Niklas Natt och Dag a écrit ce qui restera longtemps comme une trilogie majeure du roman noir historique, une aventure suédoise inoubliable entre ombres (beaucoup) et lumière (un peu), à l’image du patronyme de son créateur. 1795 vient clore ce triptyque à la manière des deux premiers volets, fort surprenante.
Ce qui avait débuté comme un polar historique avec 1793, a mué peu à peu en une grande aventure humaine et sociétale.
Nouvel élan
L’auteur semble aimer les défis. Les deux premiers tomes se terminaient à chaque fois de façon si terrible que c’était une gageure de continuer le récit, tant les implications semblaient définitives. Et pourtant, le challenge est non seulement relevé avec brio et audace, mais 1795 trouve un nouvel élan, différent encore.
Cela faisait deux ans que j’étais hanté par le final de 1794. Que j’y pensais régulièrement, malgré les nombreuses lectures suivantes. Ça ne m’était presque jamais arrivé, après des décennies de lectures. Un aboutissement d’une noirceur absolue qui ne pouvait s’effacer de ma mémoire.
C’est une nouvelle pièce en 4 actes qui est proposée, le premier presque à l’aveugle avant que ne surgisse la lumière des ténèbres. Paradoxal, mais c’est bien le résumé de ce dernier tome, quelques minuscules lueurs dans une noirceur abyssale, qui proviennent de l’humanité de certains personnages.
Viscéral
Le lecteur vit viscéralement cette virée vers le passé, vibrant à chaque page, plongé dans la fange. La Suède est dans le caniveau, la misère devient endémique. Le pays est à genou, presque à terre. La politique tue le peuple.
Stockholm, la ville entre les ponts, devient un enfer. La quatrième de couverture parle de Pandémonium, le terme n’est effectivement pas excessif. Le cours de la vie s’écoule de manière délétère, sans rime ni raison.
Vous ne lisez pas un livre, vous êtes à Stockholm, vous ressentez les conditions de vie de l’époque, froid, odeurs, manques, ivresse… Les descriptions sont incroyablement parlantes, générant des images mentales criantes de vérité, au plus près des conditions de vie des démunis. Un livre qui fait marcher les cinq sens.
C’est dans ce contexte que les grands riches se voient freinés dans leurs excès par une Ordonnance contre le luxe. Mais quand l’ennui pointe trop le bout de son nez, ces gens-là tombent dans l’intempérance.
Quêtes
Ce troisième tome est une histoire de quêtes. Celles d’un duo d’enquêteurs devenus digne des plus connus de la littérature. Jean Michael Cardell et Emil Winge, plombés par la culpabilité, recherchent Anna. Et aussi le grand méchant de l’histoire, Tycho Ceton, qu’on avait pourtant imaginé fini.
Ce 1795 sera à nouveau l’occasion de scènes ahurissantes. Il m’en faut beaucoup pour être secoué par un passage, mais certains d’entre-eux m’ont fait ouvrir d’immenses yeux stupéfaits, sidérés, éberlués. Niklas Natt och Dag ose tout et fait preuve d’une imagination morbide effrayante. Mais rien n’est jamais gratuit, tout est un élément d’un Grand Tout. Sa Grande œuvre.
Jusqu’à un final qui, à l’image de toute cette création, ne s’avère pas du tout ce qu’on pourrait imaginer.
Minutieux et lyrique
L’écrivain fait preuve d’une exigence de tous les instants, tout est minutieusement réfléchi, travaillé, documenté. On y apprend des choses incroyables sur l’époque, sans que jamais cela ne tombe dans le démonstratif.
Une virée magnifiée par cette écriture à la fois minutieuse et lyrique, qui demande un vrai engagement du lecteur pour bien en profiter. A lire lentement pour s’immerger totalement. Saluons une fois encore la traduction très soignée de Rémi Cassaigne.
