Mirror Bay – Catriona Ward

Cette histoire est bien davantage que ce qu’il semble être. Catriona Ward nous plonge au cœur d’une fiction labyrinthique avec ce Mirror Bay au titre énigmatique mais qui donne le ton.

A l’image de son précédent et étonnant roman, La dernière maison avant les bois, l’autrice brouille à nouveau les pistes avec ce texte inclassable.

Inclassable

Un thriller ? Par certains côtés oui, mais au premier chef une histoire d’amitiés adolescentes. Du moins dans sa première partie. Comme avec le précédent, que les lecteurs sachent qu’ils ne lisent pas le livre qu’ils pensent lire…

Une première moitié plutôt classique, donc, qui permet de mettre en scène un groupe d’ados auquel on s’attache, à travers une sorte de biographie non publiée de l’un d’eux.

Avec au fur et à mesure de marquantes phrases sur l’écriture, comme celle-ci : « Les écrivains sont des monstres, quand on y pense. Ils dévorent tout ce qui passe à leur portée ».

Kaléidoscope

La suite est difficilement racontable, sauf à dénouer les ficelles d’une intrigue en forme de puzzle, un kaléidoscope qui va projeter ses éclats de lumière (et de ténèbres) aux quatre coins des pages.

L’écrivaine va vous balader, et vous allez aimer ça si vous recherchez autre chose qu’un banal récit linéaire. Après une mise en place qui prend son temps, la construction en forme de poupée gigogne devient peu à peu complètement dingue.

Je me suis demandé si l’autrice n’allait pas se perdre en chemin, où elle comptait aller. Force est de constater qu’elle maîtrise son affaire jusqu’au bout, à coups de retournements de situation qui font perdre la tête. Alors, autant lâcher prise et se laisser porter.

Métafiction

C’est le genre de livre qu’on a envie de relire pour comprendre comment il nous a amenés à cette finalité, comment on a pu être bringuebalé de la sorte.

Peut-on faire confiance au narrateur ? Peut-il se fier à lui-même ? Peut-on échapper à sa propre histoire ? Le lecteur est plongé littéralement dans un livre dans un livre qui va l’obliger à remettre en cause ce qu’il croit.

Il y a un terme pour ça, la métalittérature ou métafiction. D’où le titre français. Une narration élastique qui interroge la fiction, ses mécanismes. Et Catriona Ward va très loin dans ce concept vertigineux.

Construction dingue

Mais n’allez pas croire que ce n’est qu’un exercice de style. Les personnages sont au contraire le cœur, développés avec soin, partageant différents points de vue et perceptions. Ces perspectives qui changent selon le mode de narration (qui sont multiples) racontent des histoires personnelles, et le labyrinthe en est encore plus surprenant.

Ce que cela dit des protagonistes autant que cette structure sophistiquée donnent un récit tordu et dérangeant. Où il est question, entre autres, de la mémoire, de traumatismes et de trahison.

Catriona Ward est une autrice à part qui renouvelle le genre (mais quel genre ?), en développant des intrigues audacieuses au possible. Mirror Bay en est un nouveau bel exemple, entre psychologie fouillée, tension palpable et surprises de taille.


Yvan Fauth

Sortie : 07 mars 2024

Éditeur : Sonatine

Genre : Thriller psychologique

Traduction : Pierre Szczeciner

Prix : 23 €

4ème de couverture

Plus qu’un magistral roman de genre, d’une singularité confondante, Catriona Ward nous propose ici une réflexion sur la mémoire, le passé, les traumatismes et les récits que l’on s’en fait. Un ouvrage qui hante le lecteur bien après avoir refermé la dernière page.

Été 1989. Les parents de Wilder Harlow viennent d’hériter d’un cottage dominant les côtes du Maine. L’adolescent, plutôt mal dans sa peau, fait la connaissance sur la plage d’une jeune fille, Harper, et d’un garçon, Nathaniel. Très vite, le trio devient inséparable. Mais malgré le tableau idyllique du bord de mer, des balades en bateau, des amitiés naissantes et des secrets partagés, des rumeurs courent à Whistler Bay. On parle d’une mystérieuse noyée dont le corps n’a jamais été retrouvé, d’un homme qui s’introduit la nuit dans les foyers pour prendre en photo les enfants pendant leur sommeil… Bientôt, l’inquiétude est avivée par des événements beaucoup plus sombres. Pour les trois adolescents, les portes de l’enfance se referment à jamais. Profondément marqué, Wilder entreprend de rédiger ses mémoires. Prenant un visage totalement inattendu, l’horreur frappe à nouveau…

Après La Dernière Maison avant les bois, Catriona Ward joue une fois encore avec nos nerfs. Et de quelle façon ! Plus qu’un magistral roman de genre, d’une singularité confondante, elle nous propose ici une réflexion sur la mémoire, le passé, les traumatismes et les récits que l’on s’en fait. Un ouvrage qui hante le lecteur bien après avoir tourné la dernière page.



Catégories :Littérature

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13 réponses

  1. Le précédent était déjà pas mal tordu, si celui ci est « pire « , je succomberai sans doute!

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      « pire » ? Je ne sais pas, différent, mais tordu ça c’est clair !

  2. Collectif Polar : chronique de nuit – Simple bibliothécaire férue de toutes les littératures policières et de l'imaginaire.

    Tu me le recommandes ?

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      ça dépend de ce que tu recherches actuellement 😉

  3. Hou la la. Métafiction ? Ça m’a l’air bien tricoté. Merci à toi pour la chronique 🙏 😘

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      tu n’aimes pas le tricot ? 😉

  4. ducalmelucette – Du calme Lucette est un blog à forte tendance littéraire. Mais pas que !

    J’ai beaucoup aimé « La dernière maison avant les bois » 🙂

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Il faut tenter celui-ci alors 😉

  5. Lilou – passionnée d’égyptologie, amoureuse du Québec, adore les arts et la culture, lectrice compulsive, chroniqueuse...

    oh lala, ça m’a l’air bien perché !!! je note, mais pas en haut de ma PAL ! 😉

  6. Ludivine – Franche-Comté, France – Lectrice curieuse, je partage mes découvertes de romans et bandes dessinées sur Vingt et une pages, un blog littéraire et décontracté ! ☕🍃

    La couverture me plaît beaucoup, et je dois dire que cette construction en forme de poupée gigogne c’est une image qui m’intrigue et me donne envie d’en savoir plus. J’aime ton sens de la formule Yvan 😉 Merci pour la découverte !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Le livre démarre doucement, on ne peut le juger qu’à la fin, une fois encore avec cette autrice. Merci pour tes mots !

  7. Nath - Mes Lectures du Dimanche – Livres, ongles & Rock 'n Roll

    Honnêtement, j’ai été déçue du précédent parce que j’avais deviné où elle nous emmenait. Du coup j’hésite pour celui-ci !

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