Interview littéraire 2013 – Frédéric Ernotte

Réussir un premier roman est un peu une gageure.

Frédéric Ernotte a parfaitement réussi son coup avec son roman “C’est dans la boîte“.

Un roman inventif, bien construit, bien pensé, et ludique. Et surtout un vrai ton, une plume affirmée et drôle, bref une belle réussite !

D’ailleurs, l’auteur est digne de son roman et fait preuve de toute sa verve lors de cet entretien. Un grand merci Frédéric !

Le lien vers ma chronique de C’est dans la boîte.

L’entretien :

Question rituelle pour démarrer mes entretiens, peux-tu te définir en trois mots, juste trois ?

J’ai envie de répondre « Oui, je peux » mais je ne suis pas un petit joueur, Monsieur ! Après avoir mis une cinquantaine de personnes sur le coup, je pense être mystérieux, libre et bien entouré.

Peux-tu nous résumer ton roman «C’est dans la boite», avec tes propres mots ?

À l’initiative d’une organisation appelée la « Boîte noire », huit inspecteurs qui ne se connaissent pas vont se retrouver le temps d’une nuit dans une gîte isolé pour participer à la ronde des boîtes. C’est un jeu très spécial dans lequel chaque participant amène une boîte à chaussures contenant cinq indices sur une affaire criminelle. Boîte après boîte, les joueurs enfermés dans ce huis clos vont devoir percer les secrets dissimulés sous les huit couvercles.

Pris pour cible par un tueur de flics, l’inspecteur Jeff Marnier décide de participer à ce jeu pour se mettre au vert quelques jours. Le problème d’une réunion secrète entre inconnus, c’est qu’elle est fréquentée par des inconnus…

Comment t’es venue l’idée machiavélique de ce roman ?

L’idée des boîtes m’est venue lors d’un déménagement. En préparant les caisses, je suis tombé nez à nez avec un trésor de ma jeunesse. C’était une boîte à chaussures contenant divers souvenirs. Face à ces objets insolites, je me suis demandé si quelqu’un d’autre que moi pourrait comprendre le sens de ce colis. Je me suis demandé à combien de kilomètres de la vérité tomberait une personne qui ouvrirait cette boîte.

Quelques jours plus tard, devant un épisode Halloween des Simpsons, j’ai imaginé une nuit durant laquelle des personnages se lanceraient dans une ronde d’histoires. « C’est dans la boîte » était né !

La construction du roman est habile. Était-elle totalement établie sur le papier avant le début de la phase d’écriture ?

La construction de « C’est dans la boîte » était pour moi un défi dans le défi. J’ai décidé d’injecter plusieurs histoires dans le livre pour offrir différents voyages aux lecteurs. Le cœur sur la main, j’vous l’dis ! En même temps, je ne voulais pas d’un roman qui nécessite l’achat de trois boîtes de Dafalgan. J’ai donc tenté de construire une histoire extrêmement simple à suivre malgré les nombreux pièges qu’elle contient.

Pour écrire « C’est dans la boîte », j’ai simplement placé des balises. Quelques points de passage indispensables pour ne pas partir en improvisation totale. Je ne voulais pas m’imposer un plan verrouillé. J’adore surprendre les lecteurs mais, en y repensant, je me suis surpris plus d’une fois aussi pendant la rédaction de ce livre.

Par contre, pour l’anecdote, j’avais besoin de visualiser le lieu de mon huis clos pour y faire évoluer mes personnages. J’ai pris mon plus joli crayon pour dessiner la pièce principale sur une feuille. Ce n’est pas un Renoir mais je pense pouvoir en tirer une dizaine d’euros à l’occasion.

Le principe du huis-clos est très éprouvé, difficile de proposer du neuf et pourtant je trouve ton traitement résolument moderne…

Inventif ! Voilà le mot que je cherchais pour ta première question. Bref, tant pis, je n’ai droit qu’à trois mots… Pour tout te dire, j’avais peur d’écrire un livre qu’on a le sentiment d’avoir lu cent fois. Je ne me serais jamais lancé dans l’aventure sans une idée originale. Ma mission, si toutefois je l’acceptais, était d’écrire un livre que j’aimerais avoir entre les mains. J’ai donc imaginé un roman qui pourrait être vu comme un cocktail ou, comme je le lisais dernièrement sur un excellent blog, un immense parc d’attraction. J’ai pris les codes de différents genres pour créer une attraction hybride. Il faut savoir que j’ai un immense respect pour les classiques. Je voulais que les lecteurs retrouvent certains ingrédients rassurants mais je ne cherche à imiter personne. Je voulais que le rendez-vous soit surprenant !

Le roman se caractérise également par une verve et un humour détonants, ce qui est assez rare dans le domaine du thriller. Tu sembles avoir pris autant de soin à la forme qu’au fond…

Je pense que « C’est dans la boîte » est un livre très noir. Ceci dit, je suis persuadé que les inspecteurs de police et les tueurs en série peuvent aussi avoir de l’humour. Sous une forme ou une autre. Partant de là, je me suis dit qu’il serait idiot de s’en priver. À mes yeux, le polar est un genre littéraire extrêmement ludique. En tant que lecteur, j’aime m’amuser et me poser des questions. Je cherche, je me méfie, je tombe dans des pièges, je retourne ma veste, je tente de dénouer l’intrigue. C’est une véritable partie d’échec. Un huis clos est un merveilleux terrain de jeu.

