Je ne suis pas un habitué des lectures BD. Pour vous proposer deux éclairages différents sur ce Fight Club 2, mon ami David, de l’excellent blog C’est Contagieux, et moi avons décidé de croiser nos avis (parce que lui est un grand amateur de BD).
Voici donc les deux chroniques du “Profane” (moi) et du “Spécialiste” David 😉
Ma chronique :
Les deux font la paire (de fêlés)
Mais n’oublions pas que FC est avant tout un livre (1996) ! Chuck Palahniuk est le géniteur de cette histoire dingue et violente. On le retrouve aux manettes du scénario de cette bande-dessinée (où il se moque d’ailleurs un peu du film au détour de quelques passages), avec Cameron Stewart comme compère pour l’illustration.
Comment résumer l’expérience qu’aura été cette lecture… Démente, surprenante, violente, déstabilisante, renversante… Une plongée au plus profond des esprits malades des personnages (et de leurs auteurs).
Une vraie expérience sensorielle pour le profane que je suis, donc. J’y ai perdu mes repères, ma voix et un peu la tête. Il faut dire qu’il n’est pas toujours évident de suivre cette intrigue déstructurée, découpée en dix parties (Fight Club 2 a été publié en feuilletons aux États-Unis). Heureusement que chaque nouvelle partie s’ouvre sur une sorte de résumé (déjanté et franchement très drôle).
Fourmillement
FC 2 fourmille d’idées, d’inspiration, d’imagination et de délires. A travers l’histoire et le texte de Chuck Palahniuk, clairement décalé au point d’intégrer sa propre personne dans le récit. Par le dessin de Cameron Stewart où chaque bulle explose dans un tourbillon de créativité.
J’ai lu les premières pages avec enthousiasme, j’ai commencé à perdre le fil ensuite, je me suis raccroché aux branches, j’ai tenté de laisser s’évader mon esprit et mettre de coté ma raison trop cartésienne. Une vraie expérimentation assez exigeante, qui m’aura fait passer par nombre d’états, de l’excitation à l’énervement, de la réflexion à la rêverie. Et ce n’est pas le final qui m’aura permis de retomber les pieds sur terre.
Roue libre et cœur joie
On a parfois l’impression que les deux auteurs sont en roue libre, même s’ils s’en donnent à cœur joie. Une sensation déstabilisante et assez improbable, surtout concernant la fin qui est… particulière.
Les dessins de Cameron Stewart sont en tout cas d’une expressivité et d’une inventivité étonnantes. Je n’ai aucune compétence pour parler de technique, mais sa manière d’illustrer cette intrigue folle est à son image : franchement barjo.
Un mot sur l’objet, absolument superbe, à l’image de sa couverture intérieure très différente de la sur-couverture, et des étonnantes planches de couvertures alternatives proposées en fin d’ouvrage.
Oubliez tous vos repères, gardez l’esprit ouvert, pas besoin d’être expert, tant qu’on accepte de plonger dans un récit non linéaire. Perturbante, mais vraiment intéressante expérience sensorielle que ce Fight Club 2.
Mon ressenti de lecture :
Profondeur : 8/10
Dimension de l’histoire : 7/10
Psychologie : 8/10
Qualité du scénario : 7/10
Émotions : 7/10
Note générale : 7,5/10
La chronique de David, à retrouver également sur son blog ICI (avec plein de jolies planches de la BD) :
“Fight Club 2” de Chuck Palahniuk et Cameron Stewart – La chronique dont on ne parle pas ! Ah bah si on va en parler quand même…
Plusieurs années se sont écoulées après les événements du premier “Fight Club“. Le personnage de Sebastian (joué par Edward Norton dans le film), double falot du charismatique et dangereux Tyler Durden (Brad Pitt dans le film), est retourné à son existence morne. Il est largué, dépressif et sombre dans sa vie et son couple. Vous vous doutez bien que cela ne va pas durer !
La première chose qu’il convient de souligner avant de parler du contenu est le très joli contenant proposé par les éditions Super 8. “Fight Club 2” est paru aux Etats-Unis en 10 épisodes chez Dark Horse Comics, fameux éditeur indépendant connu pour accueillir Franck Miller (Sin City, 300) et Mike Mignola (Hellboy) dans son giron. Heureux veinards que nous sommes, c’est en “Trade Paperback” intégral que nous sort directement la version française ! Merci aux Editions Super 8 !
Un superbe objet d’ailleurs. Si vous le feuilletez en magasin ou si vous venez de l’acheter, faites-moi le plaisir de vous rendre directement en fin d’ouvrage pour y contempler les magnifiques couvertures de David Mack (Daredevil, Kabuki), des peintures sublimes, des fresques d’envergure, de magnifiques miroirs émotionnels…
Après un livre (1996) et un film (1999) devenus tous les deux cultes vingt ans plus tard, Chuck Palahniuk considère que le comics est le médium le plus adéquat pour conter la suite. Cependant ce n’est pas le comics book des familles que l’auteur vous propose mais un voyage dans les méandres de la folie ordinaire. Le récit est chaotique à souhait, les cases de Cameron Stewart (on y reviendra) sont un patchwork de dessins et de matières. Comme s’il avait jeté des cris et de la hargne sur le papier à dessin à partir de ses gouaches obscures.
