1 livre et 5 questions à son auteur, pour lui permettre de présenter son œuvre. 5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger.
Patrick Senécal
Titre : Le vide
Sortie : 12 novembre 2015
Éditeur : Fleuve Editions
Le lien vers ma chronique du roman
Les lecteurs européens ont enfin la chance de découvrir Le vide, publié par un grand éditeur français. Cette version est-elle différente de la version originale québécoise ?
On a changé seulement quelques expressions trop québécoises dans les dialogues, c’est tout. C’est assez minime, car on voulait tout de même que les dialogues ne sonnent pas trop européens.
Tout le reste est identique, même les endroits qui se trouvent à Montréal et les allusions à des personnalités québécoises.
Pourquoi cette volonté de développer cette intrigue tentaculaire autour d’une émission de télé-réalité ?
La télé-réalité n’est qu’un symptôme d’une société malade qui cherche du sens dans des trucs qui donnent une impression de vie, une impression de satisfaction mais qui au fond ne durent qu’un bref moment.
La télé-réalité est un symbole de tout cela : en apparence, on est beaux, on est cools, on devient des vedettes, on couche avec tout le monde et on s’agite, mais tout cela est faux, tout cela est arrangé, tout cela est vide. Et que ce vide attire autant de gens est inquiétant.
Pour moi, la télé-réalité est une sorte de vaste suicide mental collectif. J’ai voulu pousser ce symbole le plus loin possible.
Le thriller, et ce thriller tout particulièrement, peut-il être un moyen de faire passer des messages ?
Je crois que oui, mais il faut être prudent. Il y a des thrillers qui sont tellement préoccupés par le message qu’ils oublient d’être… un thriller. C’est un piège dans lequel il est facile de tomber quand on commence à avoir du succès et à se prendre trop au sérieux.
En fait, le thriller ne doit pas devenir un prétexte. Avec Le vide, je voulais, bien sûr, apporter une réflexion sur notre société superficielle qui, face à l’ennui, s’évade dans la fuite extrême pour éviter une réelle et profonde remise en question. Mais pour moi, cela devait passer par une bonne histoire palpitante et de vrais personnages. Entre un excellent thriller sans message et un thriller faible avec un message, je choisirai toujours la première option.
Vous allez souvent très loin dans la violence et le réalisme (mais jamais gratuitement). Vous fixez-vous des limites ?
Les limites, c’est très subjectif. Les miennes sont celles de l’utilité. Pour moi, la violence sert à illustrer un dérapage psychologique ou un point de non retour. En fait, je dois être capable de la justifier. Si elle ne sert à rien, elle fera rire ou, pire, lassera.
Il n’y a rien de pire qu’une violence qui ne produit aucun effet, cela veut dire qu’on l’a mal orchestrée. La violence peut aussi être ludique, mais ça, c’est autre chose, on doit installer dans le roman une ambiance décalée qui permet cet amusement avec la violence.
Pour en revenir au Vide, la scène en Gaspésie est sans doute la plus horrible que j’ai écrite dans ma carrière et j’y ai pensé longuement. Elle devait être insoutenable car elle représente le degré zéro de l’humanité et fait en sorte que Max Lavoie ne sera plus le même homme suite à cette scène. Je suis donc allé très loin et, à la relecture, j’en ai même enlevé un peu. Pas par censure ou pudeur, mais parce que c’était trop, on n’y croyait plus, on sentait trop l’auteur qui veut en mettre plein la vue.
Ça, c’est pas bon : sentir l’auteur qui s’amuse à provoquer, c’est nul. Ceci dit, je répète que cela est subjectif et que sans doute certaines personnes trouvent ma violence injustifiée.
C’est comme l’humour : on ne rit pas tous des mêmes choses. Il y a une limite, par contre, que je m’impose : ne pas décrire avec précision la violence faite aux enfants. Il y a des enfants qui meurent dans mes romans, ou qui se font abuser, mais il n’est pas question que j’en relate les détails. J’en serais incapable.
Ce roman a pour originalité de proposer les chapitres dans le désordre. Pourquoi ce choix ? Comment gérer cette idée sans risquer de perdre le lecteur ?
Si le roman avait été chronologique, cela aurait tué le suspense. L’enquête policière menée par Pierre dans les chapitres 21 à 40 ne contiendrait plus aucun élément de suspense si elle était lue dans cet ordre.