1795 clôt une trilogie unique, une immense œuvre noire comme aucune autre, magnifique dans son horreur, terriblement humaine dans ses outrances. Inoubliable par ses personnages meurtris par la vie mais qui sont d’une beauté sans nom, et qui resteront présents à jamais en mémoire. Niklas Natt och Dag est un génie de la littérature, il n’y a pas d’autre mot.
Yvan Fauth
Sortie : 09 février 2023
Éditeur : Sonatine
Genre : Roman noir historique
Traduction : Rémi Cassaigne
Prix : 24 €
4ème de couverture
Les portes de l’enfer se referment.
Stockholm, 1795. Devant une Révolution qui couve, la famille royale s’enferme dans une paranoïa d’une ampleur inédite. Une purge acharnée se prépare contre tous les opposants au pouvoir en place. La police secrète traque ainsi sans relâche jeune femme, Anna Stina Knapp, qui serait en possession d’une lettre contenant les noms des principaux conspirateurs. Un ancien artilleur, Jean Michael Cardell, recherche lui aussi Anna, mais pour la protéger. Pendant ce temps, son acolyte, Emil Winge, piste une ombre menaçante qui étend son emprise dans les rues de la ville : Tycho Ceton. Celui-ci peaufine en effet un plan d’une ampleur inédite pour plonger la capitale suédoise dans des abîmes infernaux.
Avec 1795, Niklas Natt och Dag poursuit son immersion en apnée dans les eaux sombres et agitées de la révolution suédoise. Sous sa plume toujours aussi puissante et fiévreuse, Cardell et Winge mènent une enquête haletante à travers un Stockholm aux allures de Pandémonium.
Catégories :Littérature
Yvan, tu nous fais saliver trop souvent, on a du mal à tenir le rythme. Avec ce livre tu nous vends une trilogie. Quand est-ce qu’on dort ? Cette pile devient chaque semaine de plus en plus haute. Merci 😁
eheh, je dois admettre que ce début d’année est fort en émotions. j’aurais adoré lire cette trilogie en une seule fois ! (même en dormant de temps en temps)
Et voilà de quoi vous requinquer pour bien débuter la journée, à 6h du mat’ ! Sans rire, tu as quand même réussi l’exploit de me donner envie de lire une trilogie, comme ça, au saut du lit.
ahahah content, je suis ;-). Lis-là en une fois, pendant des vacances, ça vaut la peine
Oh tu l’as déjà lu !
Je lirai ta chronique après l’avoir lu aussi 😁
Je suis fan de cette série. 🤩
🤩
J’ai lu “1793”, je vois que l’histoire a continué, et bien continué.
et qu’il te faut continuer 😉
Pfff. Même pas mal. 🤣. Déjà tenter de trouver le 1er, on va y aller mollo.
C’te chronique, j’en salive. Merci à toi Yvan. 🙏😘
Ça promet !!! Je vais me pencher sur cette trilogie bientôt, j’ai envie de m’y remettre. Dire que ta chronique donne envie c’est très en dessous de la réalité. Je me souviens du premier tiers, c’était effectivement totalement immersif, et si dur tellement ça sentait la crasse !
Oh merde, je ne me souviens plus du final du tome 2… c’est grave, docteur ??
Bon, il était déjà surligné, je comptais l’acheter, le lire, ne pas le laisser traîner, et puis toi, tu enfonces le clou encore plus :p Tu m’énerves !!
Comment as-tu pu oublier ça ?! T’y te fais vieille 😉
Ben oui, je ne sais plus qui je suis, qui tu es et je peux relire les mêmes romans puisque j’oublie tout (dixit ma frangine) !! 😆
Tu lis trop, c’est la preuve 😉
Oui, je lis trop ! :p
J’avais bcp aimé “1793”, et donc acheté “1794” … hélas pas encore lu ! Mais je signe déjà pour “1795” au vu de cette chronique enflammée !
et tu vas en prendre plein les yeux (et le nez) 😉