1 livre et 5 questions à son auteur, pour lui permettre de présenter son œuvre. 5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger.
Laurent Guillaume
Titre : Delta Charlie Delta
Sortie : 15 mars 2015
Éditeur : Denoël
Tu as laissé de côté tes intrigues africaines pour nous revenir avec un personnage que tu connais bien…
En écrivant une suite aux aventures de Solo juste après Black Cocaïne, je craignais d’être redondant, de me plagier moi-même. Comme cela faisait un petit moment que l’on me réclamait une enquête de Mako, j’ai décidé qu’il était temps. Mais en règle générale les suites sont piégeuses. Il n’y a qu’à lire les plus grands comme Connely et Pelecanos pour s’en rendre compte. On finit par tourner en rond, écrire la même histoire avec quelques originalités saupoudrées.
Et d’ailleurs, dans un premier temps, j’ai beaucoup souffert en écriture. Les mots venaient mal… J’ai effacé soixante-dix pages que je trouvais mauvaises. Le cœur n’y était pas et j’avais le sentiment que je n’avais plus rien à faire dire à ce vieux briscard de Mako. J’ai refait une tentative en me disant que mon personnage devait avoir évolué. Et là, la magie a opéré. J’ai retrouvé l’envie. Mako vieillit, la mort n’est plus une perspective abstraite. Son boulot ne le satisfait plus, il se sent comme un étranger dans la grande maison. DCD, c’est un peu le chant du cygne de Mako, le flic de la nuit.
De nouveaux personnages apparaissent à côté du vieux briscard qu’est Mako. Tu as eu l’impression d’injecter du sang neuf à ce personnage ?
J’avais besoin de féminiser mon univers. Le fait d’écrire des femmes, une jeune trentenaire comme Marie ou ado blessée comme Angy, était un vrai défi pour moi. Je n’avais qu’une seule crainte : exhiber des caricatures de femmes. Mais je pense avoir évité l’écueil. En fait j’ai réalisé que j’aimais beaucoup écrire des personnages féminins.
En outre, elles (Marie et Angy) ont induit un changement de thématique. Je voulais quelque chose de plus personnel pour Delta Charlie Delta : les notions de famille et de paternité se sont imposées naturellement. Pas la famille classique et la paternité au sens de celles héritées de nos aïeux : un père une mère, des gosses, un golden retriever qui gambade dans le jardin du pavillon de banlieue… Ça, c’est peut-être sympa à vivre, mais c’est chiant à raconter.
On est dans du polar et donc j’ai choisi la paternité souterraine, celle que l’on cache et celle qui tente de s’imposer à vous. J’aimais l’idée qu’Angy choisisse en Mako un père de substitution, qu’elle s’impose à lui, même si le vieux flic rechigne un peu au début. En ce qui concerne Marie, elle doit régler un traumatisme de son passé qui l’empêche de vivre en harmonie avec sa famille.
À part la passion des cigares, tu as mis quoi de toi et de ton passé de flic dans les histoires de Mako ?
Souvent les lecteurs me confondent avec Mako. Mais, bien heureusement, s’il y a un cousinage il n’est que lointain. Mako est sombre et taiseux, je suis plutôt joyeux et prolixe. Au contraire de Mako, je ne considère pas que le fait de rendre justice soit un comportement admissible pour un flic.
Si les tâches d’enquêter et de juger sont des fonctions distinctes, c’est pour une bonne raison : préserver l’équité. Mako est, en quelque sorte, un outrage à la séparation des pouvoirs. Et malgré le discours de mon personnage (que je comprends) un flic ne peut faire sa propre loi.
En fait Mako est un phantasme, il fait ce que beaucoup de flics rêvent de faire… Cela ne signifie pas pour autant que cela soit bien.
Tu t’attaches toujours à ce que ton intrigue soit la plus crédible possible, même si tu aimes jouer également avec l’aspect romanesque…
En ce qui concerne l’enquête spécifique de Delta, je voulais montrer ce qu’étaient des pervers sexuels réels. Pour ma part, je n’ai jamais rencontré de tueurs en série au cours de ma carrière. En revanche, j’ai croisé et interpellé plusieurs violeurs en série. J’ai été frappé de voir à quel point ils n’avaient rien de commun avec Hannibal et les autres génies criminels dont on nous rabâche les pages des Thrillers. J’avais affaire à de pauvres types, immondes et pathétiques. Des ordures, mais des ordures humaines. Certainement pas les incarnations d’un mal absolu.
