La cité de l’orque – Sam J. Miller

N’en déplaise à certains, il y a deux genres littéraires à l’influence majeure si on veut comprendre le monde. Le roman noir qui donne une photographie de nos sociétés et de leurs dérives, la SF pour extrapoler notre futur depuis cette photo.

Thriller dystopique

La cité de l’orque est un thriller dystopique qui nous plonge dans un 22ème siècle où les États tels que nous les connaissons n’existent plus. Les dérèglements climatiques ont brouillé les cartes et les hommes ont terminé de semer le chaos. Loin des zones côtières submergées et des déserts intérieurs, d’immenses villes flottantes ont été construites. Qaanaaq est l’une d’elle, au large du Groenland.

Voilà bien le genre de roman qui avait tout pour m’emballer : un univers proche, post-apocalyptique. Des thématiques qui résonnent directement à nos oreilles actuelles.

Verdict : j’ai été aussi transporté que je l’espérais. La 4ème de couverture parle d’une ambiance à la Blade Runner, c’est vrai qu’on retrouve des similitudes dans l’esthétisme, je vois ça comme un vrai hommage. Et j’ai retrouvé dans ce livre ce que j’apprécie tant chez mes auteurs préférés du genre. Lanceur d’alerte comme un Paolo Bacigalupi, humaniste comme un Robert-Charles Wilson.

Réflexion et divertissement

Sam J. Miller se définit comme un activiste et un agitateur professionnel, en dehors d’être écrivain. Cela se ressent dans son texte, même si sa manière de faire est subtile et intelligente, sans être donneuse de leçons.

Il pose un contexte et une atmosphère qui mettent en perspective les dysfonctionnements actuels par le biais de la fiction dystopique. Et ça fonctionne.

La cité de l’orque est un roman aussi divertissant que poussant à la réflexion. Sans oublier ce qui, pour moi, est essentiel dans un récit, l’aspect humain.

Qaanaaq est une cité du froid. Imaginez une plateforme pétrolière démesurée, aux contours fixes, surpeuplée. L’auteur américain dit pourtant s’être inspiré de New York, ce qu’on comprend aisément. Les conditions de vie sont difficiles, la pauvreté y est endémique, et l’écart entre les riches et les indigents y est une transposition extrême de ce qu’on connaît déjà. Ce sont les propriétaires de logements qui règnent en maître. La ville est gérée par des logiciels, quand les riches ne s’occupent que d’encaisser.

Interaction

Le roman parle de nous, maintenant, en nous projetant dans un futur hypothétique mais parfaitement crédible. Il parle de notre manière de ne pas regarder les problèmes en face, de ne pas comprendre que ce qui se déroule ici et maintenant aura de terrible répercutions.

L’histoire est foisonnante d’idées qui mettent en belle évidence le lien inextricable entre les comportements et les répercutions (les changements climatiques accentuent la lutte des classes et poussent encore davantage au chaos, etc.).

Les riches thématiques sont à examiner avec une vision globale : environnemental, social, politique, économique, philosophique… Quand Miller parle de réfugiés, la problématique de son siècle prochain n’est que le reflet exacerbé du notre.

Les failles

Aucun doute, le personnage principal est la ville flottante. Le roman est choral et met en scènes plusieurs personnages dont les destins sont liés. Une intéressante manière de montrer l’interconnexion entre les personnes. Avec des protagonistes aux contours bien dessinés, aux caractères marqués, aux failles visibles. Sans parler du lien fort avec les animaux (une des nombreuses belles idées du livre).

En parlant de failles, voilà sans doute l’idée la plus audacieuse du roman. « Les failles » y sont une maladie sexuellement transmissible, aux symptômes et aux répercutions étonnants. Bien plus qu’une maladie…

La cité de l’orque est un roman foisonnant mais construit avec brio, sans risque de perdre le fil. Une vision réaliste et pessimiste de notre futur autant qu’un formidable divertissement, alliant rythme et surprises, réflexions inspirées et une vraie fraîcheur apportée par la jeunesse d’un auteur extrêmement prometteur. Une belle réussite pour un premier roman adulte. Sam J. Miller est à suivre de près.

A noter que le roman vient d’être sélectionné pour le prestigieux prix Nebula. Cette récompense incontournable de l’Imaginaire, attribuée par l’association des auteurs de science-fiction américains, couronne depuis 1966 les meilleurs œuvres d’Imaginaire. Son premier lauréat fût Dune, de Franck Herbert.

A noter qu’une courte nouvelle est disponible gratuitement sur les plateformes de téléchargement. Publiée trois ans avant le roman, Le vêlage met en scène pour la première fois Qaannaq, à travers les relations entre un père et son fils. Les prémisses de ce que deviendra cet univers.

