Interview – 1 livre en 5 questions : Nuuk – Mo Malø

1 livre et 5 questions pour permettre à son auteur de présenter son œuvre

5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger

Mo Malø

Titre : Nuuk

Sortie : 28 mai 2020

Éditeur : La Martinière

Lien vers ma chronique du roman

Après avoir parlé de la situation énergétique et politique du pays, de la dégradation de l’environnement, ce roman-là est tourné vers les traditions groenlandaises..

Oui, comme j’ai eu entre temps la chance de me rendre (enfin !) sur place, il me tenait à cœur de donner un reflet du pays encore plus en prise avec sa population, ses racines, et la manière dont celles-ci rejaillissent dans les préoccupations sociales actuelles.

Comme tu ne fais jamais les choses comme les autres, tu développes paradoxalement cette thématique à travers la jeunesse du pays (et son mal-être)…

Parce que c’est justement le désarroi de la jeunesse qui est un bon baromètre de la persistance ou non des traditions. Et, en retour, c’est bien souvent une rereconnexion à ces traditions qui les sauve de la déshérence et de la difficulté extrême qu’il y a à trouver sa place dans ce pays.

Sur place, j’ai pu moi-même observer à quel point ils sont constamment tiraillés entre la modernité et leur passé. Parfois dans un mélange des deux assez étrange. Et non sans heurts. D’ailleurs, j’ai tenté de monter récemment un événement avec certains artistes groenlandais et je me suis confronté à beaucoup de résistances, car ils voyaient d’un assez mauvais œil que ce soit un Européen qui prenne une initiative pour parler de leur culture ancestrale. Et à côté de ça, ils sont tous ultra-connectés. Parfois à l’excès, privilégiant presque le médium sur le fond.

Concernant l’intrigue, elle est noire, profondément malsaine et diablement retors…

J’avoue que j’ai hésité à échafauder une intrigue aussi noire. Non pas qu’elle ne soit pas réaliste. Tout ce que je dis à propos des jeunes, de ce foyer et du taux de suicide est 100% exact. Mais je sais que les Groenlandais en ont un peu assez qu’on renvoie une image aussi sombre de leur société et de leur jeunesse. Ils ont eux-mêmes parfois tellement de mal à se voir un avenir, que cela les agace un peu que les étrangers projettent sur une vision peu reluisante de leur société. Mais bon, je ne prétends pas être documentariste, je ne suis que romancier, donc j’espère qu’ils me pardonneront la liberté que j’ai prise avec leur réalité, évidemment toujours plus complexe que ce que veut bien en dire la fiction.

Qaanaaq Adriensen n’est pas du genre facile à apprivoiser. Mais avec ce troisième tome, on le touche davantage du doigt…

Parce que l’intrigue le renvoie plus que jamais à ses failles, ses doutes, ses interrogations, et sa propre histoire familiale. ( !!! Attention, spoil !!!) Y compris celle qu’il est en train de fonder. À force de passer du temps avec lui, sans doute que moi aussi je le cerne mieux. Il fait désormais partie de ma vie, presque de ma famille. Il m’arrive souvent de penser à lui, de me demander ce qu’il pourrait être en train de faire, ou ce que nous nous dirions si on se croisait. Une sorte de frère qui vivrait à Nuuk.

Ton séjour récent sur place a t-il changé ta manière de raconter ce pays et ses habitants ?

De toute évidence, oui. J’avais une image assez fidèle du pays avant, grâce à ma documentation et mes contacts sur place ou les spécialistes du pays que j’avais consultés. Mais le fait d’y aller, même s’il ne change pas tout, affine incroyablement la perception qu’on en a. C’est un pays qui semble tout plat, tout blanc, tout simple et sans histoire. Alors qu’à tous points de vue, il est d’une extrême richesse et d’une incroyable complexité. Il ne faut pas oublier que le Groenland vit encore comme une « colonie » danoise, malgré son autonomie relative. C’est désormais le cas de très peu de pays à travers le monde. Et forcément, cela rend sa société et la vie sur place très particulières, pleine de tensions souterraines et de non-dits.

Sans parler évidemment de ce climat hors-norme, qui conditionne tant de choses dans la vie quotidienne. Sur place, je me suis retrouvé bloqué deux fois deux jours, à cause de la météo. Si je n’y étais pas allé, sans doute n’aurais-je jamais mesuré à quel point cela est banal dans le contexte groenlandais. Et mille autres petits détails de ce genre.

Crédit Photo : Steven Boutillier



Catégories :Interviews littéraires

Tags:, , , , ,

3 réponses

  1. brindille33 – J'aime la nature, les livres, romans, polars, la photo, la musique, cinéphile, les documentaires, autodidacte. Et l'informatique depuis sa naissance, où j'ai tout appris toute seule.

    J’ai mis les trois livres dans ma liste. Merci pour cet interview qui corrobore les propos tenus par les habitants, dans des documentaires vus sur Arte. Je constate pourtant qu’au départ et pas que dans cette région que les jeunes souhaitent aller à la rencontre de la culture de type Américaine et d’autres qui veulent à tout prix garder leur culture, la conserver, langues, rites des différents peuples et souhaitent conserver à tout prix ce qui leur reste de leurs ancêtres et d’une transmission orale qu’ils ont peur de voir disparaître. Et ils ont bien raison.
    Je ne pense pas que cela soit un seul humain différent d’eux dont ils ont peur mais de l’obligation de voir opérer de grandes mutations à cause des changements climatiques. L’arrivée de l’homme blanc dans bien des régions de globe terrestre a fait disparaître bien des civilisations.

  2. Nath - Mes Lectures du Dimanche – Livres, ongles & Rock 'n Roll

    Voilà qui donne encore plus envie de s’y plonger !

Rétroliens

  1. Nuuk - Mo Malø - EmOtionS - Blog littéraire

Laisser un commentaireAnnuler la réponse.

%%footer%%