Johana Gustawsson vient de publier un roman étonnant chez Bragelonne le 21 octobre 2015 : Block 46. Un mélange détonnant ! Imaginez une histoire contemporaine de serial killer, ainsi que des retours vers les horreurs du passé et les camps de concentration.
Une thriller très sombre qui respecte le devoir de mémoire. Il me fallait absolument lui donner la parole pour échanger sur elle et de son roman.
Lien vers ma chronique de Block 46
C’est moi qui vous remercie Yvan… si en plus vous m’offrez à boire !
Un verre de vin rouge ce serait parfait. Un bordeaux ?
Question rituelle pour démarrer mes entretiens, pouvez-vous vous définir en trois mots, juste trois ?
Folle à lier. Quelqu’un m’a aussi surnommée « la petite assassine ».
Comme c’est votre premier roman en solo, qui êtes-vous Johana ?
Je suis une Marseillaise d’origine espagnole qui vit à Londres avec ses deux vikings et un gigantesque stock de romans policiers, et qui passe son temps à imaginer la meilleure façon de zigouiller d’innocentes victimes. Quand je vous le disais : je suis folle à lier !
Vous êtes le premier auteur français à être publié dans la nouvelle collection de thrillers de l’éditeur Bragelonne. C’est un sacré gage de confiance, non ?
Un sacré gage de confiance, oui… Pour être honnête, j’ai du mal à réaliser ce qui m’arrive, c’est un « pince-moi je rêve » quotidien.
Mais sans Lilas Seewald, mon éditrice – ou plutôt ma fée de plume, comme je la surnomme – et la formidable équipe de Bragelonne, rien de tout cela ne serait arrivé…
Passons au plat. Si vous aviez le choix, qu’aimeriez-vous manger là, tout de suite ?
Un steak. Bleu. Avec sauce au roquefort. Et un gratin dauphinois préparé par ma grand-mère. Est-ce que ça vous va ? Vous n’allez pas me laisser dîner toute seule, n’est-ce pas ?
En effet. Mon grand-père paternel a été déporté au camp de Buchenwald en 1943. Il a été un des héros de la libération du camp, le 11 avril 1945.
Une des rues d’Aubagne, la ville où j’ai grandi, porte d’ailleurs son nom.
Comment vous est venue cette idée étonnante de mélanger une thématique si actuelle avec ce pan douloureux de notre Histoire ? C’était une idée un peu casse-gueule, non ?
Les années de détention de mon grand-père à Buchenwald ont hanté notre histoire familiale ; l’envie d’écrire à ce sujet a toujours été présente, mais elle a ressurgi lorsque mon père est tombé gravement malade, en 2009. Certainement un désir de permanence, d’éternité, alors que je me sentais déracinée. Et nous savons bien que seuls les mots sont éternels…
A l’époque j’écrivais Je voulais te dire, le livre d’entretiens avec la comédienne Laëtitia Milot, et je travaillais encore comme journaliste. J’ai donc dû juguler ce désir d’éternité, jusqu’à ce qu’il devienne dormant. Lorsque je suis tombée enceinte de mon fils, ou plutôt lorsque j’ai réalisé que j’allais devenir mère, ce désir s’est matérialisé.
J’ai alors cherché comment mêler – avec une honnêteté historique – cette sale page de notre Histoire avec mon genre favori : les romans policiers. Et la gestation de Block 46 a commencé.
Vous disiez que c’était une idée casse-gueule. Vous savez quoi ? C’est certainement la naïveté et/ou l’enthousiasme du premier roman, mais je n’y ai pas pensé ! Et heureusement d’ailleurs, sinon la peur m’aurait certainement paralysée ! Je me suis juste jetée à corps et cœur perdus dans la construction de mon histoire en passant énormément de temps à me documenter. Et en y prenant un plaisir fou.
Votre récit se déroule entre Londres et la Suède. Pour une frenchy, vous semblez particulièrement bien connaître ces deux environnements si différents !
