Maturité
Le premier roman de Jax Miller, Les infâmes, avait déjà fait forte impression. On y découvrait une lumière noire braquée sur une partie de l’Amérique, une peinture au vitriol laissant des marques indélébiles.
Mais que dire alors de ce second livre ? Comment ne pas tomber dans la dithyrambe excessive alors que j’ai juste envie d’énumérer les superlatifs.
Candyland est un livre tellement fort qu’il marquera mon esprit pour très longtemps. Combien de romans m’auront fait ressentir autant d’émotions contradictoires, autant d’enthousiasme pour chaque chapitre lu ? Ils sont peu, vraiment peu. Subjugué, chamboulé, sidéré, enthousiasmé…
Jax Miller est américaine, elle a donc une légitimité pour raconter l’Amérique (profonde) – la ceinture de rouille de l’Amérique, comme l’endroit est décrit dans le livre. Mais elle vit désormais en Irlande, et j’imagine que sa manière d’écrire en a été peut-être influencée.
Car ce qui frappe en premier, c’est la qualité d’écriture de la dame, d’une incroyable maturité, donc. Oserais-je dire que j’ai parfois pensé au sieur Ellory, en version plus cynique, avec cette manière de décrire l’Amérique d’un œil anglo-saxon (au sens large du terme). Le genre de maîtrise qu’on retrouve habituellement chez un auteur ayant écrit nombre de récits…
Partition noire, en quatre temps
L’histoire se déroule dans un coin paumé des USA, entre une ancienne sur-polluée cité minière et les montagnes des Appalaches (point commun avec Délivrance, ce n’est sans doute pas un hasard, par son coté parfois bestial). Et puis, il y a la communauté amish, omniprésente tout en étant à part de cette société américaine profonde.
Plusieurs communautés vivant presque en autarcie, pourtant interconnectés à travers ce récit. Un microcosme sur de vastes étendues et comme une sorte de lien de consanguinité malsain entre tout ça. On y retrouve des thèmes déjà évoqués dans son premier roman, comme l’enfantement et les communautés, justement.
Jax Miller nous rejoue la partition des quatre saisons, en quatre temps, à travers ce récit sublimement construit entre passés – au pluriel ! – et présent. Une intrigue, loin d’une sucrerie, d’un noir profond mais où pointent des rais de lumière qui lui donnent un relief particulier. De vraies montagnes russes d’émotions !
Personnages sublimement construits
Certains passages sont d’une violence difficilement supportable mais toujours d’une justesse incroyable. Certaines surprises sont tellement dingues que j’ai dû faire des pauses pour mieux m’en imprégner (et m’en remettre…). Rien n’est gratuit et l’amour est tout aussi présent, aussi fort (et pervers) que le reste.
Et que dire des personnages… Jax Miller a pris soin de parfaire aussi bien ses protagonistes masculins que féminins. Des êtres marqués dans leurs chairs tout comme dans leurs âmes. Avec l’environnement dans lequel ils se meuvent, ce sont eux le centre du roman, le sens du tout. Surtout que l’auteure prend le temps de développer cette intrigue aux multiples ramifications (575 pages), sans qu’il n’y ait aucune longueur pour autant.
Avec Candyland, Jax Miller, par son écriture racée et super expressive, par son intrigue ahurissante et par ses personnages mémorables, nous propose un roman noir crépusculaire qui frise la perfection. Inoubliable.
Sortie : 31 août 2017
Éditeur : Flammarion/ Ombres noires
Genre : Roman noir
Traduction : Claire-Marie Clévy
Ce que j’ai particulièrement aimé :
Tout ! L’intrigue, les personnages, l’atmosphère, la construction, l’écriture…
Extrait :
D’après Braxton, il y avait un jour où Dieu avait décidé qu’il avait trop de pain sur la planche. Il avait pris un fléchette, léché la pointe et l’avait lancée au hasard sur le monde. “Quelle ville vais-je abandonner, pour alléger mon fardeau ?” s’était-Il demandé. La fléchette avait filé tout droit sur Cane et s’était fichée dans sa colonne vertébrale alors qu’elle se recroquevillait de peur, pour la paralyser et s’assurer qu’elle mourait de mort lente. Voilà ce qu’était Cane : les ruines d’une cité oubliée. Sodome et Gomorrhe, une merde de chien collée à la semelle de Dieu.
4° de couverture :
Candyland n’est pas un conte ordinaire. C’est l’Amérique.
Il était une fois Sadie Gingerich, ancienne amish, seule dans sa confiserie d’une ville minière de Pennsylvanie. Sa vie va brutalement changer lorsque son fils est assassiné par sa petite amie, Allison.
Cruauté du destin, Sadie fait la rencontre de Danny, le père d’Allison, en proie à ses propres démons. Leurs lourds passés et le choc du meurtre s’entremêlent pendant l’enquête de police, révélant une vérité indicible.
