Interview d’attaché de presse 2014 – Gilles Paris

Gilles Paris est connu pour son immense talent d’écrivain et son univers si personnel. Son tout dernier roman L’été des lucioles est, à ce titre, une nouvelle petite merveille (encore une).

Mais Gilles Paris a aussi une autre casquette, toujours dans le milieu du livre, puisqu’il est attaché de presse. Cet entretien est l’occasion découvrir cette autre facette de son engagement littéraire et de mieux connaitre ce métier de l’ombre qui est si indispensable aux auteurs.

Un immense merci à Gilles pour avoir donné si gentiment et si passionnément suite à ma demande.

Photo Gilles Paris 2 -® David Ignaszewski-koboy (Copier)

Lors de notre précédent entretien concernant ta casquette d’auteur, je te demandais de te définir en 3 mots, juste trois. Tu m’avais répondu « Tendre, indépendant, fonceur ». Et si tu devais te plier au même exercice pour ton métier d’attaché de presse ?

 Patient, lucide, organisé.

Les lecteurs sont curieux de connaître les différents métiers en lien avec le livre. Au quotidien, comment résumerais-tu cette fonction d’attaché de presse ?

 Nous sommes une passerelle entre l’auteur et les médias, ses déplacements en salon du livre et en librairie… que nous l’aidons à franchir au mieux pendant les six mois où nous nous occupons d’eux. Nous les accompagnons tout au long de la promotion du livre, sur les plateaux des émissions de TV pour les plus chanceux, ou dans les régies des radios.

C’est un métier de l’ombre, où il faut savoir rester en coulisse et être présent. Nous gérons aussi bien le contact avec l’ensemble des médias tous genre confondus, de la stratosphère des blogs aux émissions de radios en province, nous essayons de les occuper au mieux, et d’être à leur écoute.

Toutefois la promotion est parfois cruelle sur certains titres, ou maisons d’éditions plus petites en taille que les médias nationaux ignorent pour la plupart du temps.

Depuis 30 ans ce métier a beaucoup évolué, et hélas pas dans le meilleur sens du terme. Bien sûr il y a parfois de bonnes surprises, mais elles sont rares ou attendues. A la défense des journalistes, trop de livres à traiter, impossible, même avec l’aide d’un attaché de presse, de tous les lire. Je suis très lucide sur notre fonction et parfois agacé de ne pas faire mieux pour un livre que j’ai aimé.

Ça change quoi au quotidien de vivre cette profession en tant qu’indépendant ?

 Une certaine liberté du choix des titres, et surtout du refus d’autres. Si je sens que la demande est plus forte que le marché, je préfère refuser un contrat plutôt que de décevoir l’éditeur et ou l’auteur dans leur démarche qui me semblent trop éloignées de la réalité.

La plupart du temps, être indépendant, et surtout avoir créer une SARL en ce qui nous concerne, demande à être présent six jours sur sept, et souvent le dimanche aussi. Les lundis sont parfois difficiles…

Mais la communication est plus qu’un métier, c’est un échange, une manière très particulière de mettre les livres en avant et ça me plait. Même si les journalistes nationaux ne sont pas toujours faciles à atteindre…

Sur quels critères te bases-tu pour choisir les auteurs et les livres à soutenir ? Comment se fait le choix final ?

 Ce sont les maisons d’édition qui viennent vers nous, et nous proposent des auteurs. Nous acceptons leurs titres la plupart du temps. Parfois des auteurs nous imposent dans leur contrat, mais ils sont rares et sont d’ailleurs devenus de véritables amis (très rare dans ce métier) comme Janine Boissard ou Catherine Hermary-Vieille.

L’attaché de presse intervient autant en amont d’une publication qu’en aval pour la soutenir. Quelle est, selon toi, l’étape la plus compliquée ?

 L’auteur ne choisit pas son attaché de presse la plupart du temps. Il y a donc, naturellement un temps d’adaptation; il faut apprendre à se connaitre et se faire confiance. L’étape la plus compliquée est généralement quand l’auteur se rend compte, malgré nos efforts à tous, que son livre ne va pas caracoler en tête des ventes, ou plus simplement qu’il n’atteint pas les espoirs envisagés…

Mais il y a d’autres étapes compliquées, quand il faut lui expliquer pourquoi il ou elle ne passeront pas chez Ruquier, et pourquoi ils n’auront pas Télérama, les Inrocks et/ou Libération. Ou même Elle ou le Madame Figaro, ou encore telle émission sur Europe 1 ou RTL… Sans compter les annulations parfois et le désenchantement qu’il faut savoir écouter et apaiser.

Vu le nombre impressionnant de romans publiés chaque année, le travail de communication a dû foncièrement changer au cours des dernières années…

Oui, je le disais plus haut. En même temps les médias et les blogs se sont multipliés et la France reste en Europe, et même aux Etats-Unis, le pays le plus riche en médias. Donc il y a de quoi faire ! C’est un travail qui demande souvent beaucoup d’organisation et de priorités sur les premiers appels. Chaque semaine je prépare tous les appels prioritaires que je dois faire pour l’ensemble de mes auteurs. A condition de ne pas se laisser déborder par toutes les urgences, ceux qui n’ont aucune organisation (ils sont nombreux), et d’arriver à joindre ces journalistes !

Je favorise les appels, car les médias reçoivent trop de mails. J’en fais parfois pour une mise au point ou des relances. Car le fort de notre agence est aussi de relancer l’ensemble du service de presse envoyé… Et croyez-moi, ce n’est pas une mince affaire, car le silence est plus souvent présent qu’une réponse attendue ! Réussir à faire lire un livre qui au départ, n’était pas dans la bonne pile, c’est déjà pas mal. 

