Promesse
Le chant de l’assassin débute par une rencontre. En prison. Deux hommes, l’un enfermé de longue date et à vie, l’autre encore jeune et qui sortira au bout de quelques années. Ils vont se lier, directement ou indirectement par le sang, la mort, les secrets et l’amour.
1972, Henry Quinn sort de prison et part au fin fond du Texas pour respecter une promesse.
L’engagement, voilà bien un des thèmes traités par Roger Ellory dans ce roman. Celui de ce jeune homme qui va aller au bout de son serment. Celui qu’on peut avoir dans la vie envers l’autre, jusqu’à un certain point…
R.J. Ellory disait lors d’une interview que pour lui il n’est pas très important de se souvenir des histoires lues, mais que seules les émotions ressenties comptent. A la lecture de son onzième roman en français, j’ai tour à tour pensé à trois de ses romans, davantage comme un feeling, une sensation de connexion. Seul le silence, pour le destin tragique d’un homme. Mauvaise étoile, sans doute pour la puissance des personnages féminins. Papillon de nuit, pour le coté carcéral (mais pas que…). Une histoire d’ambiance.
Il suffit que je vous dise que ce sont là mes trois romans préférés de l’écrivain, pour vous faire comprendre que ce livre est bourré d’émotions. Avec cet English Touch qui fait que le roman parle de l’Amérique profonde, de ses modes de vie, mais avec un regard particulier.
L’idée ne semblait pas si mauvaise au départ
Deux récits en parallèle, formidablement agencés, qui donnent vie à ce récit qui met à nouveau en lumière l’humanité de personnages aux prises avec leurs côtés sombres.
Qui mieux que Ellory peut ainsi nous faire entrer en totale empathie avec des protagonistes qui pourtant se déchirent, qui pourtant sont si différents ? Parce que l’émotion est prégnante à chaque page, même durant les moments de violence.
« L’idée ne semblait pas si mauvaise au départ », c’est une réflexion que se font plusieurs personnages durant le roman. Voilà qui peut également résumer le cours de cette histoire, où les relations familiales sont omniprésentes. Leur absence aussi.
C’est donc le récit de deux hommes, et d’un sentiment de loyauté exacerbé. Mais c’est aussi celui de personnages féminins « secondaires » incroyablement marquants. Evie et Rebecca ont la carrure pour vous rester longtemps en mémoire, avec leurs caractères forts et indépendants, à l’opposé des âmes écorchées des hommes qu’elles côtoient. Avec un certain équilibre entre force et faiblesse qui se crée entre eux.
The Whiskey Poet
Et puis il y a la musique, elle aussi omniprésente. Lien indéfectible entre les deux hommes, lien avec l’autre grande passion de l’auteur. Dans le livre, Evan Riggs sort un disque intitulé The Whiskey Poet, à rapprocher du nom du groupe d’Ellory.
Le chant de l’assassin est une énorme boule d’émotions, 500 pages immersives qui prouvent une fois de plus que R.J. Ellory n’a pas son pareil pour créer une atmosphère et donner vie à des personnages marquants. Que ce soit dans les bons sentiments, les trahisons ou la violence, il a tissé une histoire forte qui laissera de puissantes traces en mémoire.
Yvan Fauth
Quelques citations :
Henry pensait que les gens se répartissaient en deux catégories : ceux qui en voulaient à la terre entière de ce qui leur arrivait et ceux qui n’en voulaient qu’à eux-même. Il faut être capable de beaucoup de distance pour admettre que les accidents de la vie et les coïncidences sont de votre fait, mais s’il avait eu à choisir entre l’acceptation et le refus, Henri aurait penché du coté de la première. Même si ce genre de chose était le fruit du hasard et non de quelque décision ou action de votre part, le simple fait d’en endosser la responsabilité vous incitait à agir pour y remédier au lieu de pester et d’enrager.
Il y avait un air qu’il n’arrivait pas à apprendre, et il était dans une rage folle. Rien d’aussi bête ni d’aussi banal qu’un peine d’amour ; plutôt une peine de l’âme. Un truc que sans doute seul un musicien pouvait comprendre, quand il arrive parfois au corps de défier l’esprit. Peut-être les athlètes connaissent t-il le même dilemme, quand ils savent pouvoir réaliser une performance, alors même qu’ils n’en ont pas les moyens.
Certains se contentent de vivre au présent, et y s’en trouvent bien. Mais les gens comme Evan sont persuadés que les lendemains sont toujours meilleurs, et ils s’y précipitent en massacrant le jour d’aujourd’hui.