Entre les doux pâturages de la communauté amish, les montagnes isolées du Nord et les villes minières abandonnées de la Rust Belt, la vie et l’amour sont broyés, laminés par la drogue et la pauvreté de l’Amérique rurale. Un lieu où les rêves ne se réalisent pas, où les fins heureuses n’existent pas.
Catégories :Littérature, Livre : les incontournables
C’est exactement.ce.que j’ai ressenti
Et comme.toi.j’ai pensé à RJ mais je n’ai pas osé le dire
Merci à toi pour cette super belle chronique qui dit tout tout tout ce que j’ai aimé
Disons le clairement, j’étais en cours de lecture quand tu m’as dit que ça te faisait penser à Ellory et ça m’a sauté aux yeux ! (même si leurs styles sont différents, il y a comme une connexion). Ce livre doit être lu par le plus grand nombre !
Je ne l’ai pas encore lu, mais ça va venir, c’est sûr !! J’ai eu la chance de la rencontrer (lors de la remise du prix des lectrices de ELLE) c’est une nana très chouette ! Qui a eu un début de vie difficile, violent, qui ressort dans ses romans.
oui, souvent les difficultés d’un début de vie font des grands écrivains. Et s’en est un !
Il était dans ma liste, il va passer dans la PàL c’est certain 🙂
eheh merci de ta confiance 😉
J’ai adoré Les Infâmes, il me tarde donc de lire celui-ci ! Avec un avis si élogieux en plus… Merci !
Merci à toi ! Tu devrais aimer, il est différent, mais incroyablement prenant et touchant
Hé ben. … après ça comment résister ? ?
Tu ne peux pas 😉
Clairement non. .. lol
En même temps, c’est pas comme si je ne te l’avais pas offert 😉
En même temps. .. hi hi 😉
hello yvan, dans ma pal depuis quelques jours, je crois que ce sera le suivant dans ma lecture.
merci pour cette chronique.
je t’ai donc convaincue, je suis content 😉
Je ne connaissais pas mais tu viens de m’intriguer et de titiller mon intérêt, alors que je venais de me promettre de ne plus acheter de livres avant un petit moment !! ^^
j’ai réussi ce que j’espérais alors, merci d’être réceptive à mes mots ! Et tu tiendras ta bonne résolution après celui-ci (ou encore après un autre) 😉
Je pense que je me serais avouée vaincue bien avant ^^
Nous sommes faibles 😉
Quand je pense que je n’ai pas encore lu “Les infâmes”, dont tu as pourtant dit beaucoup de bien… 😉
Je dis encore plus de bien de celui-ci et je pense qu’il te correspondra davantage que le premier. Donc… 😉
Il faut que je lise celui-là, et j’oublie le premier… 🙂
Ma lecture de cette semaine comme quoi nous nous rejoignons encore … pour le meilleur apparemment ! Amitiés
très curieux de ton ressenti !!
En 2 jours, 400 pages d’avalées. ça doit te donner une idée de mon avis !
Assez, oui 😉
Belle chronique.
J’ai Les Infâmes dans ma PAL depuis quelques mois, je vais essayer de le lire d’ici fin octobre, tiens!
bonne idée ! 😉
Je savais qu’il serait exceptionnel….Je vais courir me le prendre!!!!Je l’attendais avec impatience celui ci!!!!;)
Merci pour cette belle chronique! 😉
comment ? tu n’as pas couru encore ? mais qu’attends-tu ? 😉
Elle m’attendait pour aller l’acheter ! 😀
Yvan, tu le vends bien et je ne devrais pas te remercier, mais c’est ton jour de chance, je te pardonne ! 😆
Tu fais attendre les dames, toi maintenant ?
Bon voilà !!! Tu m’as vraiment convaincue de m’intéresser à cette romancière que je ne connais pas…Et à ajouter à ma Pal ses deux romans. En tout cas, merci à toi pour cette découverte. J’apprécie beaucoup l’implication que tu mets dans tes articles 🙂
merci beaucoup pour tes gentils mots !
Très tentant cette histoire. C’est amusant, ce titre et cette couverture me font penser à Stephen King. Mais je te rassure, j’ai bien compris qu’il n’y avait aucune similitude si ce n’est celle-ci 🙂
Pas vraiment de rapport en effet 😉
Débuter hier, 160 pages plus loin, j’ai dû combattre ma boulimie littéraire….dodo oblige! Une écriture poignante, qui est venue me chercher dès les premières lignes. Je vais sûrement passer les jours à venir dans cette Amérique sucrée. A suivre….
C’est exactement ça, une écriture poignante qui happe dès le départ ! Et l’histoire qui fait tout autant. Bonn continuation ! Merci pour ce commentaire intermédiaire 😉