Il y a peu d’hommes dans cette profession, comment l’expliques-tu ?

 Probablement parce que c’était une profession plus féminine au départ, mais les temps changent. J’en connais plusieurs qui font la même profession à ce jour dans le milieu de l’édition. Et c’est mieux ainsi, cela équilibre aussi le rapport entre un attaché de presse masculin et des auteurs féminins.

Quel est ta position par rapport au numérique ?

 Tout ce qui peut aider le livre est bon pour le livre. La France est encore très à la traîne sur ce domaine. Le numérique progresse, mais lentement, contrairement à d’autres pays.

La situation du marché du livre est compliquée, crise oblige. Comment vois-tu l’évolution de la profession ?

 Les maisons d’édition auront toujours besoin de communicants. Et trop d’auteurs, toujours, pour ne les gérer qu’en interne. Après, j’avoue que je ne sais pas à quoi ressemblera l’édition dans dix ans. On verra !

A ton sens, quelle place et quel rôle tiennent les blogs par rapport aux médias traditionnels ?

 J’aimerai bien qu’un grand éditeur commande une enquête à ce sujet. Ce serait le moment. Livres Hebdo et Bernard Fixot l’ont fait, mais trop tôt, il me semble. Les avis sont parfois contradictoires.

Je travaille beaucoup avec les blogs et j’en profite pour les remercier tous ici de l’aide qu’ils apportent à l’agence. Sans eux, parfois, je n’aurais pas grand chose sur certains de mes auteurs boudés par les médias nationaux… Et puis pour moi ce sont surtout des lecteurs, comme ceux ou celles qui les lisent. Aujourd’hui sur les portails, Babelio, Livraddict, Amazon etc, ce sont leurs critiques qui sont retenues et non celles des médias nationaux. 

Peux-tu nous présenter les tous derniers livres que tu as soutenu ?

Mémoire Fauve de Philippe Will (Alma Editeur) est un premier roman hybride, étonnant, psychanalytique à souhait, troublant, déroutant, et très bien écrit. Il m’a bluffé par l’invention d’une langue sous pulsation.

La chambre d’Hannah de Stéphane Bellat (MA Editions) m’a séduit par son histoire et sa construction habile en deux époques bien distinctes. Entre le devoir de mémoire et une belle histoire émouvante et accessible à tous. 

Tu es donc également un auteur (de grand talent !). Est-il compliqué de concilier les deux métiers et de se retrouver de l’autre coté de la barrière ?

 Oui c’est parfois difficile car je tiens à séparer les deux, nettement. Le seul lien évident est que je comprends aussi bien leurs joies et leurs angoisses. Mais en dehors des auteurs qui sont devenus avec les années de véritables amis, je ne tiens pas à parler de mes livres avec les auteurs que je défends. La discrétion me semble primordiale. Je connais trop ce milieu et me protège autant que je peux.

Le mot de la fin ?

Prenez le temps de lire, c’est fou le bien que cela fait !

http://www.gillesparis.com
Twitter : @GillesParisCom 

Pour retrouver l’univers de l’auteur :

Ma chronique de L’été des lucioles

L’interview thématique sur ce livre

 



Catégories :Interviews d'attaché de presse

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18 réponses

  1. Passionnant entretien que ce moment avec Gilles Paris. L’homme est semble-t’il à l’image de l’auteur, sensible et chaleureux. Et nous apporte un éclairage intéressant sur les rapports entre les média et le monde de l’édition. Instructif…

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      content que cet entretien te plaise mon cher Vincent; Oh oui Gilles est une personne sensible et chaleureuse 😉

  2. je confirme : sensible, chaleureux.
    et passionnant !

    merci pour l’interview

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      merci à toi de confirmer 😉

  3. Passionnant ! Mais un job que je n’aimerais pas faire, travailler avec ma passion, ça risquerait de me la faire prendre en grippe 😉

    En tout cas, j’ai passé un bon moment à lire les réponses de ce monsieur aux questions posées par un autre monsieur 😀 Super, Yvan !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      ah ben non, va pas attraper un autre virus ! 😉
      Merci toi !

  4. Une nouvelle fois, merci Yvan, pour cette mise en avant des différents métiers du livre. Celui-ci est cependant à part. C’est plus un métier de la communication comme le souligne d’ailleurs monsieur Gilles Paris. J’ai l’impression qu’ils ont de la chance les auteurs défendus par ce monsieur, non ?

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Je suis certain que les poulains de Gilles Paris ont une chance incroyable 😉

  5. Waouhhh…c’est super intéressant…On sent que Gilles fait ce boulot avec coeur et j’adore ça!!! Dans une autre vie…je serai tentée par ce métier qui me fait rêver tiens!!! Soutenir, encourager, aider et faire connaitre un jeune auteur…ça doit être géant même si pas toujours facile!!!

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      oh non ça ne doit pas être simple, je pense qu’il faut une sacré force de caractère et le feu sacré 😉

      • J’ai déjà le feu!!!!ahahahah

        • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

          crinière de feu, je vais t’appeler 😉

  6. Bravo pour cette interview inédite et intéressante. Gilles Paris est un très bon communicant qui allie sympathie et compétence.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      merci à toi pour ce gentil commentaire et ton enthousiasme 😉
      Je confirme que je perçois Gilles Paris de la même façon que toi

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