1 livre et 5 questions à son auteur, pour lui permettre de présenter son œuvre
5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger
Mo Malø
Titre : Summit
Editeur : La Martinière
Sortie : 03 juin 2022
Lien vers ma chronique du roman
Quatrième enquête de Qaanaaq Adriensen, de plus en plus tiraillé entre sa hiérarchie danoise et ses origines inuites…
Disons qu’il est tiraillé entre ces deux forces depuis le tome inaugural, Qaanaaq, mais cette fois c’est en effet pour lui l’heure de faire un choix plus net, plus tranché, entre elles. Va-t-il se soumettre aux injonctions manipulatrices de la Fourmi, ou devenir un véritable inuk, comme Appu et Massaq l’attendent de lui ? En tout cas, il n’est plus question pour lui de ménager la chèvre et le chou (désolé, je ne trouve pas d’équivalent groenlandais du chou, faute de légumes dans le pays). Cette identité inuit qu’il inscrit dans sa propre peau au début de ce quatrième volume, il va falloir qu’il l’exprime et l’assume de multiples façons, quitte à affronter ceux dont il dépend directement, à Copenhague. Le temps de renouer pleinement avec ses racines est enfin venu.
J’espère que ceux qui me font le plaisir de lire cette série de romans depuis le début auront ressenti eux aussi ce parcours intérieur. Savoir d’où l’on vient vraiment, à quel territoire on appartient pour de bon, qu’il soit réel ou plus symbolique, c’est pour la plupart d’entre nous le travail d’une vie. Donc on comprend que le cheminement propre de Qaanaaq Adriensen est, de ce point de vue, loin d’être achevé.
Le Groenland est décidément un pays fascinant. Tout comme l’est l’Inlandsis où tu nous perds avec tes personnages…
C’est une question qu’on me pose assez souvent, en salon ou en interview : avez-vous encore des choses à raconter sur le Groenland ? La réponse est oui, mille fois oui ! C’est d’ailleurs pour cette raison précise que je me suis lancé dans l’aventure de cette série : partager avec mes lecteurs ma découverte de l’incroyable richesse d’un pays et d’une culture qu’on pense à tort, vu d’Europe, réduits à beaucoup de glace et quelques chiens de traîneaux.
Dans ce tome-ci, en effet, j’ai décidé de plonger mes personnages au cœur même du pays, dans cet Inlandsis désert et immense qu’ils n’avaient fait qu’effleurer dans le premier tome. A cette occasion, ils vont côtoyer de près cette unité de l’armée danoise unique au monde, la patrouille Sirius, dont la mission est de surveiller et sécurisé le parc national du Groenland, lequel couvre un grand quart nord-est de l’île., le plus grand parc naturel au monde. Il n’existe pas d’autres unités à ma connaissance dont le travail soit de patrouiller en permanence dans un désert de cette ampleur, dans des conditions aussi extrêmes. D’ailleurs, c’est si usant que l’engagement des Sirius est limité à deux ans.
Le froid extrême rend fou, c’est une matière forte pour un romancier…
Matière est le mot juste. Il illustre bien cette idée que le froid, à ce niveau d’intensité, constitue une entité supplémentaire, un élément en soi (en plus de l’air ou de la glace), et pas juste un paramètre météorologique variable. Le froid devient un compagnon de route, qui selon les cas galvanise, tétanise ou rend fou en effet. Quelque chose qui finit par faire partie intégrante de notre métabolisme et avec lequel on doit composer en permanence.
Dans la nouvelle que j’ai eu l’honneur d’écrire pour ton recueil Respirer le noir, j’évoque le destin du grand météorologue allemand Alfred Wegener, disparu au cœur de l’Inlandsis lors d’une traversée, en 1930. Le corps de Wegener n’a jamais été retrouvé, mais l’un de ses compagnons de voyage est mort à quelques centaines de mètres seulement d’une station abritée. Ce fait divers montre à quel point la survie est un souci de chaque instant au Groenland, et encore aujourd’hui, pour mes personnages comme dans la « vraie vie ».
Le grand banditisme commence même à empiéter sur ces terres lointaines…
Par ricochet, en quelque sorte, parce que le Groenland fait toujours partie intégrante du royaume du Danemark, lequel est hélas l’épicentre de la criminalité organisée en Scandinavie, notamment au travers de ses gangs issus des bandes de bikers. Dans cette nouvelle aventure, Qaanaaq va découvrir bien malgré lui que ces enjeux majeurs de sécurité qui unissent les polices nordiques risquent de mettre son propre Politigarten de Nuuk en péril. Et ce faisant de remettre en cause sa propre présence au Groenland. Mais sans doute en ai-je déjà trop dit !
Tu travailles beaucoup ton écriture pour qu’on ait l’impression d’y être, et de ressentir presque physiquement ce que traversent tes personnages…
Tant mieux si c’est ce que ressent le lecteur. Je m’efforce en effet de considérer l’environnement et les paysages dans lesquels ils évoluent non pas comme un décor, mais comme un autre personnage à part entière. Avec lequel tous les autres protagonistes sont tenus d’entretenir des relations, parfois harmonieuses, parfois plus conflictuelles, en tout cas jamais indifférentes. Car dans ce pays, chaque instant rappelle l’empire que la nature exerce sur les hommes, et non l’inverse, comme nous avons l’illusion de le croire sous nos latitudes.
Vivre au Groenland, c’est établir un mode relationnel le plus apaisé possible avec nuna, la terre-mère, c’est cet effort constant que j’essaie de traduire à ma manière. Mais l’idéal serait de transmettre ces sensations au seul contact des doigts avec la page, sans même recourir à l’artifice des mots. Qui sait, un jour peut-être, j’y parviendrai…
Catégories :Interviews littéraires
Je suis pile entrain de le lire. Merci pour cette interview
Merci pour cet entretien ! Ca me donne envie de me replonger dans “Qaanaaq” et d’enchaîner avec la suite.
Bon lecture rafraichissante, alors !
Merci !