1 livre et 5 questions à son auteur, pour lui permettre de présenter son œuvre.
5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger.
Philippe Morvan
Titre : Ours
Éditeur : Calmann-Lévy
Sortie : 03 octobre 2018
Lien vers ma chronique du roman
Tout à fait, un de mes aïeuls a effectivement connu ce genre d’aventures à la fin du 19ème siècle, mais dans ce roman je m’éloigne beaucoup de ce qu’il a pu réellement vivre. Au final il ne reste que la trame de cette histoire, tout le reste est inventé.
Je souhaitais un livre d’aventures et de voyage, plein d’action et de couleurs. Et aussi des odeurs, beaucoup d’odeurs ! J’avais notamment en tête « Little Big Man », qui est pour moi un film (et un livre) culte, où un personnage fictif, et ordinaire, côtoie des personnages de légende de l’Ouest américain, et est amené à vivre des choses étonnantes, devenant ainsi lui-même un héros extraordinaire. Dans la seconde partie de « Ours » j’ai donné la vedette aux Amérindiens (ou quel que soit le nom qu’on leur donne). D’abord parce que j’ai toujours préféré les Indiens aux Cowboys, et aussi parce qu’ils ont tellement souffert depuis l’arrivée de l’homme blanc !
Les Indiens étaient de véritables précurseurs de la protection de l’environnement, du développement durable, leur religion et leurs coutumes étaient intrinsèquement liées à la nature, et ils continuent de se battre pour la préserver aux États-Unis, où l’appât du gain sans limites menace encore et toujours leurs terres ancestrales, et en Amazonie, où ils sont pourchassés comme des animaux par des fermiers, des forestiers, des multinationales et autres chercheurs d’or. Je voulais également rappeler, s’il en était encore besoin – mais hélas les récentes élections en Amérique, nord et sud confondus, nous montrent que oui – qu’ils ont été victimes d’un authentique génocide, et que les envahisseurs venaient alors d’Europe, et non du Mexique comme semble l’oublier un certain président, qui porte un nom de canard de dessin animé…
Le personnage principal du livre vit une grande aventure. Sauf qu’elle se fait dans la contrainte et les épreuves…
C’est exact, mais au départ il décide seul de s’engager dans l’armée. C’est vrai aussi qu’il est encore jeune, impulsif et surtout très naïf. Il a souffert de la mort de son père et de son frère et compte bien les venger. Par la suite son destin lui échappera en grande partie, mais à de nombreuses reprises il sera amené à faire des choix, comme tout un chacun. La vie n’est qu’une longue succession de choix. En faisant ces arbitrages, il aura l’impression de garder la maîtrise de son existence, mais en réalité il n’en sera rien. Seuls les événements commandent. À la fin, il comprend que cet écheveau inextricable qu’est devenue sa vie, et dont il tente de s’extirper avec peine, avait peut-être un vrai but. Une finalité cachée. Le dessein de toute une vie.
Ce récit parle du respect des différences, comme quoi les leçons du passé ne sont pas toujours retenues…
Un peu plus haut j’évoquais les récentes élections américaines (a priori impensables dans une démocratie comme la nôtre, et pourtant…), et on voit bien que les faibles, les laissés pour compte de l’Histoire, les sauvages (ou supposés tels) sont éternellement les victimes des puissants, des nantis et des civilisés (ou supposés tels). On doit en effet se faire beaucoup de souci pour les Indiens du Brésil, et donc pour nous, car ils sont les derniers défenseurs du poumon vert qu’est l’Amazonie. Si rien n’est fait pour les aider, ils vont disparaître, et je suis atterré par le peu de réaction de nos dirigeants (tous bords confondus) pour sauver ce qui peut encore l’être de notre planète. Un Indien (ou un Aborigène d’Australie) vaut mille Européens à ce niveau, car ils ont toujours vécu la nature plus qu’ils n’ont vécu dedans, mais on ne les écoute pas… J’aime ces peuples dits primitifs, leur art notamment, plein d’inventivité. Si on veut être un brin provocateur, on peut dire que Picasso, entre autres, n’a fait que copier l’art africain ou indien, ou qu’il s’en est fortement inspiré si on veut rester plus consensuel. Et je ne parle même pas de Giacometti… D’ailleurs ils ne s’en sont jamais cachés.
Dans ce livre, au-delà de la dénonciation (que certains pourraient, à juste titre, juger facile a posteriori) des horreurs commises au nom de la civilisation, de la colonisation, je souhaitais effectivement parler de ces différences qui font la richesse du Monde, et de la peur qu’elles engendrent, source de tous les maux.
Cette aventure est foisonnante. Tu as fait le choix de la raconter à coups de chapitres courts…
Oui, le héros, Gabriel Morange dit Ours, explore tour à tour de multiples lieux, participe à des batailles historiques, visite des villes lointaines. Tout commence en Auvergne, le pays de ma naissance, aux volcans récemment classés au patrimoine mondial de l’UNESCO (j’ai de la chance, moi qui vis à la Réunion, un autre pays volcanique classé au patrimoine mondial). Puis il part en Kabylie, aux héros méconnus, et où il prend part à la bataille d’Icheriden. Le Vietnam de l’époque coloniale, son exotisme luxuriant, le siège de Tourane, sont également au menu. Puis l’Amérique, New York, le Sud-ouest désertique, le massacre de Tres Castillos.
De nombreux personnages secondaires peuplent aussi ces pages, certains sont plutôt inquiétants comme le dénommé Disaster Duwault, d’autres beaucoup plus sympathiques, comme la belle Onawa ou la vieille Nascha. Dans « Little Big Man », Dustin Hoffman rencontre George Custer, dans Ours, Gabriel côtoie les derniers combattants apaches, dont le héros de mon enfance auquel je voulais rendre hommage : Geronimo.
La taille des chapitres s’est donc un peu imposée à moi pour suivre ce foisonnement d’action, de personnages et de lieux. Les chapitres courts permettent ainsi à chacun de lire à son rythme. En tant que lecteur, j’ai toujours eu un peu de mal avec les chapitres trop longs, alors ceci explique peut-être aussi cela…
Tu es décidément une personne étonnante, à l’aise dans plusieurs genres littéraires différents…
Je vois à quoi et à qui tu fais allusion ! J’ai effectivement écrit quelques romans noirs et thrillers sous un pseudonyme (Philippe Morvan est mon vrai nom), et cette autre aventure connaîtra peut-être des suites, qui sait ?
Aujourd’hui, je me consacre à la littérature blanche, et je mesure la chance que j’ai de pouvoir travailler avec une maison telle que Calmann-Lévy et une éditrice comme Caroline Lépée. Mais c’est vrai que j’aime changer de style, d’histoires, et de personnages. Et aussi de nom donc, tu l’auras compris… J’espère continuer à varier les genres dans les années à venir, même si j’ai pris énormément de plaisir à écrire Ours. Au fond, quel que soit le type de littérature, le principe reste le même : raconter une histoire. Seuls les codes changent.
Catégories :Interviews littéraires
Belle interview
Après quelques occasions manquées, j’espère bien le rencontrer enfin a Limoges
Mais je dois reconnaître que ce roman m’a beaucoup marqué
Je souhaiterai me faire l’appeau (mdr) de l’ours et je vais aller le chasser dans son habitat naturel, c’est-à-dire les librairies !! 😀