L’enfant de la prochaine aurore – Louise Erdrich

Avec un tel sujet et une telle ambiance, la plupart des écrivains auraient sans doute pris une même direction. A l’opposé de celle choisie par Louise Erdrich.

Posons les éléments principaux : une société américaine qui tend subitement vers le totalitarisme religieux, les femmes enceintes devenant l’enjeu principal du fait d’une brutale catastrophe écologique et humaine. L’Homme régresse brusquement, au sens propre comme au figuré.

Croyances heurtées

Tous les ingrédients des romans apocalyptiques. Sauf que le roman d’Erdrich est construit sur un parti pris osé. Elle se focalise sur les personnages, sur sa protagoniste principale qui attend un enfant, en ne faisant qu’ébaucher les contours de tous ces chamboulements. Le lecteur se retrouve donc à devoir faire fonctionner son imagination pour replacer / inventer le contexte.

Il est impossible de ne pas faire le parallèle avec La servante écarlate de Margaret Atwood. C’est justifié dans le sens où il est question de la valeur des bébés au sein d’une société oppressive, et l’attention portée sur l’écriture rapproche aussi les deux autrices. Pour le reste, les deux histoires sont vraiment différentes.

Il faut croire que l’arrêt subit de l’évolution exponentielle de l’Homme est une thématique qui stimule nombre d’auteurs ces derniers temps. Le fait que l’action se déroule aux États-Unis renforce l’impact de cette idée, avec des pensées créationnistes ancrées dans l’esprit de nombre d’Américains. Ce qui se déroule dans la société imaginée par l’écrivaine heurte toutes les croyances, scientifiques et religieuses.

Journal intime

Je suis un lecteur passionné de ce genre d’atmosphère et d’intrigues. Du coup, le choix narratif aurait pu me frustrer. C’est tout le contraire qui s’est passé.

Le récit se centre sur une jeune femme qui doit gérer sa grossesse dans des conditions exceptionnelles. Mais aussi sur sa quête d’identité, pour comprendre ses origines indiennes, elle qui a été abandonnée à la naissance. Le livre est donc écrit à la manière d’un journal intime.

Certains trouveront qu’il manque de descriptions concernant cet effondrement démocratique. Mais de parler au premier chef de ce personnage et de ses ressentis fait que le roman est justement destiné à être lu par le plus grand nombre. Et place l’humanité intime au centre de l’intérêt.

C’est un livre de femmes, mais ne pensez pas qu’il ne touchera que les femmes, j’en suis la preuve. Ce roman tout en sensibilité affectera tous ceux pour qui la notion d’humanité compte, ceux qui ressentent avec compassion.

Subtil

Le tout est sublimé par une plume subtile, poétique, travaillée et toujours au plus près des émotions. Elle sert, en tout cas, un récit qui est un cri d’amour autant que d’alerte. Et qui montre qu’on peut raconter une histoire engagée sans surjouer sur le catastrophisme, en se positionnant du coté de l’humain.

Les choix de l’auteure font réfléchir, touchent, et L’enfant de la prochaine aurore sait combiner passages lumineux et noirceur. Jusqu’à un final à l’image du livre, tout en subtilité.

S’il fallait vraiment vouloir rapprocher Margaret Atwood et Louise Erdrich, ce serait pour confirmer qu’elles sont deux écrivaines au talent immense, engagées autant dans les sujets qu’elles traitent que dans la profondeur de leurs écritures respectives. Profondément singulières.

Yvan Fauth

Date de sortie : 06 janvier 2021

Éditeur : Albin Michel

Genre : Fiction / Anticipation

Traduction : Isabelle Reinharez

4° de couverture

Notre monde touche à sa fin. Dans le sillage d’une apocalypse biologique, l’évolution des espèces s’est brutalement arrêtée, et les États-Unis sont désormais sous la coupe d’un gouvernement religieux et totalitaire qui impose aux femmes enceintes de se signaler. C’est dans ce contexte que Cedar Hawk Songmaker, une jeune Indienne adoptée à la naissance par un couple de Blancs de Minneapolis, apprend qu’elle attend un enfant. Déterminée à protéger son bébé coûte que coûte, elle se lance dans une fuite éperdue, espérant trouver un lieu sûr où se réfugier. Se sachant menacée, elle se lance dans une fuite éperdue, déterminée à protéger son bébé coûte que coûte.



Catégories :Littérature

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6 réponses

  1. Aude Bouquine – « Lire c’est pouvoir se glisser sous différentes peaux et vivre plusieurs vies. » Ici, je lis, je rêve, je parle de mes émotions de lectures, avec des mots. Le plus objectivement possible. Honnêtement, avec respect. Poussez la porte. Soyez les bienvenus dans mon univers littéraire.

    Totale découverte de cette auteur pour moi, elle a pourtant écrit de nombreux livres. Petite frustration à la lecture concernant le manque d’explications de cette nouvelle ère, mais avec le recul ce n’est effectivement pas le sujet. Très jolie chronique, sensible, comme toi ❤️

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      On l’a lu un peu différemment, mais au final il nous reste sans doute les mêmes émotions 😉. Merci

  2. A lire pour pleins de raisons 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Exactement 😉

  3. Une auteure que je trouve très talentueuse.Merci pour cette chronique .Le livre était déjà inscrit sur ma liste pour un prochain achat et cela confirme mon choix.

  4. Et encore une chronique qui me renverse. Je vais finir par te lire attachée, Yvan, pour éviter les chutes. Merci à toi 🙏😘

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