Interview littéraire 2017 – Fabrice Pichon

Fabrice Pichon est le genre d’auteur attachant avec ce qui se dégage de ses romans. Une vraie humanité qui transpire à travers ses polars qu’il mitonne à la manière d’un artisan du noir.

A l’occasion de la sortie de son nouveau roman – Retours amers – voilà une belle occasion de discuter ensemble de ses livres et de sa manière d’aborder le polar.

Lien vers ma chronique de Retours amers

Merci d’avoir accepté mon invitation à la discussion. Avant de commencer, je te sers quelque chose à boire ?

Avec plaisir, il est des réputations qu’il faut savoir entretenir : donc pour moi ce sera un verre de « Big Peat », sans glace naturellement.

Question rituelle pour démarrer mes entretiens, peux-tu te définir en trois mots, juste trois ?

Pragmatique (ma femme dit cynique… c’est pas faux)

Curieux

Touche-à-tout ( ça fait un mot non ?)

Dans ma chronique de ton dernier roman, je te qualifie d’artisan du polar. Qu’en penses-tu ?

C’est un qualificatif qui me sied à merveille. Je ne me vois pas différemment que cela.

D’abord dans artisan il y a «  artiste » et c’est un beau compliment. Ensuite, l’artisan suit toute sa vie un apprentissage pour arriver à réaliser l’œuvre qu’il a en tête et pour ma part je suis entré dans l’écriture par envie, par besoin, et je tente de me perfectionner à chaque nouvelle production.

« Artisan » ça me plaît beaucoup parce que je suis « hors milieu » : ni flic, ni prof, ni spécialiste des lettres, juste un type qui a des histoires dans la tête et qui a envie de les faire vivre afin de les partager.

En fait Artisan c’est un peu ma rosette à moi.

Tes romans se déroulent en partie dans le Doubs, que tu connais bien. Un récit est-il d’autant plus crédible quand l’auteur connaît l’environnement ?

Je privilégie l’intrigue et les personnages et lorsque j’ai vraiment besoin de localiser un décor, alors il est plus facile pour moi d’évoquer des lieux que je connais.

Le Doubs s’est imposé comme une évidence, puis la Bretagne. C’est une arme à double tranchant : la facilité de connaître et de repérer les rues, et l’interdiction de commettre la moindre erreur pour les lecteurs qui connaissent aussi les lieux.

Mais j’aime également, lorsque les lieux n’ont aucun intérêt pour l’intrigue, faire un mélange des sites sans jamais localiser l’action.

Passons au plat de résistance. Si tu avais le choix, qu’aimerais-tu manger là, tout de suite ?

Je suis dans ma période « foie de veau ». Et je me régale aussi bien à le préparer qu’à le manger. Pour l’accompagnement ce sera des légumes verts (rien de très excitant je l’avoue) et un « Château Lapompe » de l’année en cours.

Ceci dit, je rêve d’une choucroute et d’une raclette depuis plusieurs semaines avec un gewurtz ….

Comment Danielle Thiéry en est-elle arrivée à écrire la préface de ton nouveau roman, « Retours amers » ?

En plus d’être une auteure de talent, Danielle Thiéry est une femme merveilleuse que j’ai le plaisir de fréquenter depuis plusieurs années sur les salons, et un véritable lien d’amitié s’est tissé entre nous au fil du temps.

Je venais de terminer l’ultime relecture du manuscrit et, comme je te le disais plus haut, je suis hors milieu. Alors j’ai pensé à Danielle, à son regard de Commissaire Divisionnaire et au fait que nos univers avaient quelques points communs. Je lui ai demandé si elle était d’accord pour lire le manuscrit. Je crois que j’ai eu sa réponse en 5 minutes où elle me proposait même de faire une préface si le livre lui plaisait…visiblement, il lui a plu.

Elle m’a apporté quelques conseils sur des tournures ou sur des détails de procédure, et je me suis alors rendu compte que sur mon approche de la vie de flics et sur les enquêtes, je n’avais pas à rougir : j’étais tout à fait crédible.

Dans « Retours amers », on retrouve la commissaire Marianne Bracq. Elle te manquait ?

En réalité, Retours Amers a été écrit avant Plusdeprobleme.com, dans la foulée du Mémorial des Anges. Je l’ai conservé au chaud, mais je dois reconnaître que Marianne Bracq est une femme très attachante, tant pour l’auteur que pour les lecteurs. Je l’avais laissée dans une situation en suspension et je pensais qu’elle méritait mieux que cela. Donc j’ai voulu boucler un peu son passé avec cette histoire.

Y’aura-t-il d’autres aventures avec elle ? « Never say never again » aimait dire la femme de Sean Connery. Je partage ce point de vue.

Tu aimes raconter des histoires, pas seulement des enquêtes. Des récits qui mettent souvent les enquêteurs au cœur de l’intrigue…

L’enquête en elle-même ne m’apporte rien, mais faire en sorte que les personnages récurrents soient personnellement impliqués dans ces histoires est quelque chose que j’aime vraiment construire.

On suit leur évolution au fil des romans, on s’attache à eux, ou parfois on s’en détache. Mais avant tout, ce sont des êtres « vivants » avec leurs sensibilités, leurs parcours de vie différents, atypiques parfois. Ils sont vraiment la glaise avec laquelle j’aime sculpter

Les personnages… On sent que tu les aimes profondément, y compris dans leurs travers et leurs failles…

J’aime mes personnages sans aucun doute. J’aime essentiellement leurs failles, leurs défauts qui les rapprochent de nous. Pas de super flic, pas de super méchant, mais des gens parfois brisés par les événements qu’ils ont traversés.

