rien n’arrête et qui se propagent à travers les générations. Et comment tout cela aboutit à créer des monstres.

Tu oses tout, dans la perversion comme dans la violence. Aucun tabou. Mais ce n’est pas gratuit…

Puisque mon éditrice me fait confiance et que j’ai cette liberté, alors autant oser, oui. C’est un livre qui traite de perversion. Je me devais de la rendre la plus prégnante possible. Je sais que certains diront que je vais trop loin. Mais mon plaisir est aussi de pousser les lecteurs dans leurs retranchements. De frapper fort. Selon Cioran, il faut écrire dans nos livres des choses qu’on n’oserait confier à personne. Je suis totalement d’accord avec ça. La littérature, l’art en général est pour moi le lieu du furieux, du dérangeant, de l’inconfortable, même si bien sûr il peut m’arriver de me mettre certaines limites. Si ce que j’écris choque les gens, tant mieux. La violence que je dépeints est choquante par essence. S’ils éprouvent un sentiment de rejet en me lisant, très bien. C’est le jeu. Au moins, l’émotion ressentie est forte. Quelque chose restera gravé dans leur esprit, en bien ou en mal. Par contre, effectivement, chez moi la violence n’est jamais gratuite. Elle a toujours un sens, une nécessité. Je ne cherche pas à choquer pour choquer.

” Mon plaisir est aussi de pousser les lecteurs dans leurs retranchements “

Et puis, tu proposes aussi une peinture au vitriol du milieu de l’édition…

Connaissant un peu ce milieu, ça m’a permis de m’en moquer « gentiment ». C’est un petit monde si feutré que finalement peu de choses sortent au grand jour. Un grand ménage s’imposerait, à tous les niveaux… Des éditeurs comme Raphaël Delage existent (dans une certaine mesure !). Ces passages, qui sont une petite partie du roman, ramènent aussi un peu d’humour et de légèreté dans la noirceur ambiante. Je pense que certains lecteurs m’en seront gré ! Et j’espère aussi que personne ne se reconnaîtra ! Mais je pense que de toute manière, personne ne voudra se reconnaître…

Photo : Sophie Mary, durant Quais du polar



Catégories :Interviews littéraires

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9 réponses

  1. Merci pour ce bel échange. Je le lirai en prenant de l’arnica. Même pas peur. 😅

  2. Aude Bouquine – « Lire c’est pouvoir se glisser sous différentes peaux et vivre plusieurs vies. » Ici, je lis, je rêve, je parle de mes émotions de lectures, avec des mots. Le plus objectivement possible. Honnêtement, avec respect. Poussez la porte. Soyez les bienvenus dans mon univers littéraire.

    Ça pour laisser le lecteur groggy !! Il est groggy. Moi aussi j’adore les histoires de famille derrière les portes closes. Jeremy Fel s’empare du sujet admirablement bien et avec beaucoup d’intelligence sur la forme et sur le fond !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      c’est clair qu’on ressort secoué des lectures de Fel !

  3. Collectif Polar : chronique de nuit – Simple bibliothécaire férue de toutes les littératures policières et de l'imaginaire.

    Je viens de la commander pour la biblio…

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