1 livre et 5 questions pour permettre à son auteur de présenter son œuvre
5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger
Interview JULIEN SANDREL
Les extraordinaires
Editeur : Calmann-Lévy
Sortie : 01 mars 2023
Lien vers ma chronique du roman
Une fois encore, tu parles de gens ordinaires qui deviennent extraordinaires, par l’effort ou par émulation…
Je ne crois pas qu’il existe vraiment des personnes « ordinaires ». Je crois sincèrement que chaque individu est unique, singulier, et qu’un parcours de vie – quel qu’il soit – ne peut en aucun cas être banal. On est toujours l’extraordinaire de quelqu’un d’autre.
Ceci étant dit, ce qui m’intéresse dans l’écriture, c’est de saisir ce qui va constituer pour mes personnages l’expérience la plus importante, la plus déterminante de toute leur existence. Le genre de tournant de la vie où l’on se dit qu’il y aura forcément « un avant et un après ». Alors oui mes personnages mènent, au début de mes histoires, des vies comme tant d’autres : sinueuses, faites de bonheurs, de drames. Et puis un événement vient les mettre en mouvement.
L’idée des « Extraordinaires » est née au printemps 2021, lorsque je suis tombé sur un article évoquant le recrutement de nouveaux astronautes européens. Ce qui m’a interpellé, ce sont les critères que l’Agence Spatiale Européenne a choisi de faire évoluer pour cette nouvelle vague de recrutement : l’âge limite pour se porter candidat (repoussé à 50 ans) et le handicap, avec la volonté affichée de recruter les premiers parastronautes, sur le modèle des champions paralympiques. Alors j’ai tout de suite pensé que ces évolutions allaient rouvrir une précieuse porte que certains pensaient avoir fermée pour toujours : la porte de leur rêve d’enfant. Et c’est ainsi que sont nés mes 2 personnages principaux : une femme de plus de 40 ans, Anna, et Diego, un Espagnol amputé de la jambe gauche.
Tous deux vont rejoindre un groupe de candidats baptisé avec beaucoup d’autodérision « Les Extraordinaires », un groupe d’individus ayant décidé d’unir leurs forces pour s’entraîner, s’entraider, se soutenir. Ils ne sont ni au bout de leurs efforts, ni de leurs surprises…
” J’ai toujours aimé les histoires de « losers magnifiques », ces assemblages hétéroclites visant des objectifs réputés inaccessibles, et qui se mettent à y croire dès lors qu’ils constituent un collectif humain qui les dépasse, les transcende “
Si on devait ressortir une des messages du livre, à travers ta galerie de personnages, ce serait « ne pas juger sans connaître »…
Je crois que c’est un travers très humain, cette propension à juger sur les apparences, mais je crois qu’on ne connaît jamais vraiment les autres, puisqu’on n’a jamais accès à leur intériorité. Combien de secrets sont cachés dans des vies que l’on croit connaître ?
J’ai toujours aimé les histoires de « losers magnifiques », ces assemblages hétéroclites visant des objectifs réputés inaccessibles, et qui se mettent à y croire dès lors qu’ils constituent un collectif humain qui les dépasse, les transcende. Des histoires comme celles du « Grand Bain » ou encore « The Full Monty », avec des personnages bien plus profonds qu’on ne le pense. Alors oui, j’ai donné à mes Extraordinaires quelques secrets qui jettent une lumière bien différente sur leur personnalité quand on les découvre… Je n’aime pas, en tant que lecteur, les personnages trop lisses, trop simples. J’aime que l’on me surprenne, alors j’essaie à mon tour de surprendre 🙂
Évidemment, tes livres apportent du bonheur, mais une fois de plus sans cacher les douleurs de la vie…
C’est un roman qui parle, en filigrane, de deuil sous toutes ses formes. Deuil d’une personne, d’une partie de son corps, ou simplement de l’être humain que l’on aurait voulu être… Mais c’est surtout un roman qui parle de reconstruction, de comment on se bat, comment on se relève après les épreuves de la vie, comment des rencontres peuvent être déterminantes pour envisager un futur, comment on avance malgré tout… En s’unissant et en s’accrochant à leur rêve commun, chacun au sein de ce collectif d’Extraordinaires va vivre une forme de deuxième naissance, ou tout du moins donner une nouvelle impulsion à sa vie et la transformer durablement.