La confusion des chapitres illustre aussi le monde confus et dingue, sans point de repère, qui est décrit dans le livre. Et pour éviter que le lecteur ne se perde en route, j’ai écrit le roman ainsi.
J’ai fait le plan en ordre chronologique, j’ai découpé les chapitres et les ai ré assemblés, puis j’ai écrit le bouquin « dans le désordre ». C’est complètement dingue comme boulot, je sais, mais c’était le seul moyen de savoir où mon lecteur se trouvait précisément durant sa lecture et m’assurer ainsi qu’il ne perde pas.
Catégories :Interviews littéraires
Excellent auteur dont je m’étonne encore qu’il n’ait pas en France la réputation et le succès de nos plus grand auteurs de thrillers, mais le fait d’être éditer chez Fleuve Noir devrait sensiblement améliorer les choses J’avais adoré son petit roman ” Contre dieu” que j’ai eu l’occasion de chroniquer ( et que je te recommande vivement). Il était il y a quelques années à Quais du Polar, j’avais pu échanger un peu avec lui, c’est un gars vraiment très intéressant à écouter et qui n’a pas la grosse tête. Je n’ai pas encore lu ” Le vide” même si je l’ai sur mes étagère mais dans une autre édition beaucoup plus ancienne. Un auteur à suivre et à recommander, ce que tu fais très bien. Amitiés
j’ai lu (et chroniqué) Contre Dieu, je ne m’en suis toujours pas remis, après plusieurs années. Un texte d’une force incroyable.
Dans un autre genre, Le vide est tout aussi marquant, tu peux me croire.
Pas impossible qu’on le revoit en France bientôt, ptit mulot 😉
oups désolé Yvan, je ne me rappelais plus que tu l’avais chroniqué ! oui pour moi, jusqu’ici, c’est celui que j’ai le plus aimé de l’auteur.
Je l’étais amusé à écrire ma chronique comme lui a écrit son récit. Sans point. Pour rendre hommage à son génie
Et bien une interview des plus intéressantes! Encore plus tentée d’en lire le contenu de ce Vide…..;)
Franchement, c’est un livre à ne pas rater
Je vais essayer de le lire avant la fin 2015!!!!!;)
Bonne plongée dans le vide alors, pense à prendre un parachute
WAouhhhh On sent très fort que Patrick maitrise son sujet et que rien n’est laissé au hasard!! Cet auteur est pour moi un génie…il est mon dieu littéraire! Aucun auteur ne m’a fait ressentir autant d’émotions, autant de frissons…et tout est rondement bien mené pour nous plonger dans l’horreur absolue!! Bravo à lui!! Et merci à toi…
C’est moi qui doit te remercier, c’est ton insistance qui a fait que je me suis plongé dans ce vide !
“la télé-réalité est une sorte de vaste suicide mental collectif.”
Pas mieux !
Pas mieux en effet
Je l’ai !!! Héhéhé !
Merci pour cette interview et pour m’avoir si bien donné envie de le lire 🙂
Bon courage, il t’en faudra pour cette lecture
A ce point ?
tu n’as sans doute jamais lu un bouquin pareil, crois-moi
J’en suis persuadé 🙂
Tout est dit dans cette magnifique interview. Je crois que j’ai trouvé aussi “LE” Maître du thriller. Je n’en suis toujours pas remise ..Toujours dans “Le vide” et tu en remets une couche … oui la télé réalité est vraiment la décadence de note société … et je souhaite que le message soit bien passé mais hélas … ceux concernés ne liront pas forcément ce “pavé” (en temps que livre et “dans la mare”)
Je ne vais pas tarder à replonger vers Patrick Senécal
Ça c’est certain, ces gens là ne savent pas lire…
Oui les livres de Senécal sont vraiment à part on dirait. Je te conseille de lire le petit livre Contre Dieu
C’est une excellente nouvelle que Senecal soit édité en France ! Ça doit ravir plus d’un fan
enfin !
oui ça fait des années que ça devrait être fait
Faut que je le lise !! Super interview… mais je me demande si je le préfère avec ou sans barbe… je me tâte… ça fait marrant de voir la nouvelle photo et l’ancienne plus bas dans l’article, sur le vieil interview. 😉
Je le trouve très bien avec sa barbe 😉
Mais tes goûts et tes couleurs sont tiens… je préfère la barbe aussi, ça pique et j’aime ça !
Des que ça devient piquant, la Belette débarque
Voui ! J’aime le piquant, c’est mon domaine… ;-))