James Renner est un auteur étonnant, à tous les niveaux. Que ce soit dans ses romans de fiction ou ses enquêtes sur des affaires criminelles non résolues, sa manière obsessionnelle de traiter les sujets montre à quel point c’est une personnalité complexe.
Ses deux fictions sorties en France (L’obsession chez Super 8 et Pocket en poche) et Version officielle (Super 8) sont, pour moi de vraies merveilles du genre (mais quel genre, au juste ??).
Addict, qui sort chez Sonatine, nous permet de découvrir l’autre pan de ses écrits : le True crime, où il part enquêter,sur une disparition inquiétante (et aussi sur lui-même…).
Voici une interview aussi étonnante que passionnante sur un auteur à ne pas rater, si vous aimez être surpris.
Ma chronique de : Version officielle
Merci à Julie pour la traduction !
Comment construit-on la trame d’un livre de “True crime”, par rapport à une fiction ?
En fait, la préparation est très similaire. Je trouve un mystère qui m’intéresse – qu’il s’agisse d’un véritable crime ou d’une idée, comme un voyage dans le temps – puis je lance une recherche, en prenant des notes, en recueillant des documents et des entretiens jusqu’à ce que je connaisse suffisamment le sujet pour commencer à écrire.
Dans mes romans, je fais j’invente beaucoup et je construis un monde, mais je suis en fait plus restreint que lorsque je rends compte d’événements réels. Les choses qui se passent dans la vie réelle ne seraient pas crédibles si vous essayiez de les mettre dans un roman.
Ce livre est aussi une mise à nu personnelle, où vous vous dévoilez beaucoup, ainsi que le lourd passé de votre famille. C’était un besoin vital ?
C’est une addiction dangereuse. Vous pensez vraiment que cette obsession est liée à la manière particulière dont fonctionne votre cerveau (selon vos propres dires) ?
Je pense que c’est quelque chose comme du 60/40. 60% qui est relatif à la biologie – qui j’étais quand je suis né, comment mon cerveau a été câblé, et 40% qui est environnemental – comment j’ai été élevé, ce qui est arrivé à ma famille, etc… Lors de l’écriture de ce livre, un psychologue m’a dit que j’étais un sociopathe, pas très différent des hommes que je chasse. Mais j’en suis venu à croire que j’ai de l’empathie et de la compassion. Ou au moins la capacité d’en avoir. J’essaie de diriger mes obsessions vers quelque chose de productif, d’utile à ma famille. Je travaille dur pour être un meilleur partenaire et un meilleur parent.
Mais il y a quelque chose de très biologique dans tout ça. Mon corps ne règle pas le niveau de sérotonine de la façon dont il le devrait, alors je dois prendre des médicaments pour que cela fonctionne correctement et je dois rester prudent. Chaque écrivain, je sais bien, est sous Lexapro ou Cymalta ou quelque chose. Nous avons des esprits créatifs qui peuvent se retourner contre nous si nous les laissons faire. J’ai également étudié le bouddhisme, ce qui m’aide.
Dans votre livre, vous expliquez avoir dit à votre femme que votre enquête sur Maura Murray serait la dernière. Vraiment ?
Vraiment. Au moins jusqu’à ce que mes enfants ne soient plus à la maison. L’un des suspects dans la disparition de Maura Murray a tenté d’attirer mon fils de cinq ans, donc je dois garder ma famille à l’abri de ce genre de choses à l’avenir. Mais je me sens une certaine responsabilité à suivre les pistes des cas pour lesquels j’ai déjà travaillé – en particulier le meurtre d’Amy Mihaljevic. Alors oui, le dernier nouveau pendant un certain temps.
J’ai lu sur votre blog (My search for Maura Murray) que ce livre va devenir une série ?
Je croise les doigts ! Le brillant Richard Price a écrit l’épisode pilote et la société de Johnny Depp doit produire. Ça va être génial !
Et où en est l’adaptation cinéma de « L’obsession » ?
Fox le veut pour la télévision en 2018. Je devrais bientôt avoir des nouvelles à ce sujet. J’ai écrit les deux premiers épisodes et je vais aider à les produire avec Working Title et NBCU.
C’est ce que vous aimez écrire, des récits loin des versions officielles (titre français de votre roman « Version officielle ») ?
« Version officielle » est sorti en 2015 aux États-Unis. Certains passages résonnent d’une autre manière depuis l’arrivée de Trump au pouvoir…
Nous mettons tant de confiance dans ce que nous apprenons de nos livres d’histoire. Mais ces livres sont écrits par les gagnants, par des personnes ayant un agenda et une volonté de rester au pouvoir. Pourquoi devrions-nous leur faire confiance si aveuglément ?
Même si ce roman est parfois franchement flippant, vous semblez vous être beaucoup amusé à écrire « Version officielle », non ?
Avec Version officielle, j’ai essayé d’imaginer à quel point les grands capitalistes secrets, gourmands et auto-centrés pourraient détruire les États-Unis pour leurs propres intérêts. Je n’aurais jamais pu imaginer que nous allions effectivement élire un homme pour le faire pour eux.
J’ai eu le plus grand plaisir à l’écrire. J’aimais regarder X-Files et La quatrième dimension quand j’étais enfant. Version officielle me fait jouer dans le même bac à sable. C’est une lettre d’amour aux théories du complot.
Peut-on aussi voir vos différents livres, livre de True crime et fictions, comme des devoirs de mémoire, pour ne pas oublier le passé et les victimes ?
S’il y a un thème se dégageant de mon écriture, c’est que la mémoire forme la trame de cette vie et si on l’oublie, c’est comme effacer quelques chapitres d’un livre – et comment est-on censés apprendre quelque chose d’un livre dont il manque des chapitres ?
Catégories :Interviews littéraires
Très belle interview Yvan ! Intéressant ce James Renner 😉
aussi étonnant que passionnant personnage !
J’ai vu passer son livre, j’ai hésité, me disant que j’allais attendre que les autres en parlent pour savoir si oui ou non je me laissais tenter.
Par contre, je ne savais pas que le gamin de l’auteur avait reçu des menaces… putain, ça va loin ! Maintenant, je voudrais en savoir plus sur l’affaire.
Il s’en passe des choses dans la vie de Renner…
Putain, c’est comme dans celle de Ghislain Gilberti, attaqué par un taré !
Menacé plutôt, tu verras si tu lis le livre
Pas encore commencé, je sais que c’est du lourd de chez lourd niveau violence.
Non ce n’est pas un livre violent. C’est une enquête de terrain doublée d’une quête personnelle
Le livre de Gilberti ??? Non, lui il est violent, celui de Renner ne l’est sans doute pas !
Ok j’avais mal compris pardon
Pas de soucis, tu m’as fait peur, j’ai cru que le roman de Gilberti était pour les tits n’enfants car tout gentillet ! 😆
Je suis heureuse d’apprendre que le cinéma et la TV s’intéresse au talent immense de cet auteur!
À suivre oui, ça le redonne envie de rallumer la TV 😉
non, ça me donne envie d’être malhonnête …. tu vois ce que je veux dire…