Aux quatre vents – Amélie Antoine

L‘image est visuellement forte. Des maisons éventrées les unes après les autres, un village qui devient peu à peu fantôme avec ses bâtisses livrées Aux quatre vents. Une image, comme une idée maîtresse, offerte par le dessinateur Jack Koch.

Des habitants médusés, pour la plupart vivant en ces lieux depuis des décennies, qui ne comprennent pas ce qui arrive, et pourquoi un mystérieux personnage achète presque tout ce qu’il peut pour ensuite retirer portes et fenêtres.

Ambivalente humanité

Amélie Antoine a toujours fait preuve d’une sensibilité à fleur de peau, quelle que soit l’onde portée, dans l’ombre ou la lumière. Après plusieurs romans noirs, elle s’est aussi frottée à des histoires plus “positives”.

Ce nouveau roman est pétri d’humanité, dans ce qu’elle a de plus fort, mais aussi de plus ambivalent. Attendez-vous à ressentir une foultitude d’émotions. Un large panel, qui touche nombre de cordes sensibles.

Un récit parsemé de moments de grâce mais aussi de beaucoup de déchirures. Au plus près des vies de quelques-uns des personnages, qu’un pan terrible du siècle dernier a totalement chamboulé.

Il faut dire que tout prend racine durant l’occupation allemande, dans les années quarante. Des événements qui remettront subitement en désordre les affaires d’un village entier dans le « présent » du livre, en 1985.

Secrets de famille

De nombreuses vies se sont construites sur des fondations friables, en mettant le passé sous le tapis. Sauf, qu’à ne pas balayer devant sa porte, la poussière du passé remonte à la surface un jour ou l’autre. Parfois brutalement.

J’ai retrouvé çà et là le ton et l’émotivité du roman d’Amélie Antoine qui m’avait le plus touché à ce jour, Quand on a que l’humour rebaptisé en poche Les silences. Tiens oui, le silence, assourdissant, voilà bien un des thèmes de cette histoire-là.

Celui qui tait un secret de famille, celui qui tente de dissimuler des actes lourds de conséquences. Les anciens savent, les plus jeunes vont voir les mémoires se réveiller. Au forceps.

Amélie Antoine joue sur deux temps de narration, durant la seconde guerre mondiale et dans les années 80. L’alternance permet de bien comprendre le drame qui va troubler tout ce village où tout le monde se connaît, et ébranler nombre d’existences.

Conséquences

L’écrivaine fait preuve d’une touchante subtilité, d’une jolie délicatesse, pour raconter cette histoire difficile. Son ton est toujours juste, malgré un sujet sensible.

En décrivant, au plus près des émotions, les conséquences des actes individuels ou collectifs, où rien n’est jamais tout à fait noir ou blanc, elle creuse les failles avec une humanité poignante.

Certaines scènes sont déchirantes, dont une tout particulièrement qui me restera longtemps en mémoire. Comment ne pas être touché au plus profond par ces personnages aux destins bousculés.

L’autrice nous emporte littéralement au fil des chapitres qu’on suit parfois la gorge serrée. Menés avec un vrai (bon) sens narratif, sans tomber dans la facilité, à l’image de la fin que j’ai trouvé bien vue.

Aux quatre vents est un roman qui touche au cœur, avec une Amélie Antoine qui comble les vides de ces histoires personnelles et collectives avec une généreuse et vibrante humanité.

Lien vers l’interview d’Amélie Antoine au sujet de “Aux quatre vents”

Yvan Fauth

Sortie : 13 octobre 2022

Éditeur : XO

Genre : Fiction

4ème de couverture

On dit que chaque famille a ses secrets. C’est encore plus vrai en temps de guerre…
1985, Sabran-sur-la-Lys. Un paisible petit village du nord de la France où tout le monde se connaît, depuis toujours. Un petit village où tout se sait. Et où, surtout, rien ne s’oublie.
Après avoir fait l’acquisition du château, un mystérieux personnage achète maison sur maison. De lui, on ne connaît que le nom : Clément de Clercq. Un matin, les villageois découvrent avec effroi que les portes et les fenêtres de toutes ces demeures ont été retirées. Les habitations sont ouvertes aux quatre vents, abandonnées, défigurées.
Bouleversée, une jeune femme, Léa, décide de tout faire pour sauver le village de son enfance. Il lui faudra alors fouiller dans les mémoires jusqu’à plonger au cœur d’un passé qu’aucun habitant n’a envie de revivre…
Aux quatre vents est l’histoire fascinante d’un homme qui, sans même en avoir conscience, se lance dans une quête éperdue d’identité. Car qui est-on quand on ignore d’où l’on vient ?



Catégories :Littérature

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9 réponses

  1. Nath - Mes Lectures du Dimanche – Livres, ongles & Rock 'n Roll

    Pas tout à fait mon style de prédilection, mais Amélie Antoine fait partie de ces auteurs capables de me faire volontairement sortir de ma zone de confort !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      elle sait écrire du noir ou du moins noir, mais toujours au plus près des émotions

  2. J’ai rencontré Amélie Antoine lors d’un salon, une femme d’une gentillesse incroyable, à l’époque elle me dédicaçait justement ” quand on a que l’humour “. Une belle leçon de vie.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Tu devrais donc aimer aussi cette autre leçon de vie

  3. Aude Bouquine – « Lire c’est pouvoir se glisser sous différentes peaux et vivre plusieurs vies. » Ici, je lis, je rêve, je parle de mes émotions de lectures, avec des mots. Le plus objectivement possible. Honnêtement, avec respect. Poussez la porte. Soyez les bienvenus dans mon univers littéraire.

    Chronique sublime qui fait rejaillir toutes les émotions de ce livre fabuleux. Il faut tout lire d’Amélie, sa sensibilité extrême fait naître toutes sortes d’émotion fortes qui terrassent tout sur leur passage.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Oui elle a ce talent-là !

  4. Dans ma pal suite à la chronique de Aude. Merci à toi pour ta chronique Yvan. 🙏😘

Rétroliens

  1. Interview – 1 livre en 5 questions : Aux quatre vents - Amélie Antoine - EmOtionS - Blog littéraire
  2. Les coups de cœur de 43 écrivains : leurs bonnes idées de lecture - Partie 1/2 - EmOtionS - Blog littéraire

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