Friday black – Nana Kwame Adjel-Brenyah

Une telle accumulation de claques, dans un même livre, à fortiori le premier de son auteur, est une expérience singulière.

Décidément, la collection Terres d’Amérique d’Albin Michel est un terrain fertile pour les recueils de nouvelles inclassables, qui marquent fortement les esprits (cf, en 2020, La chance vous sourit de Adam Johnson). Friday Black me restera en mémoire pour longtemps, les ressentis gravés au plus profond.

La nouvelle n’est pas un genre reconnu comme il le devrait en France. C’est tout le contraire dans les pays anglo-saxons, où ces courtes histoires sont vues comme des textes de valeur égale aux romans.

Modèle d’inventivité et de noires émotions

Le recueil de Nana Kwame Adjel-Brenyah est un modèle d’inventivité, d’engagement, de puissance et d’émotions diverses. Douze récits, dont au moins neuf me resteront marqués au fer rouge dans le cœur et dans les tripes.

Voilà l’exemple parfait de ce que je dis souvent : il n’y a que deux genres de livres, ceux qui vous passionnent et les autres. Pourquoi vouloir toujours cataloguer une histoire dans un genre spécifique ? Cette collection de textes montre admirablement que la forme peut servir le fond, qu’elle peut concourir à appuyer un message.

Court récit digne des meilleurs romans noirs, dystopie, fantastique, satire, anticipation… La palette des styles est incroyablement large et étonnement imagée. Sombre, le plus souvent. Exigeantes, toujours.

A coups d’allégories, de métaphores ou d’idées coup de poing, le primo écrivain de génie nous parle de quête d’identité, de justice, de ce qu’est être noir, de consumérisme immodéré. Des sujets universels qu’il habille avec inventivité, en déplaçant les curseurs de telle sorte qu’on se prend les récits en pleine face.

Un immense talent est né

Les maux de l’Amérique (mais on peut facilement extrapoler et penser à nos contrées européennes). Le passé, le présent et l’avenir. Des sociétés qui perdent pied.

Les textes d’Adjel-Brenyah ne sont pas le genre de nouvelles à chutes fracassantes. Elle plongent au contraire le lecteur dans des univers et des ambiances impossible à anticiper, déroutantes, souvent cruelles et qui chamboulent.

J’en suis ressorti plus d’une fois totalement halluciné, hagard. A la fois le regard dans le vide et l’esprit qui tourne à mille à l’heure.

Ces récits d’une intelligence folle sont portés par une plume vibrante au possible, et qui ose. Une parole unique qui s’avère universelle. Je sais déjà que je relirai certains de ces textes au fil du temps, pour m’en imprégner encore, différemment.

L’écrivain a été sélectionné par l’écrivain Colson Whitehead pour intégrer la National Book Foundation, gage que ses pairs ont très vite compris son talent inné.

Une telle réussite, aussi marquante, qui plus est pour un recueil de nouvelles, est admirable. Friday black est un livre proprement exceptionnel. Une lecture rare.

Nana Kwame Adjel-Brenyah est une voix qui porte, unique, qui touche l’âme autant qu’elle fait méditer. Un immense talent est né.

Yvan Fauth

Date de sortie : 06 janvier 2021

Éditeur : Albin Michel

Genre : Nouvelles

4° de couverture

Avec ce premier livre incroyablement inventif, Nana Kwame Adjei-Brenyah s’est imposé aux États-Unis comme une nouvelle voix explosive dans la lignée de Colson Whitehead et Marlon James. Entremêlant dystopie, satire et fantastique, et ses nouvelles donnent à voir avec une effarante lucidité la violence et la déshumanisation de notre monde. 

Qu’il mette en scène le procès d’un Blanc accusé du meurtre effroyable de cinq enfants noirs (et qui sera acquitté), le parcours d’un jeune qui tente de faire diminuer son « degré de noirceur » pour décrocher un emploi, le quotidien d’un vendeur de centre commercial confronté à des clients devenus zombies, ou celui des employés d’un parc d’attractions faisant du racisme ordinaire une source de divertissement, AdjeiBrenyah le fait avec une maîtrise et une maturité stupéfi antes. On renferme ce livre hébété : si la fi ction peut contribuer à bousculer les mentalités, alors Friday Black est une puissante arme littéraire. 



Catégories :Littérature

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9 réponses

  1. Aude Bouquine – « Lire c’est pouvoir se glisser sous différentes peaux et vivre plusieurs vies. » Ici, je lis, je rêve, je parle de mes émotions de lectures, avec des mots. Le plus objectivement possible. Honnêtement, avec respect. Poussez la porte. Soyez les bienvenus dans mon univers littéraire.

    Très belle chronique qui rend hommage à ce recueil si singulier. Comme tu dis, varié, original et exigeant ❤️

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Il te reste à le finir !

      • Aude Bouquine – « Lire c’est pouvoir se glisser sous différentes peaux et vivre plusieurs vies. » Ici, je lis, je rêve, je parle de mes émotions de lectures, avec des mots. Le plus objectivement possible. Honnêtement, avec respect. Poussez la porte. Soyez les bienvenus dans mon univers littéraire.

        Cette semaine 😉

  2. Il t’a sacrément secoué ce bouquin Yvan. Je me le note. Merci à toi. 🙏😘

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Comme tu dis, chamboulé

  3. Et comme je te fais confiance, je le note en gros.

  4. Bon, ben… vendu 🙂
    Je passe tout à l’heure dans ma librairie préférée, si jamais ce livre traîne dans le coin, il risque de finir dans mon sac. Ce qui n’était pas du tout prévu dans le budget. Je ne te remercie pas du tout, Yvan, hein !
    (Ou alors si, sûrement, après lecture ;-))

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Moi, je te remercie de ta confiance !

  5. Tu accuseras le vent. Si ça tombe dans tes bras. 😅

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