1 livre et 5 questions à son auteur, pour lui permettre de présenter son œuvre
5 réponses pour vous donner envie de vous y plonger
Jérôme Camut et Nathalie Hug
Titre : Et le mal viendra
Editeur : Fleuve
Sortie : 07 mars 2019
Lien vers ma chronique du roman
Ce nouveau roman est tout sauf une suite d’Islanova, comme si vous aviez inventé un nouveau concept…
Inventé ? Voilà un mot qui en impose ! Pasteur est un inventeur, Edison aussi, et tant d’autres. Nos modes de vie en témoignent. Mais nous, raconteurs d’histoires, romanciers, inventons-nous ? Est-il même encore possible d’inventer en littérature après les millions de romans écrits avant les nôtres ? Non, sans doute que non. Tout juste nous est-il possible de faire nos gammes, quelques variations sur des thèmes déjà utilisés, quelques pas sur des chemins empruntés par nos prédécesseurs. C’est toute la difficulté de l’entreprise, passer par des territoires que les lecteurs connaitront tout en leur racontant une histoire nouvelle.
Avec ce roman, Et le mal viendra, qui est une réponse à notre précédent roman, Islanova, nous avons cherché à embarquer le lecteur dans une expérience inédite.
Une réponse en miroir, plus précisément. Un miroir qui ne montre pas la réalité première, mais une autre possibilité du réel.
Nous avons écrit deux romans qui empruntent des chemins identiques sans pour autant raconter la même histoire. Des histoires qui servent le destin de deux hommes, des antagonistes animés de nobles intentions.
En cela nous touchons peut-être au concept.
Prenez deux frères, donnez-leur des coups dans la gueule (psychologiques bien sûr), faites les trimer, accordez-leur de la joie, du plaisir, des deuils, faites monter chez l’un un profond sentiment d’injustice tandis que l’autre obtiendra à peu près ce qu’il désire, et vous aurez les ingrédients de ces romans.
Après, il faut travailler sans relâche, laisser de temps à autre la pâte reposer pour reprendre son souffle, un peu de hauteur et de fraîcheur sur le texte, dormir, se reposer, vivre aussi, parce que le CamHug a besoin de vivre pour écrire (et non pas l’inverse), et puis ensuite intervient un éditeur bienveillant, des lecteurs tests pour nous conforter dans l’idée que nous avons correctement transmis le flambeau, et hop, au suivant !
C’était quoi déjà la question ?…
Sans trop en dire, l’idée centrale de l’intrigue est dingue. Vos personnages ont une vision jusqu’au-boutiste des choses…
L’idée centrale n’est pas dingue, elle est désespérée. Elle consiste en une analyse acharnée des comportements humains sur les cinquante dernières années, analyse que nous empruntons à d’autres (parmi ces autres se trouvent des gens qui inventent dont nous parlions un peu plus tôt), sur des sujets divers et convergents tels que la disparition des espèces vivantes, les ravages de la pollution, le dérèglement climatique, la montée du niveau des océans, tous ces sujets anxiogènes (à juste titre) que nous préférons collectivement ne pas regarder en face au quotidien (le Camhug s’inclue bien sûr dans ce collectif humain comptabilisant, au 11 mars 2019, environ sept milliards cinq cent millions d’individus) parce qu’on vit au jour le jour, parce qu’on préfère se tourner vers des sujets plus réjouissants, parce qu’on n’a pas le choix, parce qu’on s’en fout (les raisons sont nombreuses et parfois se chevauchent).
Le résultat sera pourtant le même, que l’on ait peur, s’en moque ou que l’on soit dans l’incapacité d’agir contre ce qu’annonce le GIEC. Le niveau des océans monte, le climat se dérègle, et les populations en souffriront, toutes espèces confondues.
Ce constat nous afflige, nous met en colère. Nous vivons sur une si belle planète, peuplée par des millions d’espèces qui ont su évoluer sur des millions d’années. Et voilà qu’avec notre envie d’accumuler plein de choses « indispensables », nous avons mis cet équilibre en péril.
Quand le CamHug est énervé, il écrit un roman. Alors, pour répondre à votre question, oui, nos personnages ont une vision jusqu’au-boutiste des choses. Ils voulaient agir pour leur planète, pour l’humanité d’abord et avant tout, et on leur a ri au nez… alors eux aussi se sont mis en colère. Et comme nos personnages sont de papier, ils se permettent le meilleur comme le pire, et même plus que ça !