Et comme rien n’est ni tout blanc, ni tout noir, rien ne nous empêche de trouver un meurtrier sympathique et d’éprouver de la compassion pour lui.

Une roman noir doit-il toujours proposer un semblant de lumière, selon toi ?

Je crois que tout est en rapport avec l’histoire qu’on raconte. A-t-on envie d’y parler de rédemption et dans ce cas laisser un peu d’espoir ou non.

Adepte de la seconde chance, je serais parfois tenté d’y introduire un peu de lumière… Retours Amers avait deux fins diamétralement opposées : j’ai fait un choix.

L’un des projets sur lequel je travaille n’offrira pas cette alternative : les dés sont jetés (voire pipés) dès le début.

Les crimes décrits sont assez atroces. C’est un exercice particulier d’écrire de telles scènes ?

Les mutilations des victimes sont justifiées : pas de gore pour le fun, mais des meurtres inscrits dans la logique de ce que qui motive l’assassin. Je tente de me glisser dans l’esprit de ce meurtrier que j’ai inventé, d’y calquer mes propres réactions si moi-même j’avais eu à suivre le même chemin de vie.

Ensuite il faut projeter sa vision sur le papier : ce qui est parfois difficile mais les choses sont facilitées par cette phrase enfantine « On dirait que c’est pour de faux ».

Tu as une manière très particulière de mêler les scènes parfois, encore une fois avec ce roman, entre amour et mort…

Sans prétention, je pense que c’est ici la «  Pichon’s touch ». Je trouve que le sexe est utile dans un roman (parce que c’est la vie) mais j’ai besoin de le mêler à l’histoire à ma manière. Le sexe pour le sexe ne m’intéresse pas (dans la rédaction d’un roman) mais lui donner une justification en faisant un parallèle est très excitant je le reconnais.

Depuis Le Complexe du prisme (et notamment avec Plusdeprobleme.com), je m’amuse à inscrire dans la même unité de temps, un assassinat et une scène de sexe. Je trouve que faire ce parallèle est intéressant puisque cela plonge le lecteur dans une sorte de trouble.

On passe de quelque chose de sensuel à quelque chose de morbide en alternance avec pour finalité la même chose : une jouissance.

Il y a une vraie sensibilité qui se dégage de tes mots, je trouve…

C’est un très beau compliment que tu me fais Yvan et je t’en remercie. Je n’ai pas de recul sur ce que j’écris alors je ne dirais rien de plus que : Merci

Ce blog est fait de mots et de sons. La musique tient-elle une place dans ton processus créatif ?

La musique m’est utile à deux niveaux : le premier c’est dans le noir, allongé sur mon divan où je laisse vagabonder mon imagination au gré des accords. C’est en général des musiques sans chant avec une prédilection pour Jean-Michel Jarre, Era, Rondo Veneziano, ou alors un bon vieux standard de jazz joué par Fats Waller.

Ensuite le second niveau se situe dans certaines scènes où la musique est présente, pas uniquement en toile de fond, mais avec un véritable impact sur l’écriture. En fonction ce sera ZZ TOP, AC/DC, Bruce Springsteen, Robbie Williams… ( la liste n’étant pas exhaustive). Donc comme tu peux le voir c’est très éclectique en général.

Et pour terminer, je t’invite à choisir ton dessert préféré…

Aucune hésitation : la tarte Tropézienne… la vraie, l’unique et pas celle qu’on trouve dans nos boulangeries et qui n’est qu’une imitation.

La vraie avec une crème qui tienne sans être ni trop épaisse ni écœurante, deux biscuits tendre et un saupoudrage de sucre ou d’éclats de noisettes ( bref celle d’A.MICKA de Cogolin).



Catégories :Interviews littéraires

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9 réponses

  1. Salut Yvan et Fabrice, c’est une interview super intéressante car cela permet de mieux connaitre l’auteur derrière les romans. Depuis 4 ou 5 ans que je lis ses romans, je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer M.Fabrice mais cela ne saurait tarder … Amitiés

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Je savais que tu allais goûter avec gourmandise cette interview, Pierre ;-). j’espère que vous vous croiserez vite, oui

  2. Vincent Garcia – Montpellier

    Salut les amis,
    Très intéressante conversation! Je retrouve dans cette interview le Fabrice que je connais: très sensible, extrêmement humain, et plein d’humour. En somme un garçon très attachant que j’ai le plaisir de compter parmi mes amis. Je me fais une joie de le retrouver bientôt au Lavandou, autour d’une bonne table si possible… Encore de bons moments en perspective…
    Amitiés.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      C’est bien lui, il est au naturel 😉

  3. Le Cygne Noir – Chronique de livres >Thrillers | Polars | Romans noirs | Littérature française | Fantasy | SF

    Interview très intéressante de Fabrice Pichon qui nous dévoile les coulisses de « Retours amers » et sa prédilection pour le côté humain de ses personnages avec leurs failles. On apprend à mieux connaître l’auteur. Merci !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      C’est un plaisir de faire découvrir un auteur d’une autre manière 😉

  4. belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

    J’adore ! Sinon, la tarte tropézienne, elle fait combien de calories ??? Oui, je sors de suite… pour en acheter !!! 😀

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Je sais compter en livres mais pas en calories (chacun ses priorités, j’aime lire ET manger)

      • belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

        Moi aussi, mais ça enfle autant du côté des biblios que du côté des hanches ! 😆

        Oh et puis merde, ressers-moi un morceau !

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