Dans Delta, j’ai essayé de rendre l’enquête de Mako et Marie, la plus crédible possible et la plus proche de la réalité. Je tiens beaucoup à ce réalisme, mais pas au point d’accepter qu’il soit sclérosant. Du coup, je me sens moins tenu par une orthodoxie procédurale. Dans l’institution policière, les noms des services, les indicatifs radio changent au gré des valses ministérielles. Je ne me suis même pas obligé à vérifier si certains détails de mon bouquin étaient toujours d’actualité. On s’en fout que le quart de nuit s’appelle ainsi ou brigade judiciaire de nuit ou tout autre nom que lui aura donné un gratte-papier dans un bureau feutré de la place Beauveau. Ce qui est important c’est que ça fasse vrai, pas que ça le soit.
C’est un roman noir, très noir. Il n’empêche que l’émotion est souvent présente tout au long de ces pages…
Le récit doit rester prioritaire, je l’ai dit. Mais le rôle d’un roman c’est de créer des émotions, positives ou pas. Dans ce sens j’ai laissé une plus grande place au Soap dans Delta. La relation de Mako avec Angy, avec Marie était primordiale dans ma tête. Elle passait même avant l’enquête.
Je cite souvent l’excellente série américaine True Detective. L’enquête menée par les deux inspecteurs n’a – si on y réfléchit bien – ni queue ni tête. Elle se résout dans une sorte d’affrontement plus mythologique que réaliste. On est en permanence dans la tragédie grecque. Les dialogues sont passionnants et on se délecte à suivre les parcours chaotiques des flics, de leurs familles, de ce qu’il en reste. D’une certaine façon True detective est une sorte d’anti-The Wire. Mais on s’en fout. Ce qui compte ce sont les personnages.
Catégories :Interviews littéraires
Une excellente interview qui me donne tres envie de lire ce garçon 🙂
Lequel conseilles-tu pour démarrer Yvan ?
Pour moi, son meilleur reste Black cocaïne… Avis très subjectif, que je partage… 😉
Je me le note Vincent. Merci de ton retour 🙂
ouf ! tu partages ton avis avec toi même, tu es encore sain d’esprit 😉
Pour quelque temps encore, j’espère… 😉
mon préféré reste sans aucun doute : Doux comme la mort
Je me le note 😉
Ben, moi je commence toujours par le premier 😉
Je te comprends Geneviève 🙂
Mais je n’arriverais pas à me faire tous les livres de tous les auteurs 🙂
une fois que tu as compris ça tu as tout compris. Alors pour ne pas toujours lire les mêmes, je lis les premiers romans 😉
Une très bonne idée 🙂
A votre service mon seigneur 😉
Commence par Mako… si je ne m’abuse, c’est le 1er… 😉
C’est noté. Merci Cathy 🙂
J’attendais avec impatience la suite des aventures de Solo, et toc!! V’la t-y pas qu’il nous envoie du Mako… Pas grave, je le lirai avec autant de plaisir. C’est le moins que je puisse faire, vu le mal que l’auteur s’est donné pour l’écrire.
Et comme toujours, très intéressante interview Yvan… Ne t’est-il jamais venu l’idée de te recycler comme attaché de presse? 😉
Bonne journée…
Moi aussi ça me donne envie , surtout s’il cite True détective. .. 🙂
Si c’est Mako c’est ok.
Encore un papier intéressant Sire Yvan.
Merci pour ces précisions 😉 🙂
J’ai honte, j’ai deux livres de cet auteur et je n’ai pas encore eu le temps de les lire !! J’ai Black Cocaïne et Mako et une PAL gigantesque. Merci donc de me faire culpabiliser de ne pas encore l’avoir lu et que je n’ai pas encore acheté le DCD…. 😉
j’aime bien faire culpabiliser les gens 😉
Et tu y arrives merveilleusement bien 😉