1 livre et 5 questions à son auteur, pour lui permettre de présenter son œuvre
5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger
NIKO TACKIAN
Titre : Respire
Editeur : Calmann-Lévy
Sortie : 05 janvier 2022
Ton nouveau roman est atypique, pas vraiment un polar, mais assurément un suspense…
Tous les ans c’est le challenge d’écrire un roman qui soit à la fois une bonne histoire, et quelque chose que je n’ai pas déjà fait. D’abord parce que mon public pourrait se lasser, mais surtout, car sinon, je vais rapidement perdre le goût de l’écrire cette histoire. Cette année j’ai donc décidé de me concentrer sur un récit mélangeant le thriller, le roman d’aventure et un petit côté « jeu de piste » que j’aime bien.
En fait, vu de l’extérieur, on peut avoir l’impression que c’est une sorte de pas de côté. Mais en réalité, avant d’écrire des romans policiers ou des thrillers, avant de créer des séries polars pour la télévision, j’ai publié une trentaine d’albums de BD dans des univers très différents. J’ai bossé pour le jeu vidéo et le cinéma avec des formes de narration, des thématiques, des obsessions différentes de celles de mon métier de romancier. Alors pour moi Respire est plus une sorte de retour à la maison.
J’y ai mis mon savoir-faire de technicien du thriller (d’où le suspens et la tension), mais aussi mes délires de raconteur d’histoire au sens large. Avec en plus une pointe de littérature pour ce qui est des hommages rendus aux nombreux passeurs d’histoires dont j’ai croisé le chemin depuis le début de ma carrière. Donc oui, il est atypique, mais il me correspond merveilleusement bien.
Ça commence comme une quête désespérée du bonheur pour vite tourner à l’intrigue paranoïaque…
Oui. Ça commence par une personne qui désire quitter sa vie pour trouver le bonheur. Je pense que nous sommes nombreux à y avoir pensé. La période y est particulièrement propice avec cette sorte d’Apocalypse molle que nous vivons depuis deux ans. Mais le problème quand on part pour fuir quelque chose c’est qu’on l’emmène souvent dans nos bagages avec nous. Et puis dans le cas de ce pauvre Yohan, il faut bien avouer qu’il n’a pas choisi la bonne destination pour trouver la sérénité qu’il cherchait.
Généralement lorsqu’on part, au début, ça se passe bien. On est dépaysé, on profite des attraits de la nouveauté, on s’imagine un être nouveau capable de tout. Mais à un moment, la réalité — tu sais cette saloperie qui t’attend pour te mettre des coups de fourchette dans les yeux, et bien elle finit toujours par apparaître, par fissurer le tissu fragile de tes illusions. Est-ce que le paradis existe ? Je ne sais pas. Par contre pour ce qui est de l’enfer… j’ai une petite idée.
L’action se passe en plein air, et pourtant on a vite la respiration coupée, en ressentant un sentiment d’enfermement…
Le huis clos en plein air, c’est quelque chose que j’affectionne. Ça peut paraître rassurant de s’entourer de beaucoup d’espace pour masquer ses angoisses et ses peurs. De se plonger dans la nature, de se noyer dans l’illusion d’un paysage de carte postale. Mais au final, lorsque la nuit tombe et que la lumière disparaît, on se retrouve toujours seul face à soi même et aux autres. Le paradoxe de Respire c’est de vous offrir le grand air et de vous en priver aussitôt. C’est vrai qu’il faut mieux prendre une bonne inspiration avant de l’ouvrir.
Ton livre est aussi l’occasion de rendre hommage à quelques classiques de la littérature…
Absolument. Depuis que je prends de l’âge en écriture, depuis que j’avance sur le chemin des mots et des idées avec une application d’artisan, et bien je prends de plus en plus conscience du talent et de la passion de mes pairs. On sait qu’il existe une connexion entre l’écrivain et son lecteur. Phénomène rendu possible par la magie des mots évoquant des images communes. Mais il existe aussi une filiation invisible entre les écrivains.
En lisant leurs œuvres, je me sens connecté à un homme ou une femme qui me ressemble. Je peux décrypter le long processus cérébral qui fait naître une idée dans une cellule du cerveau, qui lui donne le statut d’obsession et vous pousse à y penser, encore et encore, jusqu’à ce qu’elle se cache au sein d’une histoire. Et constater cette filiation me touche particulièrement, m’émeut même aux larmes. J’ai le sentiment, en lisant certains auteurs, de les comprendre, de les voir comme ils sont vraiment, au plus profond de leur personnalité. Il y a quelque chose de fraternel au sens presque mystique du terme. Une fraternité humaine, essentielle.
Pour construire ton île imaginaire, personnage à part entière, tu t’es inspiré d’endroits bien réels. Est-ce devenu important pour toi pour donner vie à l’environnement ?
Dans le cas de Respire je suis allé encore plus loin. J’ai créé cette île sur le papier, en la dessinant sous forme de carte (imprimée dans le roman d’ailleurs). Ensuite j’ai meublé les différents lieux de mes souvenirs, comme un patchwork. Enfin, je suis allé dans un endroit qui m’évoquait l’idée de l’île. Cet endroit se situe en France, dans les landes. C’est un lieu qui m’a donné beaucoup de bonheur, d’une manière très intime. J’ai donc pensé que ce serait l’endroit rêvé pour que mon personnage tente d’y trouver le sien. Malheureusement, il est un personnage et je suis son bourreau.
Mais oui, partir de l’imaginaire pour tendre à la réalité est devenu important pour moi. En fait chaque livre est un voyage au sens propre et figuré. Il faut comprendre qu’écrire un livre devient un mode de vie. Alors, autant essayer de quitter quelquefois sa chaise pour voir le monde. Généralement il vous le rend bien.
Catégories :Interviews littéraires
C’est ma lecture en cours 😊
Bon voyage ! Sans retour ? 🙂
Vu l’auteur, c’est assez probable ! 😄
Très éclairant ! Huis clos en plein air comme dans le Pete Fromm 😉
dans un genre très différent, mais oui c’est le paradoxe de cette intrigue
Effectivement ce Respire diffère ses derniers opus de Niko Tackian. Merci pour les conections littéraires, cela fait un bien fou. Peut-être aussi une métaphore du confinement à domicile 😋
comme quoi, on peut se sentir enfermé de bien des manières 😉
J’ai adoré ce livre qui effectivement pour moi est un huis clos en plein air mais au delà de l’intrigue polar, on tombe dans le fantastique comme dans les premiers livres de Tackian et j’ai adoré ce “mélange ” . En même temps je trouve que sa plume est plus maîtrisée. Petit bemol 😊 il se lit trop vite
Plus c’est inclassable, plus ça me plait. C’est vraiment ce que je recherche actuellement