J’ai voulu soigner le plateau et l’intensité de la partie. Dans un thriller, j’ai besoin de rythme, de personnages crédibles, d’un scénario cohérent et d’un dénouement mémorable. J’ai fait au mieux pour remplir ce cahier des charges. Je suis un perfectionniste et, vu le prix des livres, j’estime que les lecteurs méritent qu’on travaille autant sur le fond que sur la forme. En écrivant la première ligne de « C’est dans la boîte », j’ai simplement dit : « s’il me faut dix ans pour écrire ce roman, je les prendrai sans hésiter ». Après deux et demi, j’ai livré la boîte aux lecteurs avec un nœud dans le ventre, sans imaginer un seul instant que l’aventure serait si belle.

J’insiste encore sur le style d’écriture du roman. Y a-t-il une école belge en terme d’humour et de bons mots ? 😉 (je précise que je ne suis pas belge)

Croire qu’il y a une école belge, c’est risquer de mettre les auteurs dans le même panier et je pense que ce serait une erreur. Il y a de la diversité en Belgique. Il y a surtout beaucoup de talent et des auteurs avec une réelle liberté de ton. Pour rester dans le « noir », je pense à Nadine Monfils, Barbara Abel et à l’excellent Paul Colize. Il y en a beaucoup d’autres et je profite de l’occasion pour faire un « gros kiss » à mes compatriotes.

Nous sommes un « petit » pays par la taille mais notre éveil sur les autres et notre capacité à rendre de belles copies sans trop nous prendre au sérieux nous permettent sans doute de sortir des rangs. Derrière notre humour et nos bons mots, on peut souvent trouver une grande poésie et de la sincérité.

À côté de tout cela, on me décrit souvent comme étant quelqu’un d’incisif. Ça se répercute inévitablement sur mon style d’écriture.

Et le prochain projet ? A quoi doit-on s’attendre ?

Ce sera probablement l’histoire d’un extraterrestre abandonné par les siens qui va se réfugier dans une ferme au Texas. Là, il va nouer des liens d’amitié avec un petit garçon de neuf ans qui va lui construire un abri dans un pommier. Au fil des chapitres, le petit Peter va tout faire pour que son nouveau compagnon puisse rentrer chez lui sans se faire capturer par de cruels braconniers qui veulent vendre la peau de l’extraterrestre au marché noir. J’imagine une superbe scène de fuite dans une brouette volante mais je préfère ne pas tout vous dévoiler. Comment ça mon idée ressemble à E.T. ? OK ! Je vais donc devoir modifier mes plans…

Je pourrais me lancer dans une histoire d’amour sado-maso entre un vampire et un loup-garou intitulé « 30 nuances de crocs » ? Qu’en pensez-vous ?

Plus sérieusement, à quoi devez-vous vous attendre ? Mmmmh… à être surpris !

Il n’est pas facile de sortir du lot lorsqu’on est publié par une petite maison d’édition. Ton livre semble trouver son succès grâce au bouche à oreille et aux chroniques des blogs. Est-ce la façon indispensable pour se faire connaitre de nos jours ?

C’est un sujet sur lequel je peux parler des heures. Je vous encourage vivement à aller vous chercher quelque chose à boire. Je vous attends… 🙂

Le milieu littéraire est étrange et, de ce que j’en sais, le mode d’emploi est rédigé en chinois. Je ne sais pas si le bouche à oreille est la forme indispensable pour se faire connaître mais c’est certainement la plus belle et la plus valorisante.

Du jour au lendemain, j’ai vu mon livre projeté « chouchou du mois » sur Black Novel. J’ai répondu aux questions du Concierge masqué. J’ai regardé les réseaux sociaux tourner à plein régime et j’ai vu apparaître la couverture de mon livre dans la PAL de nombreux lecteurs passionnés. Pour être clair, c’est le pied !

Je croise tout ce qui peut l’être pour que d’autres personnes soulèvent le couvercle de la boîte mais il ne faut pas croire que c’est une chose qui tombe du ciel. En réalité, si je réponds à tes questions aujourd’hui, c’est parce qu’il existe des lecteurs curieux qui achètent des livres au feeling et qui ne se privent pas pour en parler quand ils les aiment. En fait, le bouche à oreille, c’est un peu notre « On n’est pas couché ». Chaque coup de pouce compte. Comme si on poussait un minuscule glaçon dans un champ couvert de neige. Si tout le monde s’y met, on peut obtenir une énorme boule visible depuis la lune. Tout le monde compte. Même si c’est pour avancer d’un centimètre seulement.