Une citation :

L’argent est un esprit. La plus ancienne des intelligences artificielles. Ses directives premières sont simples, sa programmation témoigne d’une créativité inépuisable. Les humains lui obéissent sans réfléchir, avec un empressement jovial. L’argent, tel un virus, se soucie peu de tuer son hôte. Il se fraiera un chemin vers l’hôte suivant, dont il prendra le contrôle.

Sortie : 30 janvier 2019

Éditeur : Albin Michel – Collection Imaginaire

Genre : SF

Traduction : Anne-Sylvie Homassel

4° de couverture

22ème siècle. Les bouleversements climatiques ont englouti une bonne partie des zones côtières. New York est tombé; les États-Unis ont suivi. Au large de pays plongés dans le chaos, ou en voie de désertification, de nombreuses cités flottantes ont vu le jour. Régies par des actionnaires, elles abritent des millions de réfugiés. C’est sur Qaanaaq, l’une de ces immenses plateformes surpeuplées, qu’arrive un jour, par bateau, une étrange guerrière inuit. Elle est accompagnée d’un ours polaire et suivie, en mer, par une orque. Qui est-elle ? Est-elle venue ici pour se venger ? Sauver un être qui lui serait cher ?



Catégories :Littérature

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21 réponses

  1. Celui ci, je le veux trop! J’adore la couverture en plus et tu en parles si bien…. Hop en wish d’urgence!

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      oui ça va te parler 😉

      • belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

        Là, je suis sur le cul, je l’ai eu en main et le résumé ne m’avait pas emballé et voilà que tu me le vends d’une manière flamboyante. Bref, tu m’énerves, Yvan ! Je vais me fâcher parce que tu pousses le bouchon un peu trop loin, Maurice !!

        PS : il y avait un orque dans le résumé, il s’en sort ?? Je n’aime pas qu’on fasse mourir les animaux… J’ai un petit coeur… 😉

        • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

          Le résumé est assez éloigné de ce qu’on trouve dans le livre, je trouve…

          • belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

            Encu** de 4ème de couverture !! Ou ça en dit trop, ou pas assez, ou alors, ça dit à côté de ses pompes.

            Mais que font les G.J pour lutter contre ce fléau des 4ème ??? 😆

        • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

          et les animaux souffrent dans la vie comme les gens 😉

          • belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

            Oui, mais ils ne savent pas qu’ils vont mourir, eux… puis ils ne savent pas toujours dire la douleur. J’ai une jument qui a eu un abcès dans le sabot, niveau douleur, c’est du niveau d’une rage de dent, mais elle dit rien, elle boitait en silence…

            Là, elle bouffe à l’antibio à tel point que même Spanghero ou Findus ne la voudrait pas ! mdr (je sors et j’adore cette vieille rosse).

  2. lebouquinivre – Jeune femme de 26 ans, aimant la Vie (avec un grand "V"!) avec à la fois ferveur et abandon. Aux multiples facettes. Passionnée par les arts sous toutes leurs formes, je voue un culte à MUSE et à la musique, à Thilliez et aux bouquins, à Rimbaud et à sa prose, à Tom Hanks et au ciné... Une autre partie de moi idolâtre le FC Nantes et le football. Un bout de moi est implacable dans ses combats. Engagement et solidarité. Le cancer ne devrait pas exister, encore moins chez les enfants. D'ailleurs, je vous invite à soutenir "Imagine For Margo". Et Tom évidemment. Et enfin, comme le dit Sénèque: "Un bonheur que rien n'a entamé succombe à la moindre atteinte; mais quand on doit se battre contre les difficultés incessantes, on s'aguerrit dans l'épreuve, on résiste à n'importe quels maux, et même si l'on trébuche, on lutte encore à genoux." Comme dirait Bénabar, bien le bonjour Msieurs, Dames!

    Intéressant dans le genre SF! La couverture est splendide !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      tu lis de la SF de temps en temps ?

      • lebouquinivre – Jeune femme de 26 ans, aimant la Vie (avec un grand "V"!) avec à la fois ferveur et abandon. Aux multiples facettes. Passionnée par les arts sous toutes leurs formes, je voue un culte à MUSE et à la musique, à Thilliez et aux bouquins, à Rimbaud et à sa prose, à Tom Hanks et au ciné... Une autre partie de moi idolâtre le FC Nantes et le football. Un bout de moi est implacable dans ses combats. Engagement et solidarité. Le cancer ne devrait pas exister, encore moins chez les enfants. D'ailleurs, je vous invite à soutenir "Imagine For Margo". Et Tom évidemment. Et enfin, comme le dit Sénèque: "Un bonheur que rien n'a entamé succombe à la moindre atteinte; mais quand on doit se battre contre les difficultés incessantes, on s'aguerrit dans l'épreuve, on résiste à n'importe quels maux, et même si l'on trébuche, on lutte encore à genoux." Comme dirait Bénabar, bien le bonjour Msieurs, Dames!