Cette histoire se déroule dans quelques années. Mais elle nous parle d’aujourd’hui…
Nous avions besoin que le personnage central de Et le mal viendra dispose de temps pour évoluer. Nous l’avons déjà dit, Morgan Scali (c’est son nom) était un type bien, père de deux enfants, un mari aimé, un homme épanoui. Jusqu’à ce qu’il perde sa femme au Bataclan, le 13 novembre 2015.
Quand on est comme lui, on ne devient pas un terroriste du jour au lendemain. Décider de verser dans la violence, d’embringuer ses amis dans la tragédie, ses enfants, de devenir un assassin en toute connaissance de cause, en parfaite lucidité d’esprit, ça ne se fait pas tout seul. Il faut du temps, connaître des réussites et des échecs, vivre l’injustice, la ressentir au fond de soi, éprouver l’incommensurable inégalité entre les peuples du nord et du sud jusque dans sa chair, ça demande du temps. Et parvenir à la conclusion que rien ne bougera tant qu’il en restera aux mots, c’est une bascule qui exige presque une vie de réflexion.
C’est pour toutes ces raisons que l’intrigue du roman se déroule en 2028, 13 après le Bataclan.
Et le mal viendra décrit le parcours de Morgan Scali, une vie consacrée au bien, qui évoluera vers des choix violents et dramatiques. Comment un type bien se transforme-t-il en méchant ? Et même en très méchant ? C’est une question qui nous intéresse en tant qu’individus, et c’est pour ça que nous planchons dessus pour nos romans.
Ce roman est choral, une fois de plus…
Les personnages, c’est le cœur de notre travail d’auteurs. C’est ce que nous aimons le plus, inventer des caractères, faire en sorte qu’ils possèdent la complexité de gens véritables, avec leurs contradictions, leurs forces et leurs faiblesses, leur peurs, leurs angoisses. Pour certains, nous leur constituons une famille. Nous connaissons leur vie sur des années avant leur apparition dans le roman. On connaît pour certains leur enfance, leurs traumatismes, tout ce qui nous permet de les faire agir de manière cohérente. C’est passionnant en réalité, mais éprouvant. Les gens qui nous connaissent nous disent que nous sommes bien plus que deux. Je crois qu’on fatigue nos amis parfois. Donc oui, Et le mal viendra est de nouveau un roman choral. Mais nous avons restreint le nombre de ces personnages qui prennent la parole, parce que le roman est surtout consacré à deux hommes : Morgan Scali, le méchant de l’histoire, et Julian Stark, le gentil. Ces qualificatifs sont une vue de l’esprit, car chacun incarnera l’un ou l’autre selon le moment de sa vie. Comme dans la réalité, rares sont les méchants ou les gentils absolus. Nous vivons entourés de personnalités complexes qui oscillent entre le bien et le mal leur vie durant. (Nous nous incluons dans ce descriptif).
C’est un vrai thriller, mais même là vous ne faites pas comme les autres, en proposant des rebondissements atypiques et originaux, loin du déjà-vu…
Nous essayons de rester dans la marge, l’originalité demande beaucoup de travail, d’inventivité. Mais nous sommes deux, et ce fait nous permet de rester vigilants. Il y en a toujours un qui veille, parce que souvent, la tentation de verser dans la facilité est grande.
C’est difficile de savoir si l’on est original. Il faudrait avoir tout lu, tout vu, ce qui n’est pas notre cas, loin s’en faut. Et notre pire crainte, ce serait d’écrire un roman qui existerait déjà. Avouez que ça ne serait pas de chance. Le risque est minime, voire quasi inexistant, mais ce quasi vient nous visiter pendant les nuits d’insomnie, avec la fourberie d’un clown issu d’un roman de Stephen King.
Ce qui nous sauve, c’est que l’originalité d’un roman se situe surtout dans ses personnages et son ambiance. Alors nous bossons les personnages. Quant à l’ambiance, c’est une alchimie qui dégouline de nos cerveaux. A deux, le risque de faire pareil qu’un auteur seul est infime. On se rassure comme on peut !
Deux regards sur une même histoire
Catégories :Interviews littéraires
Belle réflexion sur le mal!
Passionnant, merci Yvan 🙂
Merci pour ton intérêt !
Une interview qui vient parfaitement dire ce que je ressens pour ce livre incroyable.
Je les crois quand ils nous disent qu’ils ont vachement bossé la bible de leurs personnages. Il sont tellement bien incarnés !
Bon, j’ai du retard dans mes CamHug et il est temps que je les lise avant la montée des eaux qui engloutira la Flandre (on ne ricane pas dans le fond de la classe) avant de me mettre la mer du Nord pour unique terrain vague et des vagues de dune pour arrêter les vagues ♫
Oups, je vais faire pleuvoir !