1 livre et 5 questions à son auteur, pour lui permettre de présenter son œuvre
5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger

DOMINIQUE MAISONS
Titre : Avant les diamants
Sortie : 27 août 2020
Éditeur : La Martinière
Lien vers ma chronique du roman
Ton nouveau roman est une fiction avec de gros morceaux de réalité dedans…
D’une certaine manière, c’est un roman historique, sur le Los Angeles de 1953 et l’industrie du cinéma de l’époque. De nombreuses personnalités qui gravitaient dans ce monde si particulier sont effectivement présentes dans le livre. Quel auteur bouderait son plaisir à l’idée d’écrire des dialogues pour Errol Flynn, Clark Gable ou Hedy Lamarr… pas moi en tout cas ! J’ai pris un plaisir énorme à réincarner ces monstres sacrés. Il m’a fallu beaucoup de temps et de travail pour me sentir légitime à les faire parler, leur trouver une voix crédible et juste biographiquement, j’espère y être parvenu et à avoir restitué leurs personnalités peu communes. Le contexte est lui aussi réel que possible, je n’ai inventé qu’une intrigue, qui aurait pu être réelle aussi, mais les éléments les plus incroyables du livre sont véritables. Ce qui fera hausser les sourcils aux lecteurs, il pourra aller le vérifier par lui-même, c’est ce qui aura réellement eu lieu. Par exemple, qui pourrait imaginer qu’on faisait exploser des bombes atomiques à 150 miles de las Vegas et que les gens se réunissaient sur les toits pour regarder les explosions pendant de mémorables et irradiantes « Atomic bomb party » ?
Pourquoi ce monde de l’image, et à cette époque-là ?
Le point de départ est une colère terrible qui m’a duré tout un été. La colère de nous voir à ce point incapables d’infléchir nos modes de vie pour les rendre durables, compatibles avec les ressources limitées de notre environnement et le réchauffement climatique. Pour me débarrasser de cette colère, je me suis demandé pourquoi ? Qu’est ce qui nous pousse dans cette course sans fin à la consommation ? Sur quoi se fonde notre attachement à la société de consommation ? Et je suis remonté aux sources, à la propagande consumériste de l’après-guerre, à l’invasion de l’American way of life et à son support idéologique qui est rentré dans tous les foyers du monde : son cinéma et la propagande qu’il a véhiculé avec succès pour contrer la progression des idées communistes. Nous vivons encore aujourd’hui dans un monde dominé par une propagande consumériste frénétique. Ce n’est pas rejeter le cinéma (je l’adore) que de prendre conscience du discours qu’il véhicule et retrouver un regard critique. Beaucoup de choses se sont jouées dans le Los Angeles de l’après-guerre, et ces enjeux sont bien moins futiles qu’on pourrait le croire. Walter Wanger, grand producteur de l’époque, annonçait crânement dès 1949 que chaque citoyen du monde devait avoir deux nationalité la sienne et celle d’Hollywood. Ils y sont parvenus, tout simplement.
Tes recherches t’ont plongé très profond dans ce milieu qui sent le soufre et le stupre…
La documentation est la clé de mon inspiration et de ma légitimité d’auteur. Je suis incapable d’écrire sur un sujet que je n’ai pas étudié avec soin, ce que je cherche me nourrit et fait progresser l’intrigue de mes romans. J’ai deux moteurs qui se relayent, mes recherches et mes personnages. En l’occurrence, oui, cet univers pourtant si brillant et fascinant vu de loin est un monde d’une cruauté terrible et d’une débauche improbable. Il est impossible de se documenter sur ce milieu sans faire cette constatation : En 1953, Hollywood était raciste, sexiste, réactionnaire, violent, cynique, inculte, clientéliste, corrompu en profondeur par la mafia et instrumentalisé par l’armée américaine. Au-delà de ça, les stars de l’époque savaient vivre et avaient une forme de gaité frénétique dans leur débauche qu’on peut trouver séduisante, même si leurs excès pouvaient s’apparenter parfois à de l’autodestruction.
On peut voir un peu ce livre comme une synthèse de plusieurs thématiques de tes précédents romans…
C’est tout à fait juste, tu m’as lu avec régularité, ça se voit. Je pense que c’est l’aboutissement d’un long cheminement. Depuis que j’écris je me questionne sur les rapports entre la société et la culture populaire, ce qu’elle dit de nous et ce qu’elle fait de nous. Je me suis éloigné peu à peu du thriller, tout en gardant sa tension et son sens dramatique, mais les inspirations sont restées les mêmes. Avant les diamants est surement mon roman le plus abouti à ce jour, mais on est toujours très amoureux de son petit dernier.
Voilà un livre à conseiller à tous types de lecteurs. Mais ça reste tout de même un roman noir…
L’intrigue et l’époque ont leurs parts d’ombre et de violence. Ce n’est pas ce que j’ai écrit de plus dur, il y a toutefois une part d’outrance et de provocation qui m’est assez caractéristique, mais elle est vraiment au service de la trajectoire inéluctable de mes personnages. Ils sont tous mus par une avidité et un besoin de réussir à tout prix qui ne peuvent que les mener à des actes répréhensibles. Je n’ai pas voulu livrer une version édulcorée de l’époque, comme la mièvre série de Netflix qui participe à une réécriture de l’histoire que je trouve assez scandaleuse, mais ce serait un long débat, j’ai livré une version sans concession ni filtre de ce que je pense être la violence de cette époque. Je préfère le sucre à l’édulcorant.
Catégories :Interviews littéraires
Bel interview. Je l’ai commandé, je ne veux pas passer à côté
Merci
Bonne future lecture alors ! Oui, on ne doit pas rater le retour Maisons 😉