Hervé Commère fait partie des Intrépides qui ne se posent pas la question de ce qu’ils écrivent, ni dans quel genre il faut les classer.
Ses romans noirs sont souvent sortis du lot grâce à leur fibre sociale, humaniste. Ce qu’il lui faut ce n’est pas obligatoirement un mort, mais des personnages forts qu’il dessine devant nos yeux en nous disant : regarde et imagine le reste (si tu y arrives).
Passage de frontière
Le voilà donc qui franchit allègrement cette frontière invisible qui sépare artificiellement la littérature noire de la blanche.
Ce qu’il nous faut, c’est une bonne histoire. Et pour ce livre, même s’il elle n’est pas follement inventive, elle a ce côté romanesque du quotidien qui pousse à vraiment s’y attacher.
Ce qu’il nous faut, ce sont des bons personnages. Et le sel de ce récit vient bien d’eux. L’auteur ne joue pas l’extravagance, cherche à les rendre à la fois crédibles, en leur donnant suffisamment de caractère pour qu’on s’y agrippe le temps de quelques centaines de pages.
On va suivre leurs destins individuels qu’ils décident de rendre collectif pour sauver ce qui les lie. Un joli petit immeuble, cocon niché au milieu d’autres biens plus impersonnels.
Ensemble, la solution
Ils ont chacun leur vision de la vie, leurs fissures qui tendent à ce qu’ils se renferment sur eux-mêmes. Jusqu’à que cette idée folle émerge : trouver un moyen d’empêcher la vente, ou d’acheter (ou faire acheter) l’endroit pour le sauver de la démolition annoncée.
Parce que les uns et les autres sont attachés à ce lieu pour des raisons bien personnelles qui vont leur donner des ailes (enfin plutôt un taxi…).
L’union fait la force, même entre le bougon, l’égoïste, l’homme au secret ou la vieille dame au seuil de sa fin de vie.
Il suffit d’un déclic, d’une étincelle, pour raviver la flamme et redonner ce souffle de vie perdue. Ensemble, c’est LA solution.
L’écrivain garde foi en l’humain, même envers ceux qui sur le papier n’ont pas les qualités humaines requises. Il suffit parfois de gratter un peu la surface.
Fantaisie réaliste
Commère ne nous sort pas pour autant un roman feelgood plein de licornes et d’arcs-en-ciel. Son ton se veut positif, mais reste parfois aussi un brin désabusé.
J’ai trouvé que le premier tiers du roman manquait un peu de fantaisie, mais les personnages se révèlent au fur et à mesure des chapitres. Et l’’auteur lâche ensuite d’avantage les chevaux (du taxi, à défaut de licornes) et l’histoire s’illumine de fantaisie. Pour le plus grand plaisir du lecteur.
Mais toujours avec un pied dans le réel, sans surjouer cet aspect-là, et c’est bien vu.
Ce qu’il nous faut, c’est aussi une bonne fin, et elle n’est pas comme on l’imagine, ne tombe pas dans la mielleuse facilité. Et j’aime ça aussi.
Les Intrépides est un pas de côté (ou pas ?) d’un Hervé Commère qui prouve une fois de plus que, quelle que soit l’histoire, l’important ce sont les personnages et leur humanité. Et la folie et l’audace que peut construire le collectif.
Ensemble, on est plus fort, et surtout c’est humainement bien plus enrichissant, en voilà une jolie preuve.
Lien vers mon interview d’Hervé Commère au sujet de “Les intrépides”
Yvan Fauth
Date de sortie : 17 mars 2022
Éditeur : Fleuve
Genre : Fiction
4ème de couverture
Dans les situations critiques, tout dépend de l’audace.
Avec nos voisins, les rapports sont bons parce qu’ils sont inexistants.
Mais lorsqu’une lettre nous informe que l’immeuble sera bientôt mis en vente, et les locataires, mis dehors, tout bascule.
Car Valérie et moi, qui ne nous parlons plus, Bastien, le vendeur de savons qui se rêve en businessman, Suzanne, revenue finir sa vie dans le deux-pièces de sa jeunesse, et Dave Missouri, qui rase les murs avec son nom bizarre, nous nous découvrons un drôle de point commun : chacun possède une raison quasi vitale de ne pas partir d’ici.
Quand nous décidons de nous unir pour modifier le cours des choses, nous sommes loin d’imaginer que nous deviendrons inséparables.
Catégories :Littérature
Jolie chronique. Beau travail que tu as fait en mêlant les titres d’ Hervé Commère. Merci à toi Yvan. 🙏😘
Il me semble que tu as beaucoup aimé « ce qu’il nous faut c’est un mort » ;-). Je rejoins la plume de Lulu, actuellement tes chroniques déploient l’univers de l’auteur en mettant la lumière sur le petit dernier. Bien vu, bien pensé, bien dit ;-). Du fond et de la forme, certains devraient en prendre de la graine ! Bises 😘
oh oui que j’ai aimé ce livre-là à l’époque ! Pour le reste, merci pour tes mots; Autant essayer de concilier fond et forme, non ?
Ce n’est pas une évidence pour tout le monde 😉
chacun son truc ;-). Moi je reste dans le mien, je persévère
“L’union fait la force”, on connaît, en Belgique, mais on l’applique autant que votre “égalité, fraternité” :/
Génial la chronique avec les titres de ses précédents ouvrages 😉
Au moins Commère y croit encore.
Merci 😉
Il doit être le seul, le pauvre 😆