Il est de ces livres qui vous chamboulent et vous font écarquiller de grands yeux, le cœur battant la chamade. Il est de ces histoires qui vous heurtent et vous touchent au plus profond. Il est de ces écritures qui trouvent un ton, une parole unique. Il est de ces récits rares, à la fois héritiers des meilleurs romans noirs et OVNI inclassables.
Obscurité et lumière
Il ne fait pas bon naître dans la maison en haut de la colline aux loups. La loterie de la vie n’a pas d’état d’âme, elle ne donne clairement pas les mêmes chances à tous. Les enfants de cette famille-là tiennent davantage de bêtes sauvages.
Enfermés dans cette maison, dans le nid, collés les uns aux autres, ils ne découvriront leur condition d’humains que sur le tard.
Le démon de la colline aux loups est l’histoire d’un de ces gamins devenu homme, qu’il écrit depuis le fond d’une cellule. Récit d’un parcours qui l’a emmené inexorablement vers sa perte. Une vie née dans les ténèbres, vécue tout autant à se brûler à leurs côtés.
Et pourtant… Ce livre n’est pas qu’une expédition dans l’obscurité, il y a de la lumière. Une certaine lueur, qui vacille sans cesse, mais qui brille à travers les mots du personnage.
Explose à la gueule
En terme « d’éducation » et d’écriture, le narrateur à une manière bien à lui de raconter, un parlement très personnel. C’est ce qui frappe dès les premières pages, cette écriture atypique qui joue avec les mots et la ponctuation.
Il faut quelques lignes pour s’adapter, mais ensuite c’est un bonheur des sens, malgré la noirceur du propos. Oui, cette plume est sublime, faussement naïve, déstructurée, pour aller au plus près de l’émotion.
Et de l’émotion, vous allez en ressentir beaucoup, violente, extrême. Entre compassion et empathie, le récit de cet homme et de sa descente annoncée aux enfers, vous fera imploser le cœur.
Des tranches de vie comme autant d’images qui vous explosent littéralement à la gueule, à suivre l’itinéraire de cet homme. Du sortir d’une épouvantable enfance à l’entrée dans le monde, qui aurait pu être synonyme de liberté mais qui est source de dangers quand on n’est pas préparé.
Analogies et singularité
Les thématiques abordées ne sont pas neuves, intemporelles, entre cette qualification du Mal, le conditionnement, la culpabilité, l’hérédité…
J’ai pensé à plusieurs romans inoubliables et à des univers d’auteurs hors norme. Entre le côté initiatique Des fleurs pour Algernon de Daniel Keyes, la manière d’inventer une écriture et un univers d’enfermement de Room d’Emma Donoghue, la terre noire de Maud Mayeras (dont son dernier roman Les monstres) et même la manière de raconter d’un R.J. Ellory dans Papillon de nuit (pour le côté carcéral). Des analogies de romans inoubliables que je cite pour insister sur la qualité exceptionnelle de ce texte, car il a sa propre singularité.
Lutte intérieure
Le souffle du démon, dans le cou du personnage, ne lui laisse que peu de chance de vaincre sa lutte intérieure. De sauvage à sauvagerie, il n’y a que quelques lettres de différence, et pourtant tout un monde.
L’immense force de ce roman intimiste est son côté faussement naïf. L’ingénuité du personnage dans ses propos est vite remplacée par une grande profondeur de réflexions. Une capacité à prendre du recul sur soi, toujours à tenter de comprendre. Ce conflit intérieur incessant est source d’une introspection que peu de personnes plus éduquées seraient capable de réaliser.
Les ténèbres sont plus forts que tout, mais n’éteindront jamais complètement la flamme qui brûle en dedans.
Le démon de la colline aux loups est un roman noir qui marque de manière indélébile. Dimitri Rouchon-Borie a su trouver sa propre voix pour décrire, avec une empathie inouïe, les tourments de son personnage. Un texte dur, sombre, diaphane, immensément brillant.
Yvan Fauth
Date de sortie : 07 janvier 2021
Éditeur : Le Tripode
Genre : Roman noir
4° de couverture
Un homme se retrouve en prison. Brutalisé dans sa mémoire et dans sa chair, il décide avant de mourir de nous livrer le récit de son destin.
Écrit dans un élan vertigineux, porté par une langue aussi fulgurante que bienveillante, Le Démon de la Colline aux Loups raconte un être, son enfance perdue, sa vie emplie de violence, de douleur et de rage, d’amour et de passion, de moments de lumière… Il dit sa solitude, immense, la condition humaine.
Catégories :Littérature
J’ai énormément aimé Duke et la façon dont nous racontecson histoire 🥰
oh oui, c’est un personnage qui marque !
On ne va pas l’oublier, Duke !
Quelle magnifique chronique. Tu as touché de très près quelque chose que j’ai pas réussi à formuler,mais tellement juste : « Ce conflit intérieur incessant est source d’une introspection que peu de personnes plus éduquées seraient capable de réaliser. » j’en ai des frissons…
Ça me touche merci 😉. Si j’ai pu trouver les mots, je suis heureux, ce n’était pas si facile
Je vais me laisser tenter !
Bonne immersion dans le noir, alors
Wooowwww c’te chronique. Il est déjà sur ma whislist grâce à ma Complice Anne Sophie. Merci Yvan 🙏😘
Merci c’est gentil ! Oui oui il faut écouter Anne-Sophie 😉
Je l’ai fini hier soir, sur tes conseils, ceux d’Anne Sophie et ceux de Bénédicte. Un “olni” je dirais même. Duke❤️ m’a fracassé le cœur. Son parlement va me manquer. Mais quel roman. Je dis chapeau bas. Et merci à tous les trois pour vos conseils lecture. 🙏😘
Ah bienvenue au club !
Merci Yvan 🙏
Ce roman a brisé mon cœur en morceaux. Une lecture inoubliable.
il y a de quoi… Mais oui il marque pour longtemps
Tu en fais un très beau retour. Bravo Yvan.
merci 😉
Oh, j’avais quelques jours d’avance sur toi ?? Une première 😆 Ce roman était touchant, j’ai failli pleurer quand j’ai lu que le gamin donnait les crayons de couleurs à sa maîtresse d’école car il ne savait pas ce qu’on pouvait faire avec. Là, tu fermes le livres quelques minutes et tu respires lentement…
Un récit bouleversant et en effet, l’écriture a beau être naïve comme le personnage, il y a de la profondeur dedans, des vérités, des intelligences.
Magnifique roman noir. <3
C’est quand même pas la première fois 😉.
Il y a beaucoup de scènes touchantes dans ce livre, celle que tu cites en fait clairement partie… Oui on pose souvent le livre pour respirer