Principes, moralité… et violence
On pourrait croire qu’il se tourne vers le hard boiled. Sauf que… l’action se déroule en Afrique du Sud et non aux USA, et qu’en plus d’être ancré dans un vrai contexte social, l’action pulse à travers la nature même du pays. Et puis, il y a le héros de l’affaire, qui n’est pas un stéréotype de cynisme et a au contraire une vision très claire du bien et du mal.
Willocks joue avec les codes du genre, propose son lot de policiers corrompus tout en donnant vie à un flic étonnant. Imaginez un homme à la moralité droite comme un I, aux principes intangibles, et qui tombe dans l’hyper violence pour défendre ses idées.
Incroyable personnage par ce qu’il va faire pour survivre à ce que lui dicte sa conscience. Dans un pays aussi déliquescent, où la brutalité fait partie du quotidien, c’est une gageure d’ainsi suivre sa route coûte que coûte.
Même valeur ?
Le prix d’une vie est-elle la même lorsqu’on est un jeune et riche Afrikaner ou une jeune noire SDF ? Turner va frotter ses principes de justice à cette situation explosive. Parce que lui a une réponse très claire et très figée de la question. Quitte à tomber dans l’extrême violence pour la défendre.
Tim Willocks m’a bluffé, poussé dans mes ultimes retranchements, choqué, enthousiasmé, estomaqué. Impressionné aussi.
Certaines scènes sont barbares, un vrai carnage. Et pourtant il arrive à en faire jaillir de la lumière. C’est aussi inattendu que rare (et donc précieux). J’ai habituellement tendance à m’éloigner de ce genre de scènes, sauf qu’ici elles ont du sens et permettent de dépeindre tout à la fois une région inhospitalière, une société corrompue, et des valeurs qui pourtant en émergent.
Âpreté
Et puis, l’écrivain britannique a une capacité étonnante à créer l’empathie. Il arrive même à nous toucher avec le pire des salauds.
La mort selon Turner est proche de la tragédie. Elle est confrontation, là où chacun avance avec ses propres convictions. La mort selon Turner se fait dans la violence, comme un passage malheureusement obligé dans une région aride qui ressemble souvent à l’enfer. Mais non sans une surprenante sensibilité.
Ce roman m’aura fait vivre l’une des scènes les plus ahurissantes lues ces dernières années, d’une âpreté presque insoutenable. Hypnotique et à couper le souffle.
Avec La mort selon Turner, Tim Willocks nous propose donc un polar brutal et frénétique, mais aussi d’une étonnante empathie, au plus proche de l’action et des personnages. Avec un protagoniste principal borné au point de suivre son chemin sans que rien ne puisse l’en dévier. C’est ce qui en fait la force, celle dont on se souvient.
Sortie : 11 octobre 2018
Éditeur : Sonatine
Genre : Polar
Traduction : Benjamin Legrand
Ce que j’ai particulièrement aimé :
Le personnage principal et ses valeurs
L’environnement, étouffant
Un des passages les plus fous que j’ai lu depuis longtemps !
4° de couverture
Lors d’un week-end arrosé au Cap, un jeune et riche Afrikaner renverse en voiture une jeune Noire sans logis qui erre dans la rue. Ni lui ni ses amis ne préviennent les secours alors que la victime agonise. La mère du chauffeur, Margot Le Roux, femme puissante qui règne sur les mines du Northern Cape, décide de couvrir son fils. Pourquoi compromettre une carrière qui s’annonce brillante à cause d’une pauvresse ? Dans un pays où la corruption règne à tous les étages, tout le monde s’en fout. Tout le monde, sauf Turner, un flic noir des Homicides. Lorsqu’il arrive sur le territoire des Le Roux, une région aride et désertique, la confrontation va être terrible, entre cet homme déterminé à faire la justice, à tout prix, et cette femme décidée à protéger son fils, à tout prix.
Catégories :Littérature
je vais le sortir de ma pal vu ton enthousiasme merci Yvan
Attention, c’est très violent 😉
Il est excellent et ce qui jaillit de ce roman, c’est surtout du sang ! 😀
Mon premier Tim Willocks, il m’a laissé sur le cul et aurait fort bien pu devenir LE coup de coeur 2018… détrôné (quoique je vais sans doute faire appel à un arbitrage vidéo) dans la dernière ligne droite par un certain Don Winslow (là encore mon premier bouquin de l’auteur).
Ah oui ? Je ne pensais pas qu’il serait aussi bien classé chez toi. Et je n’ai pas lu le Winslow, manque de temps…
J’ai un faible pour les thrillers violents mais intelligents. Du coup Willocks a fait mouche avec son Turner.
Ah le temps, m’en parle pas !!!
Faut lire Bad City Blues et Green River. Tu seras pas déçu non plus 😉