Interview Franck Thilliez – La faille

1 livre et 5 questions pour permettre à son auteur de présenter son œuvre

5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger

Interview FRANCK THILLIEZ

La faille

Editeur : Fleuve

Sortie : 05 mai 2023

Lien vers ma chronique du roman

Sharko et son équipe se retrouvent confrontés à l’épreuve ultime, celle de la mort. Un sujet que tu souhaitais traiter depuis longtemps…

En effet, lorsque j’écris un roman mettant en scène Sharko, j’aime bien choisir un gros sujet de fond, qui permet à la fois d’aborder des questions éthiques, scientifiques, de société, et qui nous concerne tous. La mort fait partie de ces grands thèmes que je souhaitais traiter, au même titre que la violence, la mémoire, la génétique ou encore les virus. Ça fait des années que ça me travaille, mais le point principal qui me bloquait était la noirceur du sujet en lui-même. La mort est déjà très présence dans tout roman policier puisqu’en général, on y croise des cadavres et des gens qui les côtoient en permanence. Il fallait donc que je sois vraiment certain de trouver le bon moyen de la mettre en scène, et surtout, que je me sente prêt à me lancer pour un travail d’un an autour de ce thème pour le moins… morbide !

Comme tu sais le faire à merveille, ton intrigue est bien davantage qu’une enquête policière, fouillée et encore une fois à la pointe, même concernant un sujet aussi « éternel »…

Evidemment, je continue à apporter un grand soin à mon intrigue policière, car elle est quand même au cœur du livre et c’est elle qui motive mes personnages, ainsi que mes lecteurs à tourner les pages ! Je peaufine chaque lieu, chaque ambiance, je mets mes personnages en danger et les pousse dans leurs retranchements, comme dans tout bon drame. Mais j’aime apporter cette touche supplémentaire qui rend la lecture instructive et qui, surtout, lève des questionnements dans la tête du lecteur. La mort est un thème idéal lorsqu’on veut parler d’éthique, de science, d’histoire et de philosophie. En parler, c’était également un moyen de la rendre moins taboue. Comme je le dis dans le roman, la mort inonde les écrans, elle est tellement présente dans les médias qu’on n’y fait même plus attention, et qu’on ne réfléchit même plus à ce qu’elle représente réellement. Mais quand elle nous touche, nous, nos proches, alors elle redevient l’épouvantail qu’elle a toujours été, et on refuse d’en parler. On expédie les funérailles, on se met des œillères… J’essaie, avec cette histoire, d’apporter un autre regard sur ce qu’elle représente vraiment.

” Je crois que l’histoire parallèle à l’enquête, qui touche Sharko et son équipe de plein fouet, est l’une des vraies forces de ce roman “

Certains passages sont sans doute parmi les plus glauques que tu aies pu écrire ces dernières années…

Ah bon ? (rires) Je pense que l’ambiance générale du livre que j’ai volontairement mise en place y est pour beaucoup. Dès que j’ai eu la possibilité d’installer une référence à la figure de la mort, ou à ses multiples déclinaisons, je l’ai fait. Il n’y a pas une pièce où les enquêteurs se rendent sans qu’un crâne ou un squelette traîne dans un coin. Les flics se baladent dans les salles d’autopsies, les morgues, les hôpitaux, les facs de médecines où on dissèque des cadavres. Ils errent dans les sous-sol, les tunnels, la nature en décomposition. Il est question de nécrophilie, de maladies psychiques en lien avec la mort, de visions terrifiantes. Enfin bref, c’est déjà bien chargé en terme d’atmosphère. A cela, évidemment, j’ai ajouté quelques scènes bien corsées qui, comme dirait l’autre, ne sont pas faites pour les petites natures !

Ce qui frappe fort au cœur, c’est l’énorme supplément d’âme insufflé à travers l’histoire personnelle de certains flics de l’équipe. Avec des sujets de société qui prêtent à débat…

Je crois que l’histoire parallèle à l’enquête, qui touche Sharko et son équipe de plein fouet, est l’une des vraies forces de ce roman. Le thème de la mort était trop beau pour que je n’essaie pas d’y intégrer un vrai cas de conscience.  Cette histoire, c’était vraiment l’occasion d’aborder des sujets d’actualité et de fond autour de l’acharnement thérapeutique et des lois qui encadrent la fin de vie. Avec, au cœur de ces enjeux, une question fondamentale : une vie sans conscience est-elle encore une vie, ou est-ce déjà le début de la mort ?

