Nickel boys – Colson Whitehead

Prix Pulitzer de la fiction 2020, voilà qui a de quoi attirer nombre de lecteurs. Et sans doute en faire fuir d’autres. Les second auront clairement tort, tant Nickel boys est un roman qui sonne juste et vrai, porté par une plume sobre.

Colson Whitehead est de ces très rares écrivains à avoir déjà eu ce prix ultime à deux reprises (Underground Railroad en 2017), alors qu’il n’a que 51 ans.

Vrai et juste

Vrai et juste, voilà deux termes particulièrement appropriés pour ce récit qui se lit rapidement (250 pages).

Même s’il s’agit bien d’une fiction, l’histoire est basée sur des faits réels. La maison de correction de la Nickel academy n’a pas existé, mais est directement inspirée d’un lieu authentique, et les événements du roman sont tristement avérés.

Les années 60 aux USA, les femmes et hommes de couleur noire commencent à avoir des droits… sur le papier. Les mentalités et l’expérience quotidienne montrent que la réalité en est encore bien éloignée. Martin Luther King prône son message de paix et d’amour, même envers les agresseurs, on sait ce qu’il en adviendra.

Elwood Curtis est un jeune homme qui a les qualités pour sortir de son milieu. Malgré ses origines modestes, il est intelligent, curieux, respectueux, calme. Malheureusement pour lui, il n’est pas blanc. C’est ce que cette société américaine lui fait comprendre chaque jour.

Pourtant, il se fait à la situation et rêve d’aller à l’université. Le sort, et sa condition de noir, vont briser son élan. Et c’est là qu’il devient un Nickel boy.

Récit d’une époque, et résonance

Ce centre pour jeunes délinquants (parfois enfermés pour des broutilles), jusqu’à leur 18 ans, n’est pas réservé à la population noire. Mais ils sont séparés des autres, traités avec encore plus de dureté.

Colson Whitehead raconte leur sort, leur quotidien. Celui d’Elwood en ligne de mire. Lui qui a tout du bon garçon, voit ses idéaux brisés à coups de bâton et d’humiliations.

Voilà une œuvre romanesque, avec des personnages auxquels on s’attache, sans que jamais l’auteur ne tombe dans le pathos ou la surenchère larmoyante.

L’écriture de Whitehead est sobre, facile à lire, directe et donc expressive. Elle parle à notre conscience, à nos émotions, à notre imagination aussi.

Le roman n’a rien de révolutionnaire, tant ont déjà raconté cette époque et ces situations. L’intérêt est cette focalisation sur des faits précis et sur la résonance qu’a cette histoire dans notre monde actuel.

Une fin exceptionnelle

De nos jours, les choses se sont peut-être améliorées, mais on est encore très loin de l’égalité des droits, le mouvement récent Black Lives Matter en est la parfaite illustration. Le contexte historique des 60’s nous aide à expliquer la situation actuelle, ce livre est aussi précieux pour ça. Il ne tombe jamais dans un côté donneur de leçon, il est une aide à la réflexion.

Et c’est donc aussi un formidable roman fictionnel. A l’image de la fin, qui parle de la vie d’après. Une fin que je ne me cache pas de qualifier d’exceptionnelle, tant elle est surprenante, aussi forte que pleine de sens. Magnifique final qui donne clairement une autre dimension à l’œuvre littéraire.

Nickel boys n’est pas qu’une bête à prix. Au-delà de sa distinction au Pulitzer, c’est surtout un roman qui raconte avec intelligence et sensibilité la condition noire. Colson Whitehead trouve les mots justes, sans en rajouter, en racontant les faits et gestes, et en créant une belle histoire dans l’Histoire.

Yvan Fauth

Date de sortie : 19 août 2020

Éditeur : Albin Michel

Genre : Roman

4° de couverture

Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le jeune Elwood Curtis prend très à coeur le message de paix de Martin Luther King. Prêt à intégrer l’université pour y faire de brillantes études, il voit s’évanouir ses rêves d’avenir lorsque, à la suite d’une erreur judiciaire, on l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s’engage à faire des délinquants des « hommes honnêtes et honorables ». Sauf qu’il s’agit en réalité d’un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve toutefois un allié précieux en la personne de Turner, avec qui il se lie d’amitié. Mais l’idéalisme de l’un et le scepticisme de l’autre auront des conséquences déchirantes.



Catégories :Littérature

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14 réponses

  1. Superbe écrivain dont j’ai lu deux livres très différents, Underground Railroad et Zone 1. Il faudra donc que je lise celui-ci. Merci

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      et moi que je lise les autres !

  2. Eve-Yeshé – Psychiatre à la retraite, je peux enfin m'adonner à ma passion. Lectrice assidue depuis le CP, je profite de ma retraite pour parler de mes livres, de mes coups de cœur, de mes déceptions aussi... ma PAL est gigantesque, il me faudra trois vies encore pour en venir à bout.

    il m’a beaucoup plu et donner envie de suivre l’auteur et bingo je suis plongée dans « Underground Railroad » une prouesse, il sera resté peu de temps en attente dans ma PAL 🙂

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      je vais faire ce chemin dans l’autre sens 😉

  3. Et il est dans la mienne, de Pal, en liste d’attente à la médiatheque …
    Bonnes fêtes de fin d’année, et je te souhaite de beaux rendez-vous littéraires en 2021!

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      bonnes fêtes à toi aussi, Sylvie !

  4. Aude Bouquine – « Lire c’est pouvoir se glisser sous différentes peaux et vivre plusieurs vies. » Ici, je lis, je rêve, je parle de mes émotions de lectures, avec des mots. Le plus objectivement possible. Honnêtement, avec respect. Poussez la porte. Soyez les bienvenus dans mon univers littéraire.

    Tu as eu bien raison de parler de cette fin… 😍

  5. Il patiente dans ma PAL depuis sa sortie. Mais qu’est-ce que j’attends pour le lire? C’est l’effet que me fait en tous cas ton billet.

  6. belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

    Pour une fois, j’avais de l’avance sur toi puisque je l’ai lu en septembre 😉 un super livre avec des personnages attachants !

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      j’ai parfois du retard à l’allumage 😉

      • belette2911 – Grande amatrice de Conan Doyle et de son "consultant detective", Sherlock Holmes... Dévoreuse de bouquins, aussi ! Cannibal Lecteur... dévorant des tonnes de livres sans jamais être rassasiée, voilà ce que je suis.

        Cela ne nous regarde pas, tes retards d’allumage !!!!! 😆

        Demande à Domi d’acheter du gingembre… 😛

        • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

          ahahah ! Tu es incorrigible 😉

  7. Collectif Polar : chronique de nuit – Simple bibliothécaire férue de toutes les littératures policières et de l'imaginaire.

    Oui les mots justes c’est ça et ça touche profondément !

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