“Fight Club 2” c’est surtout une manière expérientielle de raconter l’histoire en déstructurant le contenu des cases. D’ailleurs, on ne va pas se mentir, le scénario est cryptique, alambiqué et malgré une relecture immédiate, certains points échapperont probablement encore au lecteur averti. Mais étonnamment, ce n’est pas grave tant c’est l’ambiance et l’état d’esprit qui priment sur le reste. Le mot expérience, comme évoqué ci-dessus n’est pas anodin, c’est vraiment ça, une expérience hors du commun et atypique.
De toutes les façons, pas de panique, chaque épisode commence par un résumé conté à la manière des consignes de sécurité d’un avion.
Et les dessins ? Cameron Stewart est connu pour ses travaux chez l’éditeur américain DC COMICS et notamment les séries Batgirl, Batman and Robin, Catwoman… Son trait colle parfaitement à l’histoire et c’est un choix très judicieux qu’a fait Palahniuk. Les cases sont brillantes, somptueuses, torturées, vivantes… Stewart compose chacun de ses dessins comme un plan de cinéma. Ils sont pensés, fouillés, travaillés. Les planches ne racontent pas une histoire, elles immergent le lecteur dans l’univers déjanté et machiavélique de Palahniuk.
Plus qu’une histoire linéaire d’ailleurs, et c’est LE point intéressant de la lecture, il y a toute une réflexion un peu métaphysique sur l’œuvre plus grande que son auteur, sur l’œuvre qui échappe et dépasse celui qui l’a créée, sur l’appropriation des personnages iconisés par un public en manque de repères.
On ressent surtout l’étonnement (l’agacement ?) de Palahniuk par rapport à la puissance du film dans l’imaginaire collectif aux dépens du roman original. D’ailleurs et on s’en amusera, Chuck Palahniuk se met lui-même en scène dans la BD et s’étonne que les gens au final ne connaissent ou ne retiennent que la version filmique, différente du livre sur certains points cruciaux. C’est l’un des points étonnant de ce “Fight Club 2” : l’intronisation de l’auteur en tant que Deus ex Machina dans l’histoire.
Vingt ans plus tard, il est à noter que Palahniuk était visionnaire, que ce soit son approche sur les sectes terroristes armées qui commettent des attentats (ce que devenait le Fight Club en grandissant), sa dénonciation de notre rapport au consumérisme ou bien plus récemment sur la prise massive et inquiétante de médicaments tranquillisants dans nos contrées occidentales.
Bref, vous l’avez compris, “Fight Club 2” est un roman graphique indispensable, un peu hermétique certes mais fourmillant d’idées, de points de vues et de réflexions sur l’état de notre société.
Note 4/5
Sortie : 28 avril 2016
Éditeur : Super 8
Genre : BD / roman noir
4° de couverture
La première règle du Fight Club, vous vous souvenez ? Mais ça, c’était avant. La cendre des glorieuses explosions d’antan est depuis longtemps retombée.
Nous sommes dix ans après la fin de la première histoire. Marla et ” celui qui se fait appeler Sebastian ” sont désormais mariés, englués dans une haïssable petite existence bourgeoise. Ils ont une maison, un petit garçon, sans doute une carte d’électeur – plus rien ne les distingue de leurs voisins.
Sebastian, cependant, n’est pas tout à fait guéri : il gobe des petites pilules pour juguler les symptômes de son ancienne schizophrénie. Marla, qui trompe son ennui en participant à des groupes de parole bizarroïdes, les remplace par du sucre et de l’aspirine : une façon comme une autre de faire revivre Tyler Durden, afin qu’il revienne foutre le bordel dans leur univers trop bien rangé.
Catégories :Littérature
Ca va être dur de passer à coté, si vous vous y mettez à deux!!!!Pas fan des BDs, (je ne sais pas pourquoi je bloque avec ce style de littérature alors qu’il recèle de merveilles), j’ai bien envie de vous faire confiance sur ce coup!!!;)
Une vraie expérience, je le confirme
Vraiment intéressant comme critique. Personnellement je n’ai pas vu la BD en français au Canada et je ne la commanderais pas de France (le coût double). Et puis merde, le film a été tourné en 1999 ? Ça donne un sacré coup de vieux. Le tournage du “Fight club 2” a débuté en novembre 2015 (si je me souviens bien), alors ce sera sans doute du beau matériel. 🙂
Le film risque s’être spécial s’il soit cette BD assez folle
J’avoue que la chose m’a laissé sceptique quand je l’ai découverte (pas encore en stock)… Pourquoi une suite au cultissime Fight Club ? Et pourquoi le format BD ? Vos critiques me donnent la curiosité de tenter le coup, mais je n’en fais une priorité 😉
C’est une lecture vraiment spéciale. Le Chuck est bien barré 😉
*PAS une priorité
De temps à autre, je réussis à me faire séduire par une BD. Je suis une coriace mais parfois la faiblesse l’emporte… 🙂
La dernière en date c’était Sin City, pour dire à quel point c’est rare vu que ça commence à dater! Mais j’avais trouvé le film superbe et ma curiosité l’a emportée.
Si celle-ci me passe entre les mains, je ne dis pas non . Le film est cultissime !
Comme toi, c’est une expérience exceptionnelle pour moi, mais j’ai apprécié
de temps à autre pourquoi pas 🙂