” Pour La faille, j’ai décidé d’en faire un Sharko fort, combatif, tête brûlée comme il l’a toujours été “

Franck Sharko ne se fait plus tout jeune, et Lucie Hennebelle ne s’est jamais vraiment remise de la perte de ses enfants une décennie plus tôt. Ce sont aussi ces failles qui rendent tes deux personnages toujours plus attachants…

D’où « La faille » ! Évidemment, le titre a un lien direct avec l’enquête — et le lecteur pourra découvrir ce que j’entends par « Faille » — mais il fait aussi directement référence aux fêlures des personnages. Tous, dans cette histoire, vont être confrontés à leurs faiblesses, et vont devoir les surmonter pour avancer. Ce sont vraiment ces failles qui, globalement, donnent de la matière au romancier que je suis et me permettent de créer des personnages avec du relief. J’ai besoin qu’elles existent pour avancer.

Concernant notre bon Sharko, je l’avais laissé un peu blasé, limite dépressif dans le roman précédent, LUCA (si on omet 1991 qui était un retour dans le passé), dont l’histoire se déroulait fin 2017. C’était surtout le fait de quitter le mythique 36 quai des Orfèvres pour le Bastion (actuel 36) qui lui avait mis un coup. Pour la Faille, j’ai décidé d’en faire un Sharko fort, combatif, tête brûlée comme il l’a toujours été. Il a 60 ans, certes, mais il est toujours capable de défoncer des portes et en a encore sous le capot ! Je crois que c’est de cette manière qu’on l’aime : toujours à flirter avec les limites, à mettre des claques et a foncer tête baissée là où on lui dit de ne pas aller.

Photo : Sophie Mary, durant Quais du polar 2023



Catégories :Interviews littéraires

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18 réponses

  1. Aude Bouquine – « Lire c’est pouvoir se glisser sous différentes peaux et vivre plusieurs vies. » Ici, je lis, je rêve, je parle de mes émotions de lectures, avec des mots. Le plus objectivement possible. Honnêtement, avec respect. Poussez la porte. Soyez les bienvenus dans mon univers littéraire.

    Comme d’habitude, entretien passionnant sur un roman qui m’a vraiment donné à réfléchir…
    C’est tout ce que j’aime dans le “noir”, du fond et de la forme en plus de thématiques très intéressantes ! On sent qu’il a réellement réfléchi à son sujet, à comment l’amener, et à quoi construire autour. “Le cas de conscience” permet de regarder ce qui se passe quand on a des opinions très affirmées : la confrontation à une situation réelle change tout ! Ne pas oublier qu’il existe un site en ligne pour notifier ses dernières volontés…

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Tu as tout dit ! Clairement, Thilliez est toujours Le Boss ! Une réussite magistrale, et oui il est toujours aussi passionnant à écouter / lire.

  2. Excellent interview, sujet Tabou : La mort. pas facile à développer, vaste et complexe!
    il n’existe aucune explication sur l’après vie ! Nous allons certainement trouver dans le roman de Mr Thilliez pas mal de réponses : niveau éthique, science , souvent très instructives et réelles.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      et le livre répondra aux attentes !

  3. Je me noie dans ma salive. Et je mets mes bouées pour lire la chronique à venir. Merci à vous deux pour ce bel échange. 🙏😘

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      merci à toi pour ton enthousiasme de tous les instants ! Bon, vu la qualité de l’interview, c’est mérité pour Franck Thilliez 🙂

  4. Collectif Polar : chronique de nuit – Simple bibliothécaire férue de toutes les littératures policières et de l'imaginaire.

    Super entretien, comme d’hab !
    Moi j’ai le roman dans ma PAL

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      L’un de ses meilleurs, vraiment !

      • Collectif Polar : chronique de nuit – Simple bibliothécaire férue de toutes les littératures policières et de l'imaginaire.

        L’occasion pour moi de relire Franck 😁

        • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

          faut donner la chance à ce ptit jeune 😉

  5. Nath - Mes Lectures du Dimanche – Livres, ongles & Rock 'n Roll

    J’ai attendu d’avoir dévoré (c’est vraiment le mot !) ce livre avant d’en lire des retours. Thilliez a vu juste, personnellement, j’ai adoré retrouver le Sharko combatif qu’on aime tant !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      tu es aussi d’avis que c’est l’un de ses meilleurs, alors ? 🙂

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