« Le succès ne vient pas à bout des démons, lui dit Riggs. N’oublie pas ça, gamin. J’ai essayé de les noyer dans l’alcool, mais ils ont rien voulu savoir. C’est là que tu t’fais avoir. Cette passion qui te ravage, ce désir dévorant de te dépasser… Ma fois, c’est ça qui t’pousse à agir comme tu sens que tu dois le faire, mais ça te lâche jamais, tu vois. La faim qui habite les créatifs, c’est ce qu finit par avoir raison d’eux. »
« On est tous marteaux, Clarence. C’est juste qu’on croit toujours que sa propre folie est moins pire ou meilleure que celle des autres. »
Date de sortie : 23 mai 2019
Éditeur : Sonatine
Genre : Roman noir
Traduction : Claude et Jean Demanuelli
4° de couverture
1972. Condamné pour meurtre, derrière les barreaux depuis plus de vingt ans, Evan Riggs n’a jamais connu sa fille, Sarah, confiée dès sa naissance à une famille adoptive. Le jour où son compagnon de cellule, Henry Quinn, un jeune musicien, sort de prison, il lui demande de la retrouver pour lui donner une lettre. Lorsqu’Henry arrive à Calvary, au Texas, le frère de Riggs, shérif de la ville, lui affirme que la jeune femme a quitté la région depuis longtemps, et que personne ne sait ce qu’elle est devenue. Mais Henry s’entête. Il a fait une promesse, il ira jusqu’au bout. Il ignore qu’en réveillant ainsi les fantômes du passé, il va découvrir un secret que les habitants de Calvary sont prêts à tout pour ne pas voir divulguer.
Catégories :Littérature
Tout à fait d’accord avec ton analyse. Peu de romans ont une telle intensité dans l’atmosphère.
il est le maître pour ça. Et quels personnages !
C’est difficile de chroniquer un roman d’Ellory je trouve… il y a une telle intensité à retranscrire !
A la différence de toi, je ne prends plus de notes quand je lis, depuis un moment. Sauf pour Ellory 😉
On a des citations communes en tout cas 😉
pas étonnant ! 😉
Tu donnes l’eau à la bouche et c’est tant mieux parce que c’est ma prochaine lecture !
ah super ! Bonne plongée dans le fin fond de l’Amérique (et surtout dans l’immense talent d’Ellory)
Ce sera pour moi une découverte !
Il est très bien pour découvrir l’auteur
Ça promet encore un beau voyage et de l intensité émotionnelle !
C’est exactement ça ! Un voyage intérieur autant que dans des contrées américaines reculées
Wouah! Du Grand Ellory ! Très belle chronique.. Hâte de le lire et de revoir le bonhomme!
Tu vas pouvoir le revoir au festival sans nom de Mulhouse. Je t’envie trop car c’est mon chouchou cet auteur.. un peu comme Thilliez pour toi 😜
Sans moi les amis
Viens à Mulhouse Fred!! Tu pourras le rencontrer et je te verrai enfin!
c’est vraiment très gentil Gwen ! un jour peut-être 😊 Je t’embrasse. Ton amitié fait chaud au cœur, merci !!
Je rejoins Gwen. Tu m’avais dis que ce roman était excellent. A te lire, j’ai hâte de m’y plonger car les trois romans que tu cites comme étant proches de l’esprit du dernier Ellory je les aiment beaucoup. R.J. Ellory est mon chouchou tu le sais. Je vais me dépêcher de l’acheter ! Merci Yvan 😉
tu ne pourras qu’être touché par la sensibilité d’Ellory et ses personnages formidables
Merci pour cette belle chronique. Papillon de nuit est encore en cours de lecture. J’ai lu les deux autres. « Seul le silence » m’a laissé une profonde marque de lecture après avoir tourné la dernière page. De la grande littérature dans ce genre. Je suis restée longtemps marquée par cette écriture si belle, travaillée et très personnelle. Un grand écrivain pour moi dans ce livre, hâte de découvrir celui-ci. Je viens de terminer les trois premiers livres du duo Kenzie et Angel de Lehanne. Je termine là « Sacré « Quelle plume.
Je pense que tu seras touchée par cette histoire et ces personnages…
Ma prochaine lecture, dès que j’en ai fini avec le génial Stuart Turton… tant pis si ça me fait enchaîner 2 titres de chez Sonatine et 3 titres obtenus via net galley.
C’est Ellory, c’est juste impératif 😉
J’ai du retard mais celui-ci je ne le raterai pas.
T’as lu sa nouvelle dans Écouter le noir, faut enchaîner 😁
Pas reçu donc pas encore lu … mais bientôt acheté donc bientôt lu ! Amitiés
Tu ne peux pas rater ça, mon pote 😉
A ce jour, je n’en ai manqué qu’un seul (Un coeur sombre). Tous aimés sauf un. Donc je suis un fidèle !
Attention celui-ci ma libraire m’a dit de ne surtout pas le louper 😉
J’ai adoré ce livre, beaucoup d’émotions, de fatalité, du noir mais c’est écrit avec tellement de poésie
Encore plus d’émotions que les autres ?? Parce que “Papillon de nuit” et “Mauvaise étoile”, j’avais adoré !! “Les 9 cercles” aussi. 😉