
1 livre et 5 questions pour permettre à son auteur de présenter son œuvre
5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger
MARCUS MALTE
Titre : Aires
Editeur : Zulma
Sortie : 03 janvier 2020
Lien vers ma chronique du roman
Il est presque impossible de résumer ton livre. Tu relèves le challenge, en quelques mots ?
En quelques mots, je dirais que ce sont les destins croisés d’une poignée de personnages, sur les routes de France, un jour de canicule. Leurs trajectoires, leurs existences, leurs pensées, leurs rêves, leurs espoirs et leurs désillusions, qui forment une toile dans la toile plus vaste de notre société.
Comment t’es venue l’idée de cet étonnant roman patchwork ?
Un peu, comme souvent, en opposition au roman précédent (Le Garçon). Dans le souci de ne pas me répéter ni dans le fond ni dans la forme. Le Garçon se déroulait dans une époque passée, ici il s’agit du monde actuel ; il n’y avait qu’un personnage principal, ici il y en a une flopée ; la narration était linéaire, ici elle est éclatée. J’ai voulu changer aussi de ton, autant dans Le Garçon la langue était plutôt classique, autant je la voulais ici résolument moderne. Et puis, cela faisait un moment que j’avais envie d’un roman polyphonique dans lequel s’entremêlent plusieurs types d’écriture et de procédés narratifs (poésie, journal, dialogue « théâtral », slogan publicitaire, etc), ce qui donne cet effet de patchwork, comme tu dis. Je voulais parler de notre société autrement qu’à travers un polar ou un roman noir pur jus.
Le livre s’appuie autant sur la vie personnelle de tes nombreux personnages, que sur l’actualité et même l’Histoire…
Oui, ce sont des histoires dans l’Histoire. Et je suis tenté de dire que la somme des histoires fait l’Histoire. L’être humain m’intéresse avant tout dans son existence personnelle et individuelle, mais l’environnement, l’époque et la société dans lesquels il évolue influent forcément sur cette existence. Et inversement. Je me suis efforcé de capturer et de montrer ces êtres dans leur contexte. Je suis également fasciné par ces histoires de hasard ou de destinée : comment la vie de chacun peut avoir des conséquences sur celle des autres, les rencontres, les rencontres manquées, les croisements, les effleurements, les basculements volontaires ou non, tout ce qui, au bout du compte, dessine la trajectoire d’un être. C’est un peu le principe du battement d’ailes du papillon qui finit par avoir une incidence importante de l’autre côté de la planète. J’ai souvent l’impression que tout est lié, finalement, que tous, nous sommes liés les uns aux autres, de manière plus ou moins directe. Qu’est-ce qui fait qu’on va vivre cette vie-là et pas une autre : tellement de choses entre en jeu là-dedans.
Autant de bons mots et de jeux avec la langue, tu nous surprends…
Tu ne devrais pas être aussi surpris, cher Yvan, j’ai toujours joué avec les mots et la langue. Il me semble que c’est le propre de celui qui prétend écrire, voire son devoir. L’écrivain ne dispose que des mots pour tout faire passer, ce sont ses outils et son matériau, sa tâche est d’essayer de s’en servir au mieux pour transmettre au lecteur ce qu’il voudrait lui faire ressentir : l’émotion, la beauté, la joie, la peine, la colère, l’amour… Il est vrai que dans ce roman, comme je le disais, le ton est peut-être un peu différent. Plus léger, parfois. Plus caustique. Plus drôle, j’espère. Les personnages et les situations permettaient, me semble-t-il, de me laisser aller à jouer encore plus avec les mots. Même les calembours les plus foireux, je les assume ! Plus j’avance, plus j’ai envie/besoin de m’amuser et de m’accorder ces petits plaisirs dans l’écriture, pourvu que cela n’aille pas à l’encontre de l’intrigue et du ton général du livre.
Mais cette légèreté de façade te sert aussi à dénoncer nombre de travers de notre société actuelle. C’est quelque part un livre militant ?
Je n’aime pas tellement le terme « dénoncer », ça a un côté un peu donneur de leçons, moralisateur ou carrément délateur, comme si j’incarnais la raison et la justice et montrait du doigt les mauvais élèves. Ce n’est pas du tout le cas. Je ne détiens pas la vérité. Je ne sais même pas s’il y en a une. Je ne comprends pas grand-chose à ce monde, alors je ne risque pas de dire comment on doit l’aborder. Mettons que je braque parfois mon projecteur sur certains aspects de notre société, de notre manière de vivre, que l’on peut éventuellement considérer comme des travers ou des tares, mais je ne fais pas mieux que les autres – la plupart des autres. Je vis de la même façon, fais les mêmes bêtises et tombe dans les mêmes travers. « Militant » est aussi un mot assez fort que je ne pense pas mériter. Simplement, l’écriture de fiction permet de prendre un peu de recul (ou de hauteur) et un peu de temps pour observer les choses et les gens. On sort un peu de l’engrenage du quotidien et on regarde, on écoute, et on peut alors zoomer sur certains aspects de la vie qui vont nous faire sourire ou pleurer ou nous offusquer ou nous mettre en rogne. Reste à choisir quels traits on va grossir et sous quel angle on va les dévoiler : c’est dans ce choix, peut-être, que réside le côté un peu militant. Je cherche surtout à comprendre comment vivent les hommes et pourquoi ils vivent ainsi. Je n’ai pas encore trouvé, mais cela reste toujours aussi étonnant à mes yeux.
Crédits photo : Francesco Gattoni
Catégories :Interviews littéraires
une tentation de plus… Je viens enfin de me procurer “le garçon” en sommeil dans ma PAL démentielle depuis sa sortie:-)
c’est un parfait moment pour lire Le garçon !