Londres est devenue ma ville il y a près de sept ans. Je suis venue y rejoindre celui qui allait devenir mon mari, et depuis, je suis devenue une Londonienne convertie et avertie ! Ce sont d’ailleurs nos balades dominicales dans les bois d’Hampstead, à deux pas de chez nous, qui m’ont donné l’envie d’y enterrer mes victimes.
Quant à la Suède, c’est mon mari, viking accompli, qui m’a fait découvrir le pays, la culture, et ce que j’appelle les « Suédoiseries » : toutes ces petites choses qui vous émerveillent, vous séduisent, vous surprennent ou vous font dire : « mais ils sont fous, ces Suédois ! »
Comment avez-vous procédé pour vos recherches, tant en ce qui concerne les tueurs en série que les camps de la mort ?
C’est un peu embarrassant de révéler ça… mais j’ai fait toutes ces recherches lorsque j’étais enceinte, au lieu de m’occuper des layettes. Je ne vous dis pas la tête des gens qui me voyaient avec ma grosse bedaine en train de lire des livres sur les tueurs en série, la psychologie criminelle et la médecine légale !
Deux profileurs m’ont également énormément aidée dans mes recherches : le formidable Lee Rainbow, anglais, qui a aiguillé mes lectures et a répondu à mes incessantes questions, et le profileur canadien Carl Sesely. Le technicien de scène de crime suédois Lars-Åke Nordh, m’a quant à lui éclairée sur toutes les questions de procédure – et dieu sait que j’en avais – des emails patiemment traduits par mon petit mari.
Il y a eu également d’autres personnes généreuses avec le temps qu’elles m’ont consacré, comme l’experte en médecine légale Sonya Baylis ou encore le sculpteur Pablo Posada Pernikoff.
Est ensuite venue la phase la plus douloureuse des recherches : celle concernant les camps de concentration et les crimes nazis. Les récits, les témoignages, les fragments laissés par mon grand-père, toutes ces lectures m’ont été intolérables. J’en connaissais déjà beaucoup sur le sujet, mais me plonger dans l’univers des camps m’a profondément secouée et révoltée.
Vos deux enquêteurs principaux sortent du schéma habituel des thrillers en proposant deux femmes étonnantes et atypiques. Était-ce une volonté de sortir des clichés ou alors c’est votre coté féministe ?
J’ai suivi mon désir… ou plutôt mes rêveries.
Je suis une rêveuse ; Emily et Alexis sont nées au fil de mes lectures. Elles se sont pointées dans mon esprit avec une telle détermination que je ne pouvais que leur donner la parole.
On sent bien qu’il y a matière à retrouver ce duo d’enquêtrices dans le futur, c’est votre sentiment également ?
Figurez-vous, Yvan, que je viens d’apprendre qu’il y a eu un nouveau meurtre à Falkenberg.
Emily Roy est sur l’affaire et Alexis Castells s’y retrouve douloureusement et dangereusement mêlée…
Et pour terminer, je vous invite à choisir votre dessert préféré…
Ma grand-mère Ginette va devoir repasser derrière les fourneaux : ses îles flottantes sont « to die for » comme disent les British : un petit bout de paradis qui fond dans votre bouche…
PS : Johana Gustawsson a monté un très beau site internet, qui parle d’elle, de son roman et de ses recherches en lien avec les camps, Londres et la Suède. A visiter en suivant ce lien
Catégories :Interviews littéraires
Merci pour cette interview passionnante 🙂
T’as pas à remercier m’enfin ! Juste profiter ;-). la bise mon ami
La bise 🙂
Heu si j’hésitais (un peu) hier, là je suis entièrement convaincue!!!!Belle interview très humaine et ultra funny aussi!!!!;) Je me le note !!!!!
Eheh oui passionnant et marrant 😉
Le hasard a fait que j’ai ajouté hier ce livre à ma liste. Après cet interview, je me vois conforté dans mon choix. Merci!
Bonne lecture, alors !
Bon ça y est le bouquin est dans ma PàL. J’aurai parié que l’auteur était suédoise 🙂
c’est parce que son mari est suédois 😉
Très chouette entretien, sympa la p’tite dame de Londres.