Je suis fier d’avoir à mes côtés des lectrices et des lecteurs qui parlent de « C’est dans la boîte » à leurs proches. Fier de croiser la route de blogueurs qui placent des premiers romans en haut de leur pile à lire et qui consacrent du temps et de l’énergie à partager leurs avis sur la toile. Fier de savoir qu’il existe encore des libraires et des bibliothécaires qui veulent découvrir de nouvelles plumes. Fier de savoir que certains enseignants offrent à leurs élèves un large choix de lecture et invitent les auteurs dans les classes. Fier de savoir que des organisateurs d’événements littéraires invitent parfois des auteurs comme moi.

En résumé, j’ai envie d’être optimiste ! Je n’écris pas pour être célèbre et/ou riche. J’écris parce que j’aime ça. Ça permet de relativiser beaucoup de choses. J’ai pris la route de cette aventure avec quelques personnes à mes côtés. Peu importe la destination, je savais déjà à l’époque que le voyage serait mémorable. Un an plus tard, nous sommes de plus en plus nombreux à marcher sur le chemin de cette incroyable aventure. Je ne sais pas où nous nous arrêterons. “Que sera sera… Whatever will be, will be…”

Ce blog est fait de mots et de sons. La musique prend-elle une part dans ton processus créatif ?

Je ne peux pas vivre sans musique ! J’aime avoir « du bruit dans les oreilles ». La preuve, je te réponds dans une pièce qui vibre au son de JJ Cale. J’ai besoin de beaucoup de calme quand j’écris mais j’aime avoir un compagnon sonore discret. Inconsciemment, il m’inspire souvent. Au détour d’une page, je glisse un titre ou le nom d’un artiste. J’ai des goûts très éclectiques. Ça permet d’avoir une palette relativement large d’ambiances et de sentiments dont on peut se servir pour colorer une scène. Par contre, je n’écoute jamais la radio quand j’écris. Les discussions et les pubs anéantissent ma concentration. Presque autant que Facebook et mon téléphone…

Tu as le choix entre nous donner le mot de la fin ou nous citer ton dessert préféré…

Je ne voudrais pas décevoir les grand(e)s gourmand(e)s qu’il y a ici ! 😉 Je vais opter pour une boule de glace stracciatella dissimulée dans une crêpe pliée en triangle sur laquelle on verse une rivière de chocolat chaud. Sans oublier la petite framboise au-dessus pour se donner bonne conscience…

 Merci pour cette interview Yvan et à bientôt j’espère.



Catégories :Interviews littéraires, Littérature

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20 réponses

  1. Black Kat – Ni O-, ni A- ... juste mon sang artistique, passionnément livresque...

    Belle interview! De l’humeur et de l’originalité dans ce monde, que du bon!

  2. Salut Yvan. Normalement, je suis en vacances et je ne “travaille ” pas. Mais je tenais à souligner que c”est une super interview d’un superbe auteur qui a écrit un super polar. Lisez C’est dans la boite. Amitiés

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      ton message méritait que tu sortes de ta tanière vacancière 😉
      Et je dois encore te dire merci, c’est toi qui m’a définitivement convaincu d’aller lire ce roman

  3. Une interview pleine de clins d’œil et d’humour. Je reconnais bien là le style de l’auteur. Merci pour ce bon moment de lecture !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Merci à toi pour ton passage 😉
      Oui, son interview est en droite ligne du ton de son roman

  4. Génial !! Une interview marrante, rigolote, amusante, de l’humour,… Et c’est un Belge, en plus… le pied total. Et un “gros kiss” pour la route. Expression qui a fait sourire les Belges et étonné (de la part d’un ex-roi… quand même).

    Par contre, je sens que ça ne va pas arranger ma LAL et ma PAL si j’achète ce livre. Tu me diras qu’à plus de 400, on devrait s’en fiche et l’ajouter sans hésiter.

    Je suis pour faire marcher le commerce de livres et faire vivre les écrivains belges, allez hop, si je le trouve, je le prend.

    Allez, lisez-le, c’est du Belge !

    Belette Patriote

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Tu n’as clairement pas le choix, il faut faire vivre le petit commerce belge et pas que celui de la bière 🙂

  5. Très belle interview … Ravie d’avoir découvert cette nouvelle plume ! Impatiente de lire son second roman … Question humour, j’ai beaucoup apprécié celui de Frédéric Ernotte mais j’ai parfois eu beaucoup de mal avec l’humour belge chez d’autres écrivains … Beaucoup de diversité comme le dit Frédéric Ernotte et c’est tant mieux car il en faut pour tous les goûts ! 😉

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Je n’ai pas dit que j’aimais tout l’humour belge, il y a des choses incompréhensibles pour nous pauvres français ;-).
      J’aime beaucoup cette entretien avec Ernotte, vraiment beaucoup

  6. jeandewilde56hotmailcom

    Ce polar devrait être proposé au niveau du secondaire supérieur.

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Je te propose que nous lancions un pétition à ce sujet 😉

  7. on sent une belle complicité entre vous deux. En tout cas ça marche puisque je viens de le rajouter à ma Pal 🙂

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      On a bien communiqué ensemble, la Belgique n’est pas si éloignée de l’Alsace faut croire 🙂

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