Il faut beaucoup de talent pour tenir un récit sur plus de mille pages, encore plus lorsque le monde raconté est entièrement à construire. Sur un champ de ruines, celui d’un monde ravagé par une guerre nucléaire, où ne restent que quelques poignées de survivants.
Plonger dans l’univers de Swan Song de Robert McCammon, c’est accepter un début d’aventure anachronique. Retour dans les années 80, ambiance guerre froide, avec la technologie de l’époque, pour poser le contexte. Les lecteurs les plus anciens ne seront pas dépaysés, tandis que les plus jeunes y verront sans doute une société décalée.
Mais ce sentiment est rapidement dépassé lorsque l’enfer nucléaire s’abat sur terre. Toutes les grandes villes sont rasées, ne laissant que les “chanceux” qui étaient terrés au moment des explosions.
Faiseur de miracles
Robert McCammon est un conteur d’histoires, un faiseur de miracles, qui crée des personnages à partir de rien pour les rendre particulièrement humains, les plaçant dans un contexte d’une richesse incroyable.
Il aime prendre de la place et son temps, décrire précisément à quoi ressemblent ses protagonistes et leur environnement. Même s’il ne laisse rien au hasard, la magie est omniprésente. Parce qu’il ne s’interdit rien, ni la violence, ni des moments de pure grâce, et même d’inclure le fantastique dans son univers.
L’ambiance post-apocalyptique est donc particulièrement bien rendue, mais elle ne constitue pas tout le récit. Parmi les miraculés se trouvent quelques personnes développant des pouvoirs surprenants, seules ou par le biais d’un étrange artefact. Ce qui est frappant, c’est qu’on accepte rapidement ces faits, et que cela ne remet jamais en question les fondements de l’histoire.
Manichéisme assumé
L’écrivain développe à l’envi le combat du Bien contre le Mal, optant délibérément pour le manichéisme, cette dualité constituant même le socle de son récit.
Deux tomes, une seule histoire, avec quelques années entre les deux. Une temporalité qui permet à l’auteur de développer cette lutte, chaque personnage marchant vers son destin, sur un long chemin semé d’embûches. Des romans comme celui-ci, il en existe peu. Ce n’est pas pour rien qu’il a été lauréat du prestigieux prix Bram Stocker, à l’époque.
Pour les gens de ma génération, il rappelle ce plaisir unique que les œuvres des 80’s nous procuraient, quand elles n’étaient pas totalement formatées par les règles imposées aujourd’hui. Les plus jeunes y trouveront une certaine fraîcheur, un comble pour un roman qui a 35 ans !
… et l’espoir aussi
Swan song est un vrai page-turner, mais qui ne sacrifie jamais le rythme à la profondeur. Une intrigue très américaine, avec les concepts de famille et de religion bien présents, et cette dichotomie du Bien et du Mal. Jusqu’à même imaginer une guerre dans la guerre, avec l’omniprésence des armes.
Un récit de survie et de douleur. Mais d’espoir aussi, qui persiste bien que tout soit brûlé. Une espérance folle en un avenir pour les personnages phares, alors que le déchet d’humanité survit dans la crasse et le dénuement le plus total.
Tout semble mort, plus aucune plante ne pousse. Et si ? Et s’il restait de l’espérance ? C’est cette lumière, même vacillante, qui brille dans ces ténèbres.
Le salut par les femmes
C’est un roman dur, parfois brutal. Surprenant aussi par son côté fantastique qui apporte une touche d’étonnement et d’éblouissement dans toute cette noirceur.
1000 pages qui auraient pu sembler longues, mais la seule envie ressentie à la fin de la lecture est d’en reprendre pour quelques centaines de plus, tant ce road trip où les personnages se recherchent entre eux sans le savoir aurait pu durer encore.
À propos d’eux, il faut souligner que ce sont principalement les femmes qui soutiennent l’histoire, ce qui n’était pas si courant à l’époque.
Conteur hors pair
Robert McCammon tient la barre tout du long, jamais les pans de sa structure ne menacent de s’effondrer. Vu l’ambition de son épopée, c’en est presque miraculeux. Swan Song est une nouvelle preuve de l’étonnant talent de conteur de l’auteur de Zephyr, Alabama, dans un tout autre genre. Épatant.
À noter la qualité du contenant, deux tomes au format semi-poche, avec un aspect volontairement inspiré des romans pulp de l’époque. Encore une belle réussite de cet étonnant éditeur qu’est Monsieur Toussaint Louverture, toujours soucieux de soigner l’objet pour mettre en valeur les textes.
Yvan Fauth
Sortie : 12 mai 2023
Éditeur : Monsieur Toussaint Louverture
Genre : Post-apocalyptique / Fantastique
Traduction : Jean-Charles Khalifa
Prix : 12,50 € pour chaque tome
4ème de couverture (tome 1)
L’APOCALYPSE, C’EST MAINTENANT.
Missiles et fusées se croisent dans le ciel et font s’abattre sur la terre des tornades de feu. Un vent terrible se lève, les poussières radioactives voilent le soleil, la vie telle qu’on la connaît va s’achever.
Dans une plaine déserte du Kansas brûlée par le feu nucléaire, Black Frankenstein, une force de la nature, se voit confier une mission par un vieillard mourant : protéger une enfant au don particulier.
Dans les décombres d’un New York annihilé par les bombes, une sans-abri à moitié folle découvre un étrange anneau de verre.
Dans les ruines souterraines d’un camp survivaliste des montagnes de l’Idaho, un adolescent apprend à tuer…
PLUSIEURS VIES, PLUSIEURS TRAJECTOIRES, UN SEUL BUT : SURVIVRE À LA FIN DU MONDE.
Catégories :Littérature
J’ai lu le premier tome sans lassitude, un vrai page-turner, le second attend un peu, histoire de bien digérer le premier d’autant que sept ans ont passé, bonne lecture à tous !
Oui, j’ai fait une petite pause entre les deux aussi 😉
J’ai les deux dans ma PAL, j’espère les lire rapidement…
Bonne future lecture alors !
Merci 🙂
Moi qui suis plutôt polar, entre cette superbe critique et la rubrique de la présentation des sorties de cet automne, je crois bien que je vais mettre la pied à l’étrier de l’imaginaire 🙂
Et tu fais bien ! Beaucoup de bons romans et d’émotions fortes
Faut déjà que je les trouve. 😂
L’occasion de rattraper une lecture ratée à l’époque de sa sortie.
Il n’est pas trop tard 😉
Je viens de commencer le premier tome (faudrait être un peu con pour commencer par le deuxième), je suis à fond dans l’histoire et j’adore les personnages.
ce serait un peu con oui 😉
Tu connais mon amour pour Zéphyr,Alabama. Vrai raconteur d’histoire, personnages de toute beauté… la seule chose qui me pose problème dans Swan song est la taille de la police de caractère. Va bientôt me falloir une loupe 🔎 !
ça vaut vraiment le coup de s’acheter une loupe 😉
Oh tu l’as déjà.
Moi je l’ai commander pour la bibliothèque.
Je mettrais le nez dedans quand il arrivera….
C’est marrant comme cet éditeur a le don de reprendre des auteurs du siècle dernier et de les remettre en selle de belle manière…
ils sont très fort ! quel gâchis de ne pas les avoirs traduits avant !
je les avait cochés depuis un moment….