Que 1794 succède à 1793, rien de plus logique. Et pourtant, pour ceux qui ont lu cette première merveille de thriller historique, ce n’était pas couru d’avance. L’écrivain a trouvé un « subterfuge » assez génial pour faire le lien entre les deux.
Et puis, faire aussi bien que ce livre tenait de la gageure, tant il démontrait la richesse que peut proposer un excellent roman noir d’un point de vue historique, sociétal, distractif et humain.
Nouveau chef d’œuvre du thriller historique
1794 combine toutes les qualités du premier roman, en magnifiant le tout. Rien que ça.
L’accroche de la quatrième de couverture titre : « Le nouveau chef d’œuvre du thriller historique ». On connaît les excès de ce genre de présentation, pourtant je suis totalement de cet avis, avec ce roman qui me hante encore des jours après la fin de ma lecture. Et qui est bien plus qu’un thriller.
Ce récit est un étonnant voyage. Dans Stockholm, la ville sous les ponts. Dans un passé décrit avec tant de réalisme qu’on s’y croirait, tant on sent les odeurs et la crasse, la chaleur et le froid, les bruits ; un livre qui fait marcher les cinq sens. Et dans une plongée abyssale dans l’âme humaine, entre douleurs et noirceur.
L’histoire semble être construite de la même manière que la précédente, coupée en quatre actes autour des quatre saisons. Sauf que l’intrigue est bien différente.
Un livre qui mérite qu’on prenne le temps d’adaptation nécessaire pour s’immerger dans cette époque et ce pays. Sa richesse se dévoile ainsi, peu à peu.
Dureté de la condition humaine
D’ailleurs, durant la première partie des 530 pages, on croit presque s’être trompé de livre, tant le récit ne présente aucun lien avec ce qui est annoncé sur la quatrième de couverture. Une sorte de long prologue, indispensable pour s’attacher aux nouveaux personnages, qui nous emmène dans la touffeur d’une île bien loin de la Suède : Saint Barthélémy. En ce temps-là, la France venait d’offrir ce bout de terre aux suédois pour qu’ils en fassent une colonie, en échange d’un droit d’entrepôt sur le port de Göteborg. Les liens entre Suède et France étaient assez forts à cette époque.
La dureté de la condition humaine et de son (non) respect sur l’île ne sont que les prémisses du retour en terre suédoise. La vie il y a près de 230 ans tient davantage de la survie.
Dans ce contexte, après ce démarrage étonnant, c’est bien une enquête policière très singulière qui va se dérouler. Autour de personnages rencontrés dans 1793, et puis d’autres qui vont donner encore plus d’épaisseur à cette terrible aventure humaine.
L’auteur ose
L’intrigue du précédent était déjà audacieuse, mais ce n’est rien en comparaison de celle-ci. Pourtant, le crime en lui-même semble vite assimilé, mais ses conséquences rendent cette intrigue aussi originale que prenante. Et émotionnellement très forte.
L’auteur ose. Ose aller au fond des choses, allez loin dans la noirceur, déstabiliser le lecteur, malmener ses protagonistes.
De nombreux passages sont durs, très durs, mais sans jamais surjouer. Et toujours en nous emportant dans une touchante aventure faite de destins de femmes et d’hommes du peuple.
Jusqu’au final. Cette fin… Cette hallucinante fin… Qui a tourné en boucle dans ma tête durant des jours, entêtante, marquante comme peu arrivent à le faire. Le chef d’œuvre à l’intérieur du chef d’œuvre.
Empilement de superlatifs
J’ai tout à fait conscience d’empiler les superlatifs. Mais comment faire autrement pour appuyer l’immense émotion vécue.
Le tout, sublimé par une écriture magnifique, en phase avec l’époque, à la fois très travaillée et agréable à lire, pleine de finesse et follement évocatrice. Magnifiquement rendue par la traduction très soignée de Rémi Cassaigne, qui mérite d’être cité.
1794 est un roman noir exceptionnel, de ceux qui restent en mémoire pour longtemps. Un récit qui fait battre le cœur et nouer les tripes. Qui passionne par son intelligence, et est source d’immenses émotions.
Il n’y a plus de doute aujourd’hui, le talent Niklas Natt och Dag tient du génie.
Yvan Fauth
Date de sortie : 06 mai 2021
Éditeur : Sonatine
Genre : Roman noir / thriller historique
Traduction : Rémi Cassaigne
4° de couverture
Entre Le Parfum et L’Aliéniste : le nouveau chef d’œuvre du thriller historique !
Stockholm, 1794. Une nouvelle année commence sous le régime autoritaire du baron Reuterholm, conseiller du roi. À l’hôpital de Danviken, un jeune noble se morfond, tourmenté par le crime horrible dont on l’accuse. Dans une métairie de l’intérieur du pays, une mère pleure sa fille, assassinée lors de sa nuit de noces. L’affaire ne suscitant que peu d’intérêt, elle décide de faire appel à Jean Michael Cardell, un invalide de guerre qui, traumatisé par sa dernière enquête, n’a plus guère de raisons de vivre. Alors que ses investigations le mènent vers un mystérieux orphelinat, Cardell va bientôt se retrouver aux prises avec une étrange société secrète, les Euménides.
Après 1793, Niklas Natt och Dag nous plonge à nouveau dans le monde grouillant et pourrissant d’une fin de règne suédoise que la Révolution terrifie. D’une écriture toujours aussi évocatrice, noire et puissante, il captive le lecteur dès la première page, pour ne plus le lâcher. Mieux qu’un roman : une expérience fascinante.
Catégories :Littérature, Livre : les incontournables
Très belle chronique qui donne vraiment envie. Hâte de découvrir cette d’ufologie qui touche tous les sens lorsque le moment sera propice. Merci pour cet enthousiasme communicatif !
tu sais que moi quand ça fait marcher plusieurs sens, ça me parle 😉 (pensée spéciale au passage à Mayeras ou encore à Mention, qui sont aussi des magiciens des sens). Notre suédois-là est vraiment incroyablement doué pour donner vie au passé !
Tu noteras l’utilisation du mot ufologie par erreur (je voulais dire duologie) mais finalement… il peut s’employer ici 🤣
Bah pourquoi pas oui 😁
J’avais compris 😉
Oh, tu es allé à Saint-Barth !! Et tu es allé sur la tombe de Johnny, au moins ??? 😆
Ok, je sors tout de suite, mais pas avant de te chiper le livre 😉 J’avais adoré 1793 et je suis prête à repartir dans le temps pour lire l’année suivante 😛
voleuse ! Je pense que Johnny n’aurait pas reconnu l’île à l’époque
Rebonjour, j’ai trouvé que les deux romans étaient réussis même s’ils sont très noirs dans les intrigues. La Suède n’a rien à envier à d’autres pays à la même époque. J’ai peut-être une préférence pour le premier, plus retors. Bonne après-midi.