Mon nom dans le noir – Jocelyn Nicole Johnson

Ce roman n’est pas vraiment celui que vous croyez, celui que j’imaginais. Mon nom dans le noir nous plonge effectivement dans un avenir très proche, mais c’est davantage un prétexte qu’une idée maîtresse pour Jocelyn Nicole Johnson.

Des émeutes ravagent les États-Unis, plus désunis que jamais. Une situation visiblement hors de contrôle, dont l’envahissement récent du Capitole n’était que les prémisses. Des Blancs veulent retrouver « leur place », par la force. Par la terreur, la destruction. Le pire de l’Homme à l’œuvre.

Rescapés

Ce roman qui s’annonçait d’anticipation, apocalyptique voire dystopique, se révèle différent. Cet environnement restera paradoxalement en arrière-plan durant une bonne partie du récit.

Il va se focaliser sur un petit groupe de rescapés, suite à la destruction de leur quartier, qui va se réfugier dans un lieu historique, sur les hauteurs de Charlottesville, dans l’ancienne maison de Thomas Jefferson devenue musée. Des personnes de toutes origines, qui vont devoir s’entendre, se comprendre, s’écouter, entrer en symbiose pour créer leur petit monde loin des tumultes (qui ne sont pourtant pas bien éloignés).

Réminiscences du passé

Les réminiscences du passé prennent toutes leurs places dans cette histoire, racontée avec un ton plus pondéré et distancié que ce qu’on pourrait imaginer dans une telle situation.

Le roman est très court, deux cents pages à peine, peu d’action, peu de situations fortes, l’autrice se focalise sur son groupe de personnages, sur leurs interactions.

La question raciale comme la condition sociale sont au centre. Et sur la notion de résistance. Le lieu n’y est pas étranger. Da’Naisha Love est une jeune femme noire qui est chez elle, d’une certaine manière ; vous comprendrez pourquoi en lisant le livre.

Autre voie

Thomas Jefferson était un président qui a beaucoup réfléchi sur l’esclavage dans les années 1700, s’est beaucoup interrogé, entouré de ses propres esclaves. Il disait à l’époque que les communautés blanches et noires étaient irréconciliables. Certains tendent depuis à lui donner raison, dramatiquement.

Sauf que Da’Naisha refuse cet état de fait et va travailler à construire une communauté un peu utopique dans ce lieu musée, entourée de vestiges d’un passé où les personnes de couleur étaient traitées comme des inférieurs. Et l’autrice raconte joliment qu’une autre voie est possible, même dans un monde crépusculaire.

Court

Le roman est assez étrange, il ne se passe vraiment pas grand-chose, la majorité du texte racontant le quotidien de ce groupe, et sa découverte de la maison et de la plantation de Jefferson.

J’aurais vraiment aimé davantage de développements, que le récit reste moins à la surface des choses concernant le monde décrit. Mais ce qu’il raconte du monde passé est riche d’enseignements.

Mon nom dans le noir est un roman porté par ses personnages du quotidien, Jocelyn Nicole Johnson faisant le choix de les raconter plutôt que le monde qui se déchire. C’est son originalité.

Yvan Fauth

Sortie : 03 janvier 2024

Éditeur : Albin Michel

Genre : Roman noir / Anticipation

Traduction : Sika Fakambi

Prix : 20,90 €

4ème de couverture

Alors que l’Amérique est en proie au chaos, aux catastrophes climatiques et à des pannes massives, le quartier de First Street, à Charlottesville (Virginie), est attaqué par des suprémacistes blancs. Un petit groupe hétéroclite parvient à fuir les enragés à bord d’un bus abandonné.

Avec à sa tête une jeune femme noire, Da’Naisha Love, il trouve refuge à Monticello, la plantation historique de Thomas Jefferson, une terre désertée de tous, sauf de ses fantômes.

Malgré la violence alentour, la vie s’organise au coeur de cette petite communauté naissante, par-delà les barrières sociales et raciales. Mais après dix-neuf jours d’une paix fragile, la terreur se rapproche. Da’Naisha glisse alors le récit de leurs journées de lutte entre les pages d’un livre de la bibliothèque…

S’inspirant des émeutes de Charlottesville et de l’assaut du Capitole, Jocelyn Nicole Johnson porte un regard lucide sur notre époque troublée. La fulgurance de sa narration donne à ce livre la puissance d’une prophétie politique.



Catégories :Littérature

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13 réponses

  1. Aude Bouquine – « Lire c’est pouvoir se glisser sous différentes peaux et vivre plusieurs vies. » Ici, je lis, je rêve, je parle de mes émotions de lectures, avec des mots. Le plus objectivement possible. Honnêtement, avec respect. Poussez la porte. Soyez les bienvenus dans mon univers littéraire.

    Très intriguée par ce roman…

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      qu’en partie convaincu de mon côté, j’attendais autre chose, mais il est enrichissant sur ses thèmes

  2. Ludivine – Franche-Comté, France – Lectrice curieuse, je partage mes découvertes de romans et bandes dessinées sur Vingt et une pages, un blog littéraire et décontracté ! ☕🍃

    J’ai justement lu la chronique chez « Le nocher des livres » à propos de ce roman il y a quelques jours et son avis m’a bien tenté. Tu sembles un peu plus sur la réserve de ton côté, peut être a cause du fait que la partie post apocalypse semble faire plus partie du décor que de l’intrigue elle-même. En tout cas je te remercie pour ton avis !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Je suis un peu partagé oui, davantage parce qu’il ne se passe pas grand chose. Mais certains passages sont touchants

      • Ludivine – Franche-Comté, France – Lectrice curieuse, je partage mes découvertes de romans et bandes dessinées sur Vingt et une pages, un blog littéraire et décontracté ! ☕🍃

        A voir donc, je le garde en tête on ne sait jamais 😉

  3. Si tu es à moitié convaincu, j’attendrai en poche. Merci à toi pour la chronique 🙏 😘

  4. C’est vrai qu’il ne se passe pas grand chose, mais j’ai trouvé les liens entre les personnages très forts. Et cela m’a suffisamment touché pour passer outre ce manque d’action.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      comme toi, j’ai aimé les personnages et leurs interactions. Mais il m’a personnellement manqué des « péripéties », pour donner du sel à l’histoire.

  5. Collectif Polar : chronique de nuit – Simple bibliothécaire férue de toutes les littératures policières et de l'imaginaire.

    Merci pour la découverte….

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Avec plaisir 🙂

Rétroliens

  1. Mon nom dans le noir, Jocelyn Nicole JOHNSON – Le nocher des livres
  2. Mon nom dans le noir, Jocelyn Nicole Johnson – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

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