Interview – 1 livre en 5 questions : Un autre jour – Valentin Musso

1 livre et 5 questions à son auteur, pour lui permettre de présenter son œuvre

5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger

VALENTIN MUSSO

Titre : Un autre jour

Editeur : Seuil

Sortie : 07 novembre 2019

Lien vers ma chronique du roman

Nous voilà bien tous les deux, à vouloir parler ensemble d’un étonnant thriller, tout en sachant qu’on ne peut presque rien en dire ;-). Comment tu résumerais ton histoire, avec tes mots ?

Tu as bien raison : difficile de parler de ce livre sans en déflorer l’intrigue puisque le récit qui colle en apparence aux codes du thriller traditionnel bascule au bout d’une cinquantaine de pages. Je ne te cache pas d’ailleurs que nous avons du mal à écrire la quatrième de couverture ! Je tente tout de même un mini-résumé. C’est l’histoire d’un homme dont l’épouse vient d’être assassinée, qui a tout perdu, qui est seul au monde et qui croit avoir touché le fond. Ce qu’il ignore, c’est que son cauchemar vient tout juste de commencer. Que peut-il y avoir de pire que ce qu’il vit ? C’est au lecteur de le découvrir…

Voilà un récit dont l’ambiance et le rythme sont bien différents de ceux de ton précédent roman…

J’essaie toujours d’adapter le rythme à l’histoire que j’ai en tête. Dernier été pour Lisa était un roman qui prenait son temps, qui contenait de nombreux personnages et de fréquents flash-backs. Ici, l’écriture est plus directe, plus sèche. Il y a peu de descriptions, pratiquement aucune ellipse. Le temps de la narration se confond avec celui de la fiction. L’histoire se déroule sur une journée : on ne lâche pas Adam d’une semelle, on est contraint de partager chacune de ses pensées. Pendant plusieurs chapitres, on ne sait même pas précisément où se déroule l’histoire, ce qui crée une ambiance un peu déroutante. Le lieu de l’intrigue est pourtant essentiel et c’est le point commun entre mes deux derniers livres : ils n’auraient pas pu se passer ailleurs qu’aux États-Unis en raison de la particularité du système judiciaire et de l’existence de la peine de mort. Mais ces éléments ne prennent leur importance que progressivement dans l’histoire.

Ton incroyable intrigue est sacrément audacieuse. Comment as-tu travaillé ton plan ? Tu connaissais ton histoire sur le bout des doigts avant de te lancer dans l’écriture ?

Je connais toujours le début et la fin. Je sais d’où je pars et je sais où je vais, mais je me laisse toujours une grande liberté dans les chemins que je vais emprunter pour arriver au retournement final. Je suis incapable de passer six mois à bâtir un synopsis et je ne couvre pas mes murs de fiches sur les personnages et les lieux ! Le squelette de mon histoire tient souvent sur une page de carnet. J’écris de manière assez intuitive. Je me rends compte que j’ai besoin de me confronter très vite à l’écriture pour trouver l’atmosphère et la tonalité du roman. Je savais en revanche dès le départ qu’Un autre jour contiendrait cinq chapitres, comme les cinq actes d’une tragédie. Mes livres sont d’ailleurs souvent bâtis sur le concept d’ironie tragique : un personnage, en tentant d’échapper à son destin, va au contraire le provoquer.

L’art du thriller c’est aussi l’art de la fausse piste

Oui. Tu sais, j’ai grandi avec les livres d’Agatha Christie qui m’ont beaucoup influencé. Elle a vraiment excellé dans l’art de la fausse piste en explorant un nombre impressionnant de possibilités. Ce qui est stimulant dans ses livres, c’est que le coupable est toujours le personnage qu’on soupçonne le moins. Barthes a expliqué ce mécanisme : quand Agatha Christie fait par exemple du narrateur le coupable, c’est qu’elle sait que dans le roman le « je » est en général témoin et le « il » acteur. Dans Un autre jour, les choses sont un peu différentes car il y a très peu de personnages et que l’intérêt du livre ne porte pas sur le nom de l’assassin. Mais on retrouve l’idée des fausses pistes. Je voulais que le lecteur imagine avoir un temps d’avance, qu’il émette des hypothèses qui vont toutes tomber les unes après les autres. J’aime aussi beaucoup travailler sur le point de vue. Une scène au début du livre va prendre une nouvelle signification à la fin parce qu’on se rend compte que la voix narrative était ambiguë et trompeuse. Ce qui est très intéressant aussi est de jouer sur les codes d’un genre : essayer d’enfermer le lecteur dans un schéma connu et rassurant et faire prendre soudain au récit une tournure qui ne soit pas seulement surprenante, mais qui déborde le cadre du policier.

Le thriller se veut un genre ludique. Mais il sert aussi à faire passer des émotions, et amener à certaines réflexions…

Oui, c’est ce qui fait du thriller un genre formidable. Ce roman aborde beaucoup de thèmes différents : la culpabilité, la justice, la vengeance, mais aussi la mémoire, la frontière entre la réalité et l’illusion. Le but, c’était qu’ils se rejoignent et ne fassent véritablement sens que dans les dernières pages du livre. Mais si je pose des questions, je n’apporte pas de réponses définitives, je ne cherche pas à faire la morale. Le lecteur a souvent sa part de travail à accomplir. Voltaire écrivait : « Les livres les plus utiles sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié. » Je trouve cette idée très juste. Dans Dernier été pour Lisa par exemple, le lecteur reste seul juge de l’acte terrible qu’accomplit le narrateur à la fin. A-t-il bien ou mal agi ? Qu’aurais-je fait à sa place ? Si la réponse ne s’impose pas de manière évidente, c’est que le romancier a réussi quelque chose au-delà même du simple fait de divertir ses lecteurs.



Catégories :Littérature

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7 réponses

  1. Merci pour ce partage. 🙏 Bel échange entre vous deux. ❤

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Merci 😉

  2. Nath - Mes Lectures du Dimanche – Livres, ongles & Rock 'n Roll

    Et tout d’un coup, à la lecture de ces mots, je me dis que l’auteur aurait bien rigolé s’il avait suivi le fil de mes cogitations pendant cette lecture !!

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      Ahahah, oui exactement! 😁

  3. Très bon bouquin, j’ai adoré cette prise de risque ! Je lirai les derniers que j’avais carrément mis de côté ces dernières années 😊

    • Yvan – Strasbourg – Les livres, je les dévore. Tout d’abord je les dévore des yeux en librairie, sur Babelio ou sur le net, Pour ensuite les dévorer page après page. Pour terminer par les re-dévorer des yeux en contemplant ma bibliothèque. Je suis un peu glouton. Qui suis-je : homme, 54 ans, Strasbourg, France

      content de voir que tu as aussi apprécié ! 😉

Rétroliens

  1. Un autre jour - Valentin Musso - EmOtionS - Blog littéraire

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