        Oui ça peut m’arriver! J’avais lu Dune récemment et j’aime beaucoup Pierre Bordage!

        • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

          Ah le grand Bordage. J’ai fais pas mal d’interview en plateau sur les salons, c’est vraiment avec lui que je me suis senti tout petit et que j’ai été très impressionné 😉

          • lebouquinivre – Jeune femme de 26 ans, aimant la Vie (avec un grand "V"!) avec à la fois ferveur et abandon. Aux multiples facettes. Passionnée par les arts sous toutes leurs formes, je voue un culte à MUSE et à la musique, à Thilliez et aux bouquins, à Rimbaud et à sa prose, à Tom Hanks et au ciné... Une autre partie de moi idolâtre le FC Nantes et le football. Un bout de moi est implacable dans ses combats. Engagement et solidarité. Le cancer ne devrait pas exister, encore moins chez les enfants. D'ailleurs, je vous invite à soutenir "Imagine For Margo". Et Tom évidemment. Et enfin, comme le dit Sénèque: "Un bonheur que rien n'a entamé succombe à la moindre atteinte; mais quand on doit se battre contre les difficultés incessantes, on s'aguerrit dans l'épreuve, on résiste à n'importe quels maux, et même si l'on trébuche, on lutte encore à genoux." Comme dirait Bénabar, bien le bonjour Msieurs, Dames!

            Il a été invité dans notre lycée et j’ai assisté à la rencontre. Très charismatique! Je pouvais l’écouter parler pendant des heures 🙂

            • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

              Wow quelle chance ! Un très grand monsieur, et qui est resté humble

              • lebouquinivre – Jeune femme de 26 ans, aimant la Vie (avec un grand "V"!) avec à la fois ferveur et abandon. Aux multiples facettes. Passionnée par les arts sous toutes leurs formes, je voue un culte à MUSE et à la musique, à Thilliez et aux bouquins, à Rimbaud et à sa prose, à Tom Hanks et au ciné... Une autre partie de moi idolâtre le FC Nantes et le football. Un bout de moi est implacable dans ses combats. Engagement et solidarité. Le cancer ne devrait pas exister, encore moins chez les enfants. D'ailleurs, je vous invite à soutenir "Imagine For Margo". Et Tom évidemment. Et enfin, comme le dit Sénèque: "Un bonheur que rien n'a entamé succombe à la moindre atteinte; mais quand on doit se battre contre les difficultés incessantes, on s'aguerrit dans l'épreuve, on résiste à n'importe quels maux, et même si l'on trébuche, on lutte encore à genoux." Comme dirait Bénabar, bien le bonjour Msieurs, Dames!

                En effet! Quelle chance! C’était un superbe moment, et j’ai le souvenir d’un Monsieur très abordable et humble comme tu le soulignes

  3. La culture dans tous ses états – Bonjour, je m’appelle Frédéric et je vous souhaite la bienvenue sur le blog «La culture dans tous ses états» ! Comme vous pourrez le voir en visitant ce blog, je suis un passionné de littérature sous toutes ses formes, d’histoire mais également de cinéma et de séries, de musique.. Le blog «La culture dans tous ses états ! » est présent sur WordPress depuis 10 ans déjà.. Vous pouvez me contacter à l’adresse suivante : wathever1@orange.fr Au plaisir de vous lire ! 😊☀️ Agréable visite à toutes et à tous !

    Je rejoins Gwen pour souligner la beauté de la couverture. Sélectionné pour le prix Nébula en plus.. 🙂

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      deux bonnes raisons supplémentaires de craquer 😉

      • La culture dans tous ses états – Bonjour, je m’appelle Frédéric et je vous souhaite la bienvenue sur le blog «La culture dans tous ses états» ! Comme vous pourrez le voir en visitant ce blog, je suis un passionné de littérature sous toutes ses formes, d’histoire mais également de cinéma et de séries, de musique.. Le blog «La culture dans tous ses états ! » est présent sur WordPress depuis 10 ans déjà.. Vous pouvez me contacter à l’adresse suivante : wathever1@orange.fr Au plaisir de vous lire ! 😊☀️ Agréable visite à toutes et à tous !

        c’est clair 😉 bon weekend Yvan !

        • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

          bon WE !

  4. Lord Arsenik – Noumea - Nelle-Calédonie

    Il m’a fait de l’oeil du coup je l’ai pris, mais pas encore eu le temps de me pencher sur la question.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      je suis certain que tu vas apprécier !

Rétroliens

  1. La cité de l’orque est un roman aussi divertissant que poussant à la réflexion. Sans oublier ce qui, pour moi, est essentiel dans un récit, l’aspect humain. - Albin Michel Imaginaire

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