” Je voulais être précis sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : celui de la place des femmes dans les sciences, et de la manière dont elles ont été invisibilisées au cours des siècles “
Tu as effectué un travail phénoménal de documentation pour que ton histoire tienne la route…
Même s’il ne s’agit pas du tout d’un roman sur l’espace – tout se passe sur la terre ferme, l’espace n’est que la toile de fond de cette aventure humaine hors du commun –, je voulais ancrer mon histoire dans la réalité. Je me suis donc beaucoup documenté sur le sujet, et j’ai surtout rencontré de nombreux candidats ! J’ai écrit ce roman pendant le processus de recrutement de l’Agence Spatiale Européenne qui s’est étalé sur 18 mois entre 2021 et 2022, ce qui m’a permis d’« infiltrer » un véritable groupe de candidats, et de réaliser une trentaine d’interviews d’authentiques aspirants astronautes, à différentes étapes du processus de sélection : pour l’anecdote, certains figuraient dans les 50 derniers… sur 23 000 ! Des femmes et des hommes de profils très variés en terme d’âge, de nationalité, de profil… J’ai même fait partie d’un jury de « concours blanc » organisé par un petit groupe de candidats français. Ces rencontres ont été déterminantes, elles m’ont permis de nourrir la psychologie et les parcours de mes personnages. J’ai également eu le privilège et la chance de passer de longues heures à discuter avec Jean–François Clervoy, astronaute français ayant effectué 3 vols spatiaux dans les années 1990 – formidables moments !
Enfin, je voulais être précis sur un sujet qui me tient particulièrement à cœur : celui de la place des femmes dans les sciences, et de la manière dont elles ont été invisibilisées au cours des siècles… dans la conquête spatiale comme ailleurs. Une thématique qui m’est chère puisque ma femme dirige un labo de recherche publique dans la recherche médicale, et se bat au quotidien pour que le travail des femmes dans les sciences soit valorisé de la même façon que celui des hommes. Je raconte d’ailleurs dans le livre comment les femmes ont été volontairement écartées de la conquête spatiale malgré une supériorité évidente des femmes astronautes sur les hommes, évaluée scientifiquement dans les années 60 par la NASA…
Et puis il y a les surprises, des rebondissements vraiment étonnants, dignes des meilleurs thrillers (alors que ça n’en est pas un)…
En tant que lecteur, c’est ce que j’aime. J’aime le romanesque, j’aime « ne rien avoir vu venir », j’aime avoir envie de tourner la page pour comprendre, pour avoir le fin mot de l’histoire… Alors j’essaie tout simplement d’écrire des livres que j’aimerais lire… J’ai tendance à penser que de bons rebondissements décuplent le plaisir de lecture, alors tant mieux si j’ai réussi mon coup ! 🙂
Ensuite soyons clair : la tonalité d’ensemble est bien loin du thriller ! C’est un roman qui parle d’entraide, de courage, d’espoir, de solidarité et d’amour… un roman dans lequel on voyage, on vit des aventures folles dignes d’un « Koh–Lanta de l’espace » avec des personnages hauts en couleurs, dans lequel j’espère qu’on rit aussi… avec des histoires familiales fortes et du positif… je crois qu’on en a bien besoin en ce moment !!
Merci Yvan ! À bientôt !!
Catégories :Interviews littéraires
Oui, on en a bien besoin en ce moment ! ♥️
Entre nos lectures noires, Sandrel nous est indispensable 😉
Il a l’avenir d’un Gilles Legardinier, Monsieur Sandrel. Il fait du bien à l’âme et au cœur. Merci à vous deux pour ce bel échange. 🤗😘
Eh bien merci c’est un auteur que j’avais sans doute jugé trop vite justement et cette interview me donne envie de m’en connaître plus et de lire ses livres.