1 livre et 5 questions à son auteur, pour lui permettre de présenter son œuvre. 5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger.
N’éteins pas la lumière est l’excellent troisième thriller de Bernard Minier.
D’où vous est venue l’idée de cette nouvelle intrigue ?
Je l’avais proposée depuis longtemps. En réalité, lorsque j’ai envoyé le manuscrit de Glacé à plusieurs maisons d’édition, il était déjà accompagné du pitch des deux romans suivants : Le Cercle et ce qui s’appelait alors La Nuit des Walkyries et qui est devenu N’éteins pas la lumière.
Mais elle s’est véritablement précisée avec la lecture des livres de Marie-France Hirigoyen, Femmes sous Emprise et le Harcèlement moral, entre autres, où sont décrites très exactement toutes les étapes du processus que l’on retrouve dans le roman.
Bien entendu, il s’agit d’une œuvre de fiction. Par conséquent, j’ai rajouté des aspects issus de ma propre imagination, des tours et des pièges, des intrigues secondaires et des rebondissements… J’ai été surpris de découvrir que d’autres ont écrit des récits très proches, Prières pour la pluie par exemple, de Denis Lehane, paru chez nous en 2005 mais que je n’avais pas lu et où, dans l’ombre, un mystérieux psychopathe pousse des femmes au suicide !
Mais ce n’est pas si surprenant : ce thème a été maintes fois traité par la littérature et le cinéma : Rebecca, certains films paranoïaques de Polanski et de Hitchcock, Heathcliff dans Les Hauts de Hurlevent, etc…
L’aspect psychologique est une donnée essentielle de vos histoires. Cette fois-ci vous allez encore plus loin en nous plongeant dans les horreurs de la manipulation mentale et du harcèlement…
C’était un défi intéressant d’écrire un roman presque sans violence physique (presque : il y a quand même une ou deux scènes assez insoutenables de ce point de vue-là, mais un lecteur sagace a fait remarquer qu’il n’y avait que deux coups de feu tirés dans tout le roman, qu’ils arrivent très tard et que même eux… mais chut…), mais un roman où, malgré cela, les sentiments de peur et d’oppression sont plus forts que jamais, du moins je l’espère.
Si j’en crois les réactions des lecteurs, il semble que ce soit le cas. Au fond, c’est un peu comme la différence entre l’érotisme et la pornographie : ce qui est suggéré, laissé dans l’ombre fait beaucoup plus travailler l’imagination du spectateur ou du lecteur que ce qui est montré. Il m’arrive de sourire devant une scène de film d’horreur ou une scène par trop gore dans un roman, mais personne n’a envie de rire quand la silhouette de Robert Mitchum apparaît dans la Nuit du Chasseur ou quand la mère de la jeune Regan se présente devant la porte de sa chambre dans L’Exorciste.
Étonnamment (quand on connaît vos personnages récurrents), c’est une femme qui tient le haut de l’affiche cette fois-ci. Ce choix est-il lié au thème du roman ?
Oui, tout à fait. Cela dit, depuis le début, mes personnages féminins (Irène Ziegler, Diane Berg, Marianne..) occupent une place privilégiée. Mais je ne voulais pas que Christine Steinmeyer, le personnage central, soit uniquement une victime.
Je voulais au contraire qu’elle réagisse, qu’elle se batte, qu’elle montre sa force de caractère. Même quand tous les fils de son existence sont en passe d’être contrôlés par une tierce personne, elle trouve toujours le moyen de rebondir…
Ce roman semble avoir été parfaitement bien pensé pour combler les attentes à la fois de vos nouveaux lecteurs et des anciens qui suivent vos personnages…
Non, je ne pense pas à ça quand j’écris. Bien sûr, Servaz est là et les nouveaux lecteurs, qui ne m’ont jamais lu auparavant, doivent comprendre d’emblée quels sont les ressorts du personnage, comment il fonctionne, qui il est – mais c’est assez facile à faire quand on connaît bien ses personnages.
Et Dieu sait que je commence à bien le connaître, celui-là. Cela m’étonnerait à peine si, demain, un Servaz en chair et en os sonnait à ma porte et me demandait où j’en suis. Ce diable d’homme… j’ai parfois l’impression qu’il préexistait, qu’il attendait quelque part que je me mette à l’écrire…
L’endroit où se situent vos intrigues est au cœur de vos romans. Après les Pyrénées dans Glacé, c’est au tour de Toulouse d’être mise en avant…
Oui, il y a eu aussi cette petite ville universitaire à cent kilomètres de Toulouse, sorte de « Cambridge du Sud-Ouest », dans Le Cercle. On reste dans le Sud-Ouest… mais on passe des montagnes et des collines boisées à la ville…
La grande différence, c’est que, cette fois, contrairement aux deux romans précédents, je n’ai pas imaginé une ville fictive mais j’ai dû me colleter avec des lieux réels. Je les ai transformés cependant, je crois, en quelque chose d’un brin fantasmé.
Je suis aussi un peu cinéphile et je me balade dans certains lieux réels comme les acteurs de Luis Buñuel, de Bergman ou de Visconti se promenaient dans les rues de Venise, de Tolède ou dans la Suède des années soixante : il y a toujours quelque chose de discrètement surréaliste, d’onirique dans mes décors – malgré l’exactitude à laquelle je m’attache.
Catégories :Interviews littéraires
Chouette interview. J’ai loupé de peu cet auteur à la comédie du livre de Montpellier. On sent que le cinéma n’est pas très loin lorsqu’il écrit.
il est adorable et très proche de ses lecteurs, avec toujours une anecdote à raconter. J’espère que tu auras l’occasion de le rencontrer une autre fois.
Chouette interview, d’autant que je possède “glacé” mais que je voudrais tout de même pouvoir éteindre la lumière avant de faire dodo !! que l’auteur le veuille ou pas ! 😀
Bon, j’ai compris, j’ajoute le livre et je dirai que c’est de ta faute !! 😆
Peu de violence physique… de sang… très “psy” ; inspirations Hirigoyennes… En voilà assez pour savoir que ce livre va me plaire ! Happy !!! Et si en plus l’auteur est “adorable”… 😉
tu n’as donc plus aucune excuse 😉
J’aime beaucoup Bernard Minier. C’est un auteur qui compte dans le paysage du thriller depuis que Glacé est sorti. Il a du talent ce monsieur .
un joli talent en effet et il reste humble